Identification

Ecriture

Hommage à Baudelaire XVIII - (Baudelaire à Calcutta - Histoire contrefactuelle), par Patrick Abraham

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 14 Juin 2017. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

 

1) Comme nous l’apprennent ses notices biographiques, Baudelaire n’alla jamais en Inde, mais il en eut le projet. Ou plutôt sa mère et son beau-père, le futur sénateur et ambassadeur Aupick, conçurent ce projet, le Paquebot-des-Mers-du-Sud qui l’emportait loin de la France en juin 1841 ayant pour destination finale Calcutta. On peut rêver à ce que serait devenue son œuvre s’il était arrivé au terme de son voyage. Il y a dans Les Fleurs du Mal de nombreuses réminiscences travaillées des paysages de l’île Maurice et de l’île Bourbon où il débarqua en septembre et où il s’arrêta environ deux mois. Quelles plantes plus bizarres ou plus simples eussent éclos s’il avait poursuivi sa route ou si la fragile goélette avait pu repartir à temps ? Le recueil lui-même eût-il été édité ? Probablement. Encore que si Baudelaire fût parvenu à Calcutta et ne se fût pas contenté d’une visite superficielle de la ville déjà fourmillante ; s’il l’eût parcourue, en fût sorti et eût découvert en elle et en-dehors d’elle une Inde non anglaise, diurne et nocturne, si différente du Paris bourgeois ou bohème qu’il connaissait ; s’il eût fourni l’effort d’étudier le bengali ou l’hindoustani, de lire en traduction les deux grands poèmes épiques et de se rendre à Bénarès ou aux sources du Gange ;

La mort ou l’exil – Souffles Tchétchènes, par Hans Limon

Ecrit par Hans Limon , le Vendredi, 09 Juin 2017. , dans Ecriture, La Une CED, Récits

 

ILIA. Je te parle tout bas mon Nortcho, en tout cas bien assez pour que tu puisses m’entendre et que je puisse m’entendre moi-même sans que ces gars derrière les murs avec leurs fusils clinquants leurs crosses têtues leurs matraques et leurs uniformes de mort aux trousses ne se doutent de quoi que ce soit, car le doute n’est pas un bénéfice, non, le doute met des rides au front et des échardes vrillées dans les neurones, pas possible de s’en débarrasser sans tout arracher autour, et tu comprends qu’après m’avoir dépouillé de toi ils me feraient crever une seconde fois sans sourciller – « pas le premier c’est sûr mais l’un des derniers » m’a-t-on dit d’une voix presque joyeuse, une voix de cancre à la veille des vacances – ils m’arracheraient d’ici pour m’attacher ailleurs, les pieds les mains le cou, mais je refuse qu’on m’attache ou me lie sinon à toi qu’ils ont pris sur ma poitrine en me laissant cette pâle cicatrice qui va du nombril jusqu’à la bouche, mais je sais bien que je cesserai d’exister si je cesse de parler, si mon souffle tiède refuse de rebondir sur les briques d’ombre grise pour me revenir en soupirs de Nortcho,

Quand Shakespeare se fâche, par Mélanie Talcott

Ecrit par Mélanie Talcott , le Jeudi, 08 Juin 2017. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

 

« Il existe aujourd’hui quelques hommes remplis de sagesse, d’une science unique, doués de grandes vertus et de grands pouvoirs. Leur vie et leurs mœurs sont intègres, leur prudence sans défaut. Par leur âge et leur force ils seraient à même de rendre de grands services dans les conseils pour la chose publique ; mais les gens de cour les méprisent, parce qu’ils sont trop différents d’eux, qui n’ont pour sagesse que l’intrigue et la malice, et dont tous les desseins procèdent de l’astuce, de la ruse qui est toute leur science, comme la perfidie leur prudence, et la superstition leur religion » (Henry Corneille Agrippa de Nettesheim, De occulta philosohia).

Ai-je rêvé ? Sur la table, deux verres et une pipe d’écume jaunie gravée de deux initiales W.S. Je me rappelle avoir eu un vertige et senti une présence, avant qu’une main ne se pose sur mon épaule. Une voix grave et moqueuse.

« Alors, ma fille… Je suis venu parce que je vous sens inquiète ».

Hommage à Baudelaire XVI - Paris, par Hans Limon

Ecrit par Hans Limon , le Mardi, 23 Mai 2017. , dans Ecriture, Création poétique, La Une CED

 

Paris


il me semble à présent que la belle Paris

gît sous un édredon, privée

de son mari

le métropolitain glissait vers les abîmes

les pensers souterrains ruminaient leurs victimes

les pas perdus tonnant sur les lugubres dalles

répandaient par à-coups leurs douleurs capitales

Au choix du roi… La couleur des mots, par Mélanie Talcott

Ecrit par Mélanie Talcott , le Lundi, 15 Mai 2017. , dans Ecriture, La Une CED

 

Soliloque est-ce monologue ? Car parler seul n’est pas prononcer un interminable discours ! Jouer avec les mots… A moins que les mots ne finissent par se lasser eux-mêmes de leurs dérives imposées. Silence, alors ?… non celui de l’ennui, sinon celui du vide-plein. Soliloques, un mot bohême qui évoque les grelots qui décoraient autrefois les coiffes vertes des fous. Et pourquoi vertes ? Secret d’alchimie ! Vert élémental du bois et verdâtre, le fiel qui alimente de sourdes colères. Vert de la folie, des bouffons et des jongleurs, saltimbanques transgressifs et rebelles. Saturne qui perd sa course impassible. Vert de l’arbre qui abrite le ver du fruit dont le jus miroitera dans le verre et glissera vers la gorge d’une enfant qui n’aura jamais la chance de chausser les pantoufles de vair de cendrillon. Couleur proscrite au théâtre, semeuse d’échecs, qui habilla, dit-on, de son dernier éclat la mort de Molière en scène. Vert profond des émeraudes contre vert mousson de la terre. Mordoré celui du scarabée égyptien et fluorescent celui de Ganesh. Enivrant comme l’absinthe ou gris comme le mortel oxyde de cuivre. Jaunâtre profond nuancé de la coque de l’amande immature, celui de Véronèse et liturgique acidulé, celui des dimanches religieux ordinaires.