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Recensions

Les gens sont les gens, Stéphane Carlier

Ecrit par Guy Donikian , le Vendredi, 01 Février 2013. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Le Cherche-Midi

Les gens sont les gens, 160 pages, 7 février 2013, 13 € . Ecrivain(s): Stéphane Carlier Edition: Le Cherche-Midi

 

Les vies bifurquent parfois au hasard qui peut ne pas en être un. D’aucuns appellent cela une destinée, d’autres opteront pour une décision consciemment prise. En tout cas, il y a des moments dans nos vies qui offrent des opportunités qu’il faut savoir saisir, des moments dont on sait bien qu’ils offrent le moment à ne pas rater.

Nicole Rivadavia est psychanalyste, elle a 57 ans, elle vit à Paris. Son métier ne la satisfait plus. Elle s’ennuie pendant les séances quand il faut avoir une oreille attentive aux récits fantasques des uns et des autres, qui affirment avoir été enlevés par des extraterrestres, ou qui s’exhibent dans les allées d’une grande surface. Mais l’incident le plus révélateur est le reproche d’un de ses patients, s’être endormie.

Son couple ne va pas beaucoup mieux. Jean-Pierre, son mari, ne la touche plus depuis longtemps, et lorsque Nicole décide de rendre visite à Elisabeth Cucq, son ancienne voisine qui s’est installée dans un village du sud de la Bourgogne, il ne suspecte même pas une liaison amoureuse, c’est dire l’état du couple.

Oswald de nuit, triptyque, Samuel Gallet

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 01 Février 2013. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Espaces 34

Oswald de nuit, triptyque, 2012, 50 p. 11 € . Ecrivain(s): Samuel Gallet Edition: Espaces 34

Le Rock est poème - le rock est théâtre

 

Au fond, le théâtre n’a jamais cessé d’être poétique, en vers ou en prose : Racine, Claudel… Il est poésie dans son verbe et poésie en acte : visions de Wilson, Living theatre… Samuel Gallet pense son texte à la fois comme musique, rythme, sons et voix ; il dédie son texte aux musiciens Baptiste Tanné et Melissa Acchiardi. La musique et la poésie sont sœurs. Oswald de nuit sonne comme un écho au si beau Gaspard de la nuit de Bertrand. Et Samuel Gallet se place sous l’ombre tutélaire de Rilke dans son épigraphe.

Oswald, l’être plutôt que le personnage, porte un nom qui claque comme celui d’un assassin américain, bien loin de la douceur du fiancé de Zénaïde de Tardieu. Oswald est au centre du premier volet du triptyque, l’Ennemi sera le second, et peut-être Rosa le panneau central. Vocabulaire de peinture, pourquoi pas puisque le texte ne s’enferme pas dans les conventions dramatiques. Par exemple, le nom des personnages en didascalies n’apparaît qu’une fois lors d’un dialogue Lucie/Oswald (5-pp.22-23), de longs passages en italiques décrivent le personnage dans une logique strophique et incantatoire avec des retours réguliers à la ligne à la façon d’un leitmotiv :

Les feux, Raymond Carver

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 31 Janvier 2013. , dans Recensions, Les Livres, Essais, La Une Livres, USA, Nouvelles, L'Olivier (Seuil)

Les feux, (Fires 1983) trad. (USA) François Lasquin, 2012. 213 p. 14 € . Ecrivain(s): Raymond Carver Edition: L'Olivier (Seuil)

 

 

« Les feux » constitue le 7ème opus des œuvres complètes de Raymond Carver dans leur nouvelle traduction aux éditions de l’Olivier.

C’est un volume éblouissant. Non seulement le grand Carver nous offre quatre nouvelles sublimes mais il nous livre, et c’est bien plus rare, des poèmes magistraux et des textes de réflexion sur l’art du nouvelliste, sur son rapport à l’acte même de création de la nouvelle.

Quand Raymond Carver écrit, l’écriture n’a même plus d’existence tant elle laisse place à l’évidence de la vie. L’art de la nouvelle, qu’il a élevé au plus haut niveau de la littérature américaine, au plus haut niveau de la littérature tout court, ne peut s’accommoder de la moindre défaillance. La brièveté, la densité l’interdisent. Et l’écriture est pour lui un outil au service du réel, qui traque la réalité dans ses moindres recoins, les plus secrets comme les plus exposés.

La chasse au renne de Sibérie, Julia Latynina

Ecrit par Grégoire Meschia , le Mardi, 29 Janvier 2013. , dans Recensions, Les Livres, Polars, La Une Livres, Russie, Roman, Babel (Actes Sud)

La Chasse au renne de Sibérie, trad. du russe Yves Gauthier. 2008, 665 pages, 11,50 € . Ecrivain(s): Julia Latynina Edition: Babel (Actes Sud)

 

 

Moins connue pour sa production littéraire que pour son journalisme politique, Julia Latynina s’intéresse tout particulièrement aux relations (souvent compliquées) entre crime et politique, entre économie et mafia. Quoi de mieux, pour parler de ces thèmes, que la Russie, pays fascinant et troublant s’il en est ? A travers l’histoire d’un combinat métallurgique de Sibérie qui trouve des implications jusqu’à Moscou, Latynina nous propose une description de la situation sociale en Russie, pays inégalitaire qui met en opposition les nouveaux riches du secteur de la banque et les pauvres prolétaires.

L’enjeu de cette intrigue majoritairement financière n’est pas réductible à une dénonciation politique du gouvernement de Poutine (l’instance politique est le grand absent du roman). Dans ce roman noir, on observe plutôt un empire en désintégration. Mais plus qu’aux aspects politiques et économiques (affaires bien souvent de spécialistes et Julia Latynina en est une), intéressons-nous prioritairement à des considérations littéraires.

Richard W., Vincent Borel

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 28 Janvier 2013. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Sabine Wespieser

Richard W., 308 pages, 22 € . Ecrivain(s): Vincent Borel Edition: Sabine Wespieser

 

Richard W, et non R. Wagner… le « parti pris », l’allure du roman sont posés : c’est autour de l’homme, par le côté familier de son prénom, de son « petit nom », que tout tourne. C’est l’intimité, presque la familiarité du personnage qui va donner le ton à ce roman, la petite histoire, la petite musique qui interagit avec le nom, connu, re-connu, qui met l’accent sur le côté méconnu du personnage Wagner. Comme si le nom n’était qu’un avatar, comme si le prénom lui donnait toute sa force, l’éclairant, le déviant, le montrant sous un jour différent, souvent sans doute l’exagérant.

Bon nombre des anecdotes de la vie de Richard Wagner émaillant le livre sont sinon imaginées, du moins étirées à l’extrême, mais servent de révélateur, de soubassement à l’exploration de la naissance de l’œuvre. Nées de l’interprétation de l’auteur, mélomane, musicien, prompt à faire réagir comme une composition chimique vie et œuvre, l’œuvre comme prolongement de l’homme ou, plus exactement, projection : « ici l’espace et le temps se confondent », ainsi que le dit Gurnemanz à Parsifal. Tout attend, se condense pour mieux éclater, se résoudre dans une envolée.