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Roman

La Petite Dorrit, Charles Dickens

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 05 Décembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, Iles britanniques

La Petite Dorrit, Archipoche, avril 2015, trad. de l’anglais par Paul Lorain, révisée par Géraldine Barbe, 2 tomes, 640 pages & 600 pages, 9,65 € & 9,65 € . Ecrivain(s): Charles Dickens

 

Seizième roman de Charles Dickens (1812-1870), souvent présenté, parmi d’autres, comme emblématique de son œuvre, La Petite Dorrit (1855-1857) connut une première publication en dix-neuf livraisons, réunies en deux tomes par l’auteur ; c’est cette subdivision en deux tomes, pratique, qu’ont choisi de respecter les éditions Archi Poche pour cette réédition à la traduction révisée.

Le premier tome est celui de la « pauvreté », ainsi que Dickens l’a intitulé, et l’on voit effectivement Amy Dorrit se vendre comme couturière pour faire vivre son père William, emprisonné à la Marshalsea depuis avant sa naissance ; cet emprisonnement montre le véritable sujet de ce roman : la stupidité, voire l’imbécillité de nombreuses institutions anglaises. Ainsi de la Marshalsea, prison pour dettes que fréquenta le père de l’auteur : on ne peut en sortir qu’une fois ses dettes réglées, alors qu’on ne peut travailler… En poussant le raisonnement jusqu’au bout, on se retrouve, comme le père de la petite Dorrit, à mener la vie d’un « père » putatif pour tous les pensionnaires occasionnels de cette prison…

Victoria n’existe pas, Yannis Tsirbas

Ecrit par Victoire NGuyen , le Samedi, 05 Décembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Quidam Editeur

Victoria n’existe pas, octobre 2015, trad. grec Nicolas Pallier, 66 pages, 10 € . Ecrivain(s): Yannis Tsirbas Edition: Quidam Editeur

 

Paroles décomplexées

Dans un train qui mène vers Athènes, deux voyageurs se retrouvent dans le même compartiment. La conversation s’engage. Il faut dire qu’il s’agit plutôt d’un échange unilatéral. En effet, l’un des hommes se tient en retrait. Il écoute son comparse déverser son flot de mots et de temps en temps relance la dynamique lorsqu’il sent que le débit de son voisin se tarit.

Ainsi, par un monologue très étudié au style cru, Yannis Tsirbas crée un personnage, digne héritier de la crise grecque. En effet, ce dernier décrit à son compagnon de voyage les difficultés de sa vie quotidienne. Réduit à des petits « boulots » sans lendemain, obligé de vivre chez ses parents, il assiste impuissant selon lui à la décrépitude de son quartier, Victoria.

« La place Victoria, enfin, Victoria-city ! Personne ne venait nous chercher. Et maintenant, même pour en faire le tour, tu réfléchis à deux fois. Ils bloquent les rues et se foutent sur la gueule. Entre eux, race contre race. L’autre jour ils tenaient des types à terre, ils les savataient sur le bitume. La circulation était stoppée. Du sang sur le trottoir, sérieux ! »

Comme une image, Tiffany Tavernier

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Samedi, 05 Décembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions des Busclats

Comme une image, mars 2015, 119 pages, 12 € . Ecrivain(s): Tiffany Tavernier Edition: Editions des Busclats

 

« Quelque part, c’était à n’y rien comprendre… Comment passer à côté d’un tel amour ? ». C’est pour tenter d’y voir clair dans le labyrinthe des amours, familiaux, conjugaux que la narratrice, Tiffany Tavernier, retrace dans son récit, joliment intitulé Comme une image, deux temps de son existence. Le premier révèle un pan de son enfance, c’est Alice au pays des merveilles, le deuxième une étape de crise de son âge adulte, c’est Tiffany au pays de la détresse. Chaque partie est mise en évidence par une typographie différente. L’enfance est en italique, retour dans un passé révolu. L’âge adulte est transcrit en écriture droite. L’avancée vers le futur d’une femme qui décide de poursuivre sa marche envers et contre tous les obstacles ?

C’est le récit d’une femme, jeune mère et mariée à un homme qui lui annonce brutalement son intention de l’abandonner pour vivre un nouvel amour. Elle quitte la maison conjugale située dans le nord de la France, avec sa petite fille et quelques cartons pleins à ras bord, pour se réfugier chez des amis en banlieue parisienne. C’est l’histoire de cette déambulation dans l’espace et dans le temps que Tiffany Tavernier nous offre en partage.

Monarques, Sébastien Rutes, Juan Hernandez Luna

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 04 Décembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel

Monarques, août 2015, 384 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Sébastien Rutes, Juan Hernandez Luna Edition: Albin Michel

 

Voilà un récit étonnant, riche en rebondissements, d’une puissance d’évocation rare ; et qui pose des questions essentielles au-delà de l’apparente superficialité de la trame.

Cette dernière s’appuie sur un échange de correspondances entre Jules Daumier et Augusto Solis. Ce dernier, homme du monde des arts mexicains, travaille pour le cinéma ; il est fasciné par une certaine Loreleï Lüger, actrice de son état, mais dont les suites du récit vont faire de plus en plus douter de son rôle et de son identité véritables.

C’est Jules Daumier, garçon de course au journal L’humanité qui lui répond en lieu et place de cette Loreleï pour lui indiquer son absence de Paris et promettre dans la foulée à cet interlocuteur épistolaire de la retrouver, de lui donner des informations sur son égérie dès que Jules Daumier le pourra. Il s’ensuit un échange de correspondances passionnantes : on y découvre ainsi le Paris des années 30, celui de la préparation du Front populaire, celui du Vel d’Hiv, lorsque ce lieu sportif n’était encore qu’un stade dans lequel on pouvait assister à des courses cyclistes, des matchs de catch qui font apparemment vibrer notre coursier :

Meyer et la catastrophe, Steven Boykey Sidley

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Jeudi, 03 Décembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Belfond

Meyer et la catastrophe, octobre 2015, trad. anglais (AfSud) Valérie Bourgeois, 350 pages, 21 € . Ecrivain(s): Steven Boykey Sidley Edition: Belfond

Meyer ou la catastrophe est le troisième roman de Steven Boykey Sidley, et le premier publié en France. Ce sud-Africain a été ingénieur informatique comme son héros et scénariste à Hollywood, avant de tout plaquer pour l’écriture.

Meyer ou la catastrophe est un grand roman qui emprunte un humour à la Woody Allen, pour les questions autour du sexe, de l’angoisse et de la psychanalyse, un style incisif et drôle à la Philippe Roth ou Joseph Heller, offre un réel divertissement dans la manière de traiter les questions difficiles des différentes étapes de la vie et nous fait vivre à travers la vie mouvementée de Meyer, toutes les émotions de celui-ci pris entre drames et passions.

Saxophoniste raté et ingénieur en informatique, Meyer va consécutivement se séparer de sa petite amie, perdre son ex-femme avec laquelle il envisageait justement, vingt ans plus tard, de se remettre, voir son fils pris dans la drogue puis lui échapper sur un autre continent (celui des origines de sa mère, le Zimbabwe), sa fille d’un autre mariage tomber gravement malade, un père vieillissant disjoncter et se retrouver en prison après avoir tiré sur des gens et finalement mourir et, en toute fin, perdre son travail, un travail dont il aura à plusieurs reprises mesuré combien il n’était que servitude alors qu’il était le seul à avoir de vrais pouvoirs sur son patron.