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Les Livres

La Débâcle, Romain Slocombe (par Mélanie Talcott)

Ecrit par Mélanie Talcott , le Vendredi, 23 Août 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La Débâcle, Romain Slocombe, Robert Laffont, août 2019, 528 pages, 22 €

 

Renversement, exode, déferlement, débandade, déroute, chaos, effondrement… sont les étapes nuancées de n’importe quelle débâcle. Pas celle naturelle des glaces qui donne à ce terme son sens premier, mais celle d’un système qui s’écroule de haut en bas suivant un effet domino, entraînant dans sa chute toutes celles et ceux qu’il prétendait servir et protéger.

La Débâcle donc de Romain Slocombe…

Une remarque préliminaire… Je ne sais quel rédacteur de quatrième de couverture chez Robert Laffont a eu l’idée saugrenue de qualifier celle qui nous est racontée de « road-trip hyperréaliste ». Sans doute quelque fondu de marketing ! Car le mot road-trip désigne une façon cool de voyager, d’appréhender une région ou un pays, en roulant, laissant défiler les kilomètres pour le plaisir des yeux, celui de la découverte des paysages, des peuples et de leur façon de vivre. Bref, une manière de renouer avec une nostalgie bienveillante.

Le cœur est une place forte, Marie Hélène Prouteau

, le Vendredi, 23 Août 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

Le cœur est une place forte, Marie Hélène Prouteau, éditions La Part commune, mars 2019, préface Dominique Sampiero, 148 pages, 14 €

« C’est une histoire de livret perdu, une histoire de revenance ». Au cœur du livre, le livret militaire du grand-père, perdu dans la bataille de Maissin, en 1914, retrouvé 50 ans plus tard dans un grenier en Belgique. Un livret jamais oublié par l’enfant : « elle y a logé son rêve ». Il aimante ici la mémoire et les mots. Relique d’une hécatombe, béance de l’oubli, palimpseste des silences à déchiffrer, veilleur d’Histoire, il instaure un « pacte » entre l’auteure et son grand-père, devient chambre d’échos, résonance des voix qui traversent le temps et les ténèbres. « N’est-il pas de ces choses singulières qui portent plusieurs mondes ? ».

Peu à peu, sous les doigts, le vieux livret s’anime, frémit, soupire, vibre de présences, s’ouvre à d’autres mémoires. Car « écrire, c’est écouter des silences » (Jabès, en exergue). L’auteure se met à l’écoute, avec lucidité, empathie et courage. Elle se met en quête de vérité, elle veut traverser « les couches de silence », questionner l’Histoire. Il lui faut plonger dans les archives, témoignages, historiens, photos sépias, lettres, cartes postales, musées, lieux des combats, mais aussi se laisser pénétrer par la parole des poètes, les œuvres des musiciens, peintres, cinéastes, qui tentent de sublimer l’horreur.

Un monstre et un chaos, Hubert Haddad (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 22 Août 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Zulma

Un monstre et un chaos, août 2019, 352 pages, 20 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

C’est dans un voyage au bout du cauchemar que nous emmène Hubert Haddad dans ce roman. Du Shtetl misérable de Mirlek au Ghetto de Lodz, jamais l’horreur ne lâchera le jeune héros de cette histoire. Il y a eu, bien sûr, d’autres fictions situées dans le même cadre, mais Haddad nous prend au cœur par un parti-pris d’intimité. Il dit non seulement le malheur collectif, mais la redéposition de ce malheur sur un enfant solitaire de douze ans qui doit tout inventer pour survivre. Et c’est sur les traces de cet enfant à qui on a tout pris – famille, frère jumeau, maison, table où se nourrir et jusqu’à l’identité – que nous traversons les ruelles et rues dévastées de Lodz en son Ghetto, les lieux où l’humanité (peut-on encore l’appeler ainsi ?) a atteint l’extrême limite de l’Enfer sur terre, les lieux où s’écrivent les traces indélébiles de la sauvagerie des hommes envers des hommes, les lieux enfin qui resteront à jamais inscrits dans la mémoire des êtres de conscience.

Athos le forestier, Maria Stefanopoulou (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 22 Août 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, La rentrée littéraire, Cambourakis

Athos le forestier, août 2019, trad. grec René Bouchet, 224 pages, 22 € . Ecrivain(s): Maria Stefanopoulou Edition: Cambourakis

 

La littérature, dit-on, aide à comprendre le passé d’un pays, son histoire, ses drames lointains ou rapprochés. Ce présupposé est largement confirmé par le magnifique récit de Maria Stefanopoulou, qui signe à cette occasion son premier roman, même si cette auteure a déjà produit des nouvelles et essais sur la critique et la violence.

C’est un roman choral, qui expose successivement les points de vue des différents personnages : Athos, qui est forestier dans le Péloponnèse, se cache dans sa cabane car il passe pour mort, ayant échappé aux représailles de la Wehrmacht du 13 décembre 1943 à Kalavryta. Dans ce village ont été massacrés tous les habitants. Son épouse, Marianthi, et sa fille Margarita quittent la localité.

Près de quarante ans plus tard, Lefki, la fille de Margarita, s’installe à Kalavryta pour y créer une Clinique de la douleur car Lefki est médecin. Iokasti, fille de Lefki, représente la quatrième génération après la seconde Guerre mondiale : elle veut résoudre le mystère d’Athos, et se lance dans la forêt à la recherche de son grand-père Athos.

Terre natale, Exercices de piété, Jean Clair (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 22 Août 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard, Histoire

Terre natale, Exercices de piété, juin 2019, 416 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jean Clair Edition: Gallimard

 

 

Dans ce livre savant, référencé, Jean Clair nous fait partager vingt-quatre exercices de piété à la manière d’un symposium, banquet propice à la dissertation, par rétrospection et par le biais de « l’écriture [qui] est un filet de mots pour attraper les papillons de l’âme », et ce, en dépit de « ce temps de pauvre littérature ». Le texte de Jean Clair participe d’une recherche paradoxale de la part absente du moi, invisible à soi – à la fois conscience (révélée par la psychanalyse), récapitulatif de ce qui nous nourrit (l’instruction, le savoir, l’art), et altérité. Ces traités sont le prétexte de considérations sur le voile des femmes, ce qu’il recouvre, sur le miroir qui révèle à l’envers, brouille également ou trompe le regard, tout en captant des apparences et des présences fantomatiques, notamment.