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Les Livres

Mes projets de mise en scène, Jean-Luc Lagarce

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 21 Janvier 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre, Les solitaires intempestifs

Mes projets de mise en scène, coll. Du désavantage du vent, 2014, 97 pages, 13 € . Ecrivain(s): Jean-Luc Lagarce Edition: Les solitaires intempestifs

 

« Retour au pays lointain »

Les Solitaires Intempestifs n’ont eu de cesse de rassembler les divers textes de Jean-Luc Lagarce : par delà la parution de ses pièces de théâtre, l’éditeur bisontin a publié son journal en 2 volumes, sa correspondance avec les Attoun, et son texte Théâtre et pouvoir en Occident. La récente édition de Mes projets de mises en scène constitue un nouvel élément de cette somme : l’œuvre théâtrale, comptant 14 pièces, en son centre mais toujours nourrie, irriguée par d’autres écritures, véritables prismes d’une pensée dans toute sa cohérence. Le présent volume réunit donc un entretien intégral de 1994 (sans les questions de J.M. Potiron), suivi d’une série de notes d’intention relatives à des mises en scène, classée chronologiquement entre 1982 et 1996 selon les dates des mises en scène réalisées ou simplement envisagées par Lagarce. Un « générique des spectacles » clôt l’ensemble, rappelant ainsi le parcours de metteur en scène (soit de ses propres textes, soit des œuvres d’autres auteurs), d’homme de troupe avec le théâtre de la Roulotte. La première de couverture illustre d’ailleurs le travail de Lagarce d’abord dans sa relation aux comédiens avec la photographie de Lin Delpierre, dont il parle p.27.

En face, Pierre Demarty (2ème article)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 20 Janvier 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Flammarion

En face, août 2014, 192 pages, 17 € . Ecrivain(s): Pierre Demarty Edition: Flammarion

 

« Ils imaginèrent que tout homme est deux hommes et que le véritable est l’autre », Jorge Luis Borges

 

Bizarre ce roman, kafkaïen certes, à la fois un portrait pathétique de la vie banale et incolore, « une vie en somme. Plus commune qu’une fosse. Qui songerait à y jeter sa pierre ? » d’un couple citadin plutôt aisé et un dérapage surréaliste. Une alternance de passages vifs à l’humour caustique et percutant et de longueurs un peu mornes, alors que l’auteur – ou devrais-je dire le narrateur ? – qui en est sans aucun doute l’alter ego, est pourtant du genre bavard. Parfois trop, ce qui alourdit le récit. Aussi bavard donc que le personnage principal de cette histoire bizarre va devenir mutique. Le narrateur lui n’a rien à voir avec l’histoire finalement, si ce n’est d’être celui que son antihéros, Jean Nochez, va rencontrer – et rencontrer déjà est un bien grand mot –, disons côtoyer au Bar des Indociles Heureux, un de ces petits bars qui ne brillent pas par leur cachet, mais ont l’allure cependant de phare dans la nuit où viennent s’échouer des types en rade ou à la dérive, ce qui revient au même.

Le ruisseau de cristal, Dermot Bolger

Ecrit par Patryck Froissart , le Samedi, 17 Janvier 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Joelle Losfeld

Le ruisseau de cristal (The Woman’s Daughter), septembre 2014, traduction de l’anglais (irlandais) par Marie-Hélène Dumas, 262 pages, 21 € . Ecrivain(s): Dermot Bolger Edition: Joelle Losfeld

 

Le moins qu’on puisse dire de ce ruisseau de cristal, c’est qu’il charrie des eaux turbides.

Quatre histoires s’entremêlent, de manière transchronique, quatre histoires de couples, troubles, dont certains éléments sont à la limite du sordide, mais dont le courant laisse apparaître ici et là, comme il advient d’en trouver dans le limon de toute rivière, à la périphérie ou au plein centre des remous nauséabonds, des pépites d’or d’amour et de noblesse.

D’abord il y a Sandra et Johnny, le frère et la sœur, et leurs jeux interdits, de ceux, fraternels et innocents, de l’enfance, à ceux, ardents et passionnés, de plus en plus accomplis, attisés par le sentiment religieux du péché et par la connaissance de la transgression du tabou culturel, de l’adolescence, dont les conséquences peuvent devenir dramatiques dans une société victorienne qui ne peut les tolérer.

Mais après je restais allongée éveillée, sachant que ce que je faisais était mal, terrifiée à l’idée que quelque chose révélerait peut-être mon péché…

Le complexe d’Eden Bellwether, Benjamin Wood (2ème article)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 17 Janvier 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Zulma

Le complexe d’Eden Bellwether (The Bellwether Revivals, 2012), septembre 2014 traduit de l’anglais par Renaud Morin, 512 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Benjamin Wood Edition: Zulma

 

Music in Cambridge…

Premier roman de Benjamin Wood, The Bellwether Revivals/Le Complexe d’Eden Bellwether nous arrive en France grâce aux éditions Zulma qui nous offrent cette belle découverte. L’auteur, né en 1981 en Angleterre, a mené des études littéraires au Canada où il a aussi été éditeur. Aujourd’hui, enseignant à l’Université de Londres, c’est en 2012 qu’il publie ce premier roman qui nous emmène dans l’univers assez fermé des collèges de Cambridge, un univers élitiste, ou plutôt un univers où les enfants de l’élite sociale sont aussi convaincus qu’ils constituent une élite culturelle et intellectuelle qui vit en marge, et plutôt au-dessus, du monde ordinaire.

Oscar, lui, vient de ce monde ordinaire. Un monde où les ambitions peuvent, ou savent, être modestes. Pour Oscar, se faire sa place dans le monde ne passe pas par des études brillantes au sein des prestigieuses institutions d’Oxbridge (Oxford+Cambridge) mais par le travail et l’autonomie qu’il peut procurer, aussi modeste soit-elle.

Chéri-Chéri, Philippe Djian

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 17 Janvier 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Chéri-Chéri, septembre 2014, 194 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Philippe Djian Edition: Gallimard

 

Comme souvent avec Djian ; un livre, non, des livres, et, ici, beaucoup. Roman intimiste, de société, suspense coloré policier, Huis clos… on peut encore y voir un récit d’atmosphère. Tout ça dans un seul livre ! S’il faut choisir, on peut aller vers le Huis clos d’atmosphère… mais d’autres lecteurs le prendront sans doute par un autre bout, ce Djian d’hiver. Un bon, encore un.

« Le bloc se fissurait. Ce qui me semblait inimaginable hier encore se réalisait sous mes yeux à présent. Les murs de leur citadelle se lézardaient, ils n’étaient plus les trois seuls doigts de la même main – dont je m’étais toujours senti exclu – le vent avait tourné, le ressentiment s’installait entre eux, attisé par mes soins quand j’en avais l’occasion – baiser Véronica participait d’un long travail de sape que j’avais entrepris presque inconsciemment et qui en constituait à ce jour le point d’orgue. C’était une sensation bizarre de craindre l’orage et de le souhaiter en même temps ».

L’écriture d’une minutie classique, le regard extérieur – globalement extérieur, mais vu de très près – sur un étrange bestiaire, dont au fur et à mesure on s’approprie la fraternité humaine… Philippe Djian aux manettes…