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La Une Livres

Faune et flore du dedans, Blandine Fauré, par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 15 Octobre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Arléa

Faune et flore du dedans, août 2018, 220 pages, 20 € . Ecrivain(s): Blandine Fauré Edition: Arléa

 

« Il faut faire de la nature un projet de droit », déclarait Michel Serres (1), ajoutant qu’il faudrait urgemment « trouver un avocat à la nature ». Trouver des remèdes. Plus de marrons, plus de fleurs, plus de merles, plus de mésanges, plus de moineaux, plus d’abeilles, plus d’insectes pour nous importuner. La Nature ne nous dérangera plus. Et ça se joue à trois ans près. Le vivant qui meurt dans nos appareils, pour nos pulsions, grâce à nos progrès. Pourtant ! Nous avions toutes les bonnes raisons d’agir ainsi. Il fallait bien pallier la peur ancestrale, n’est-ce pas, la peur matrice de nos cerveaux, réduire la dépense d’énergie pour maintenir nos existences. La vie avec une belle majuscule, quitte à tuer tout ce qui la menace directement.

La Nature.

Ne croyez donc pas que ce livre est un manifeste. Ne cherchez d’ailleurs pas de qualificatif, vous n’en trouverez point. D’une nature plutôt épiphyte. Car s’il devait être un végétal, il serait une liane.

Épiphyte, qui croît sur d’autres plantes sans en tirer sa nourriture.

Sweetie, Philippe Malone, par Marie du Crest

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 15 Octobre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Théâtre, Espaces 34

Sweetie, mars 2018, 104 pages, 15,80 € . Ecrivain(s): Philippe Malone Edition: Espaces 34


Le livre et le texte

Lorsque l’on ouvre le volume dont le titre est Sweetie, et l’auteur, Ph. Malone, les habitués des éditions Espaces 34 retrouvent, comme le veut la Collection Théâtre, une première de couverture bleu nuit, une discrète illustration ou photographie dans le bas de la page. Ici une carte à jouer reine et roi de pique, toujours inquiétants à l’endroit et à l’envers. Le lecteur prend dans ses mains le petit livre et découvre alors la quatrième de couverture. Mais étrangement elle apparaît comme la première de couverture à l’envers : la carte à jouer en haut et le titre en bas. Nulle trace d’un résumé de la fable, nulle trace d’une rapide biographie de l’auteur comme d’habitude. Le livre donc se donne dans sa conception matérielle, comme un endroit, un envers, à choisir, identique par le texte, changeant seulement quand cela est nécessaire de genre, texte comme répété et retourné, deux fois dédicacé à l’ami de théâtre disparu, Emmanuel Darley.

À propos de Traction-Brabant 80, par Murielle Compère-Demarcy

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 15 Octobre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Revues

Traction-Brabant 80, 2,40 €

 

Ce numéro 80 du 15 septembre 2018 permet à Patrice Maltaverne d’« aborder le thème sensible du grand âge », l’éditeur-poète s’imaginant être « aussi vieux que (s)on poézine ! ». Non sans humour et causticité comme à son habitude (on ne change pas de tempérament, même si au fil des années l’expérience nous apprend à peser l’importance des choses, en mieux ou en pire…). Ce qui nous donne un numéro aussi revigorant que son capitaine tient coûte que coûte le cap, malgré la concurrence et en dépit d’une société performative qui pousse ses pions à remplir leurs objectifs et faire leur bilan de compétences de plus en plus compétitives… Si Maltaverne était aussi vieux que son poézine, voyons voir, il aurait le bel avantage de se consacrer à plein temps à l’écriture, écrit-il bien campé dans sa page savoureuse des Incipits finissants, sa poésie « en viager », et pressant « les éditeurs, des gens de (s)a génération, donc des êtres d’expérience, de (l’) éditer plutôt deux fois qu’une, ou rien qu’une fois de plus, jusqu’à la prochaine, parce que voyez-vous, on n’est pas immortel, même moi, et çaserait dommage que je sois édité à titre posthume ». Il écrirait, il publierait, il courrait… conformément au rythme tendance d’une société boulimique produisant en temps chronophage (sourire), mais… ne vaudrait-il pas mieux « dormir, être décédé au quotidien » ?

Encore cent ans pour Melville, Claude Minière (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 12 Octobre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Biographie, Gallimard

Encore cent ans pour Melville, juin 2018, 112 pages, 11,50 € . Ecrivain(s): Claude Minière Edition: Gallimard

 

« Il faudra encore cent ans pour qu’Herman Melville soit lu, soit vu avec ses multiples visages, son côté noir et son côté lumineux… Trois cents ans de parenthèse. Trois siècles de tortue » (Encore cent ans pour Melville).

« Il faisait un temps merveilleux le jour où vint pour la première fois mon tour de poste à la haute vigie (Moby Dick).

« Par une illusion d’optique, flottent haut dans une brume d’azur, des terres ensoleillées comme des cygnes ou des paons aux brillantes couleurs. Le ciel et la terre se confondent, les nuages ensoleillés traînent sur la plaine » (Mardi).

Encore cent ans pour Melville est une biographie légère comme une chaloupe qui glisse sur la houle vers le Cachalot Blanc, un exercice d’équilibre littéraire pour éviter qu’Herman ne nous échappe, pour éclairer en quelques chapitres de haute tenue la vie du marin écrivain, de l’écrivain silencieux, qui n’a point cherché à écrire des livres plaisants et faciles. Melville est un aventurier, en mer et devant sa feuille, ses feuilles blanches qu’il anime, qu’il fait vivre de romans et de poèmes.

J’aimerai André Breton, Serge Filippini (par Robert Sctrick)

Ecrit par Robert Sctrick , le Vendredi, 12 Octobre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Phébus

J’aimerai André Breton, août 2018, 185 pages, 17 € . Ecrivain(s): Serge Filippini Edition: Phébus

 

Si vous avez longtemps cru comme moi que le surréalisme est bon pour les musées et que son pape, André Breton, a régné sur une Église éphémère, engloutie dans un Atlantide où se côtoient tant de gloires à la fois, ô miracle, prolifiques et oubliées, ce livre est pour vous. La magie de Filippini fera que vous ne serez pas détrompé, mais coupable. Attention, coupable est positif, sous ma plume : même si vous vous en voulez, vous éprouvez une grande jouissance à vous mordre les lèvres de ne pas avoir découvert la cristallisation avant Stendhal ou la madeleine avant Marcel. Jusqu’à ce que vous trouviez de quoi il est capable, cet escamoteur de Filippini : de vous éblouir par un travail de références sous-jacentes, une archéologie tout terrain, qui vous apprend ce que vous ne saviez pas, c’est son côté romancier, chez Eugène Sue il y a bien Mme Pipelette. Elle sait tout, sans ADN et sans indices. Mais il a une autre facette : il vous parle de vous, le bougre. Le surréalisme c’est comme la Révolution, finalement. On croit qu’il faut la faire (sinon, infortuné lecteur, n’ouvre pas ce livre), alors qu’il faut l’être, et si je n’avais pas honte, j’écrirais : qu’il faut lettre.