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Ecriture

Les Travaux et les jours (extrait), par Ivanne Rialland

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mercredi, 14 Décembre 2016. , dans Ecriture, La Une CED

 

Album de famille

Une fresque ou tapisserie aux motifs vifs mais indistincts et devant vingt petits visages inconnus. Elle au premier rang, avec un pantalon de velours côtelé bordeaux, de grosses chaussures d’hiver. Deux nattes, la mine sérieuse des enfants timides, qui aimeraient être ailleurs. De ces années de maternelle ne surnagent dans sa mémoire que quelques images au contour flou, et cette attente, diffuse, que cela finisse, qu’on puisse rentrer chez soi. Attente qui a innervé ensuite tant d’années de sa vie – attendre la fin du jour, de la semaine, attendre Noël, l’été, les vacances – fantôme scolaire tenace jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’étaient bons le jour, la semaine et l’année, et qu’attendre la fin c’était presser sa mort. Il avait fallu que s’estompe goutte à goutte ce désagrément d’être avec, le groupe, les autres, le bruit, cette tension dans l’apparaître, que se renforce cette capacité à s’abstraire, que se développe, douloureusement, une aptitude à la fluidité sociale – passer, repasser, circuler, se frôler, tissage superficiel et subtil qu’elle met en œuvre aujourd’hui avec une aisance qui l’émerveille encore tout en gardant persistant avec les années le sentiment de sa vacuité. Compagnonnages éphémères dont elle doute toujours de la réciprocité.

Mère (14 & Fin), par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 13 Décembre 2016. , dans Ecriture, Ecrits suivis, La Une CED

 

Une femme et des hommes devant le mur d’une maison en démolition. Ils portent des gants de cuir, sans doute à cause de la saison hivernale.

C’est une suite de petits souvenirs qui finissent par faire un tout. Mais quant à l’interprétation de toutes ces années, ça se mélange un peu, les dates, les noms. Et puis il y a sans doute des personnes inventées, que j’ai prises pour de vrais souvenirs. Comme si j’étais un peu déchirée. Et tenue à des approximations. Comme cette divination sur les oiseaux que me faisait cet inconnu de Vierzon, qui était peut-être un charlatan, j’ai toujours cru ce qu’il disait. Je suis une sorte de femme sans avenir, disons, tournée vers ce qui a existé, et pas sans avenir, mais dont l’avenir devient déjà du passé avant d’être. Comme cette petite buvette de La Muette, où je jouais enfant, c’est devenu une sorte de repère, une solide analyse. Parce que j’ai été tétanisée, terrassée. Défaite. Puis reconstruite, réparée. Et sans aucune aide. Juste avec ma volonté, ma volonté propre. Et pas un fantasme. Non, de la peur. De la vraie peur, quelque chose de terrible que je n’arrive pas toujours à exprimer. Ce que ce landau avait de typique ? Je n’en sais rien. Mais, j’ai souvenir de la biscotte et du chocolat. Du chocolat très fort. Presque amer et qui me dégoûtait.

Mère (13), par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 09 Décembre 2016. , dans Ecriture, Ecrits suivis, La Une CED

 

Prends.

Merci.

Une mixtion de fer et de carbone.

Et l’anxiété ?

Toujours.

C’est un apprentissage, si tu veux.

Devant l’heure qui avance, je propose que nous buvions un peu de cette vieille liqueur qui a fait la renommée de notre famille.

Une chimère.

Dit de lieux-dits (V), par Clément G. Second

Ecrit par Clément G. Second , le Lundi, 05 Décembre 2016. , dans Ecriture, Création poétique, La Une CED

 

-----------Tras-                                                                 Les

-------------------------Mala-                                     Dol-

Sous un ciel pris de court par sa privation d’étoiles.

----------------------------Vis-                                     Mon-

Sur un fond de silence qui luit sourdement.

----------------------------------Gelly -

Il pleut des toponymes sur la veillée du soliloque.

-------------Saint -                                                       Lu-

Des lisibles sur carte et d’autres attirés, dépliés, déployés par l’imagination

-----------------------------------Ju-

– et qui la gratifient de leur présence hors répertoires.

--------ti                                                                    Conques -

Un palimpseste pour l’oubli ! (2), par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Vendredi, 02 Décembre 2016. , dans Ecriture, Ecrits suivis, La Une CED

 

A leur tour, les occupant-es de la Basse Casbah mettent en branle leur machine à fabriquer les mythes :

« Mais non ! Mais non ! Vous êtes devenus fous ou quoi ? Mais non ! Ces êtres sont les petits-enfants des djinns des jardins du Roi Shahlilar qui ont pris des formes humaines ! Méfiez-vous ! Ils sont insidieux. Tantôt ils incarnent le bien, tantôt ils épousent le mal. Ils errent dans les interstices du temps et éliminent tout ce qui obstrue leur chemin. Ce sont eux qui ont égorgé les dix-huit poètes qui ont osé révéler à la face du monde leurs desseins meurtriers et destructeurs ! Ô hommes d’ici, rappelez-vous du jour où ils ont kidnappé et violé les huit filles du propriétaire du bar pour se venger de leur père qui incitait les hommes à la débauche et les éloignait du chemin d’Allah. Souvenez-vous de cette journée funèbre où les mots se sont tus. Où les cœurs se sont durcis. Ce jour du malheur où l’obscurité et la peur ont forcé les portes de vos vies empêtrées dans des angoisses d’une terrifiante complexité ».