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Critiques

Romans et récits I, II, Romain Gary en La Pléiade (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 02 Juillet 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Récits, La Pléiade Gallimard

Romans et récits I, II, mai 2019, édition publiée sous la direction de Mireille Sacotte, Coffret de deux volumes, 3264 pages, 129 € jusqu’au 31 décembre 2019 . Ecrivain(s): Romain Gary Edition: La Pléiade Gallimard

 

Romain Gary dans le « saint des saints littéraires ». Le romancier entre dans la collection La Pléiade, avec à la clef deux volumes réunissant des romans et des récits, ainsi qu’un album. Enfin pourrait-on dire, près de quarante ans après sa mort. S’il a fallu tant de temps (en tout cas plus qu’à d’autres), c’est parce que l’écrivain a longtemps été jugé comme trop « populaire » par certains « gardiens du temple ». Son style a aussi été décrié et jugé pas assez « écrit ». Sa vie a pu aussi pu le desservir, tant elle a été auscultée, au détriment de son œuvre.

Il n’est pas forcément question de « justice » que Romain Gary intègre la prestigieuse collection de Gallimard, mais, on peut raisonnablement affirmer qu’il ne fera pas tache parmi les autres auteurs imprimés sur papier Bible. Et, clin d’œil de l’histoire, l’ancien compagnon de la Libération ne sera sans doute pas mécontent de voisiner, alphabet oblige, avec Charles de Gaulle.

Désir d’Italie, Jean-Noël Schifano (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 01 Juillet 2019. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Folio (Gallimard), Voyages

Désir d’Italie, janvier 2019, 544 pages, 10,80 € . Ecrivain(s): Jean-Noël Schifano Edition: Folio (Gallimard)

 

Dès la fin des années 60, de nombreux italianistes de renom ont permis au public francophone de prendre une bonne mesure de la fécondité de la production italienne. Contentons-nous de citer Michel Arnaud (traducteur de Pavese), Philippe Jaccottet (traducteur de Carlo Cassola et Giuseppe Ungaretti), Dominique Fernandez (professeur d’italien à l’Université de Haute-Bretagne), Georges Piroué, Nino Frank, René de Ceccatty, Danièle Sallenave (traductrice de Pasolini), Bertrand Visage (traducteur de Leonardo Sciascia), et Jean-Noël Schifano qui dès 1990 recueillit les nombreux articles, études et entretiens, nés de son extrême Désir d’Italie. On connaît le citoyen d’honneur de Naples – qui dirigea au « Grenoble » l’Institut culturel français. On connaît le traducteur de la Morante, d’Eco. On sait ses origines mi-italiennes mi-lyonnaises.

On connaît le romancier haut en couleurs, baroque, échevelé, pétri de culture et d’histoires « napolitaines » (ses Chroniques, trois volumes, regorgent d’histoires vraies sanglantes).

Connaît-on suffisamment l’essayiste, éruditissime ?

Vingt-trois secrets bien gardés, Michel Tremblay (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 01 Juillet 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Récits, Actes Sud

Vingt-trois secrets bien gardés, juin 2019, 112 pages, 12,80 € . Ecrivain(s): Michel Tremblay Edition: Actes Sud

 

Souvenirs d’un « je » à la troisième personne

Le prolifique québécois Michel Tremblay, auteur de pièces de théâtre, de romans, de scénarios, s’était déjà confié dans son triptyque autobiographique (Les vues animées, Douze coups de théâtre, Ange cornu avec des ailes de tôle) (1), publié au début des années 1990. Presque trente ans plus tard, il livre dans un petit volume plein de fraîcheur, d’humour et de tendresse, vingt-trois secrets qui étaient jusqu’alors bien gardés et qu’il décide, à 77 ans, de partager avec ses lecteurs. Fait notable, il se raconte à la troisième personne même si tout ce qu’il rapporte ici est factuel. La troisième personne offre le recul nécessaire, permet à l’auteur de se voir comme un autre, de garder la bonne distance, le détachement qui donne au recueil sa couleur particulière.

Ces souvenirs nous sont restitués selon l’ordre aléatoire de la mémoire. Ils semblent s’appeler les uns les autres, se répondre et construisent, dans leur ensemble, un autoportrait « empreint d’émotions douces et fines », ainsi que le mentionne la quatrième de couverture.

Le Livre de mémoire, suivi de La lettre première, Thibault Biscarrat (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 28 Juin 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Les Vanneaux

Le Livre de mémoire, suivi de La lettre première, juin 2019, 90 pages, 17 € . Ecrivain(s): Thibault Biscarrat  Edition: Les Vanneaux

 

« Sur ton bras une marque, un signe : voici le Verbe et les soixante-dix noms sacrés.

Voici le Livre de mémoire.

J’envelopperai la Terre de lumière et les rayons embraseront les rivages.

Nous susciterons le pourpre et le point étincelant. Nous susciterons l’encore et le poème.

Mystérieux infini d’où le Tout se déploie. Trois sortant d’Un, Un étant dans le Trois ».

 

Le Livre de mémoire s’ouvre sur une citation du Zohar : Ecoutez cieux, ce que je vais dire… Le Zohar ou le Livre de la splendeur, essentiel dans la mystique juive, ouvrage qui étudie, et interroge l’humain et le divin.

La conquête des îles de la Terre Ferme, Alexis Jenni (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 28 Juin 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

La conquête des îles de la Terre Ferme, 449 pages, 7,99 € . Ecrivain(s): Alexis Jenni Edition: Gallimard

 

Alexis Jenni a le sens de l’histoire. Cette aptitude à resituer les guerres coloniales de la France dans l’exercice d’un art, illustrée à merveille dans son premier roman L’art français de la guerre, il la met en œuvre dans ce roman La conquête des Îles de la Terre Ferme. Comme le rappelle l’auteur dans son texte d’avertissement précédent celui du roman : « Tout est vrai, donc sauf les imprécisions, exagérations, condensations et menteries, qui sont dues au principe de débordement qui réside au cœur de tout roman ». Effectivement, le lecteur ressent cette vérité de la conquête dans ses aspects humains, économiques, religieux, idéologiques. Sans nous faire éprouver de la sympathie pour ces hommes, Alexis Jenni prend soin de nous rappeler qui ils étaient : d’abord, des individus humiliés à l’origine par leur éducation : « Je m’appelle Juan de Luna (…) Je me souviens parfaitement du jour où je cessais de répondre, ce jour précis où mon père que j’indifférais se mit à me haïr, ce qui est un sentiment plus noble que l’indifférence, car plus intense, et plus propre à générer des prouesses ».