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Roman

Station Eleven, Emily St John Mandel

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 24 Août 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, Canada anglophone, Rivages

Station Eleven, août 2016, trad. anglais (Canada) Gérard de Chergé, 475 pages, 22 € . Ecrivain(s): Emily St. John Mandell Edition: Rivages

 

Le point de départ de ce roman se situe dans le tropisme thématique de cette rentrée littéraire, tant française qu’étrangère : la décimation presque totale de l’espèce humaine (1). Dans Station Eleven, 99% de l’humanité est dévastée par la grippe de Géorgie, virus mutant foudroyant.

A partir de ce point d’effroi planétaire, Emily St John Mandel construit un récit époustouflant de maîtrise narrative et stylistique, une histoire haletante de bout en bout, des personnages d’un relief tel qu’ils en seront, pour nous lecteurs, inoubliables, ancrés à jamais dans notre mémoire littéraire.

Tout commence sur une scène théâtrale, lors d’une représentation du Roi Lear à l’Elgin Theatre de Toronto. Arthur Leander, vedette de la scène et du cinéma, meurt sur l’estrade. St John Mandel part d’une scène de théâtre et ne va plus la quitter, même après l’effondrement du monde. Le théâtre, et particulièrement Shakespeare, vont être les passerelles nécessaires et magnifiques entre l’ancien et le nouveau monde. Passerelles de musique, de poésie, de culture, de vie. Passerelles qui maintiendront debout, dans le désert humain qu’est devenu le monde, une civilisation magnifique.

À la crête des vagues, Lancelot Hamelin

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 24 Août 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, L'Arpenteur (Gallimard)

À la crête des vagues, août 2016, 306 pages, 21 € . Ecrivain(s): Lancelot Hamelin Edition: L'Arpenteur (Gallimard)

 

Lancelot Hamelin, dans son premier roman Le couvre-feu d’octobre, décrivait les destins divergents de deux frères, opposés sur l’attitude à adopter sur le conflit algérien. Dans ce second roman, c’est la question de l’intégration qui est abordée, et plus précisément celle de savoir si les individus, séparés par l’histoire, les mœurs, la religion, les classes sociales peuvent encore emprunter une passerelle pour communiquer ou tenter de faire connaissance. Cette dernière démarche est réussie par Karim, alias JKK. Ce jeune homme vit dans les quartiers nord de Marseille, de trafics de voitures volées, de recels de matériels automobiles qu’il organise avec Zohar, un copain originaire des Comores, et un vieux légionnaire sur le déclin, que tous deux visitent régulièrement pour leurs affaires. Par une chance extraordinaire, il parvient à rencontrer Laurélie, jeune fille fringante, séduisante, bourgeoise bien installée, dont les parents, Charles Mazargue, juge aux idées progressistes, et Thereza, son épouse, fille d’un docker syndicaliste, partagent ces mêmes idéaux.

Les bateaux de papier, Florence Ride

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 24 Août 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Les bateaux de papier, éd. Unicité, juin 2016, 143 pages, 15 € . Ecrivain(s): Florence Ride

 

« La manière de s’alimenter chez les Bellokalos était aussi quelque chose de particulier. Ismène, que son imagination créatrice, son égoïsme innocent et sa paresse rendaient en dehors des réalités, ne touchait jamais un objet ménager. La seule fois où Irène l’avait vue avec une pile d’assiettes entre les mains, elle était assise près du vide-ordures et avait trouvé moins fatiguant de jeter la vaisselle plutôt que de la faire (…) Chez les Bellokalos, on s’alimentait par phase. En effet, pendant une période qui variait d’environ six mois à un an, on mangeait immanquablement, trois fois par jour et à profusion, un plat prépondérant qui s’ajoutait aux nutriments de base d’une alimentation tout juste équilibrée. Quand on quittait une phase, il n’était même plus question d’entendre parler de l’aliment dont on venait de se repaître des mois durant. Ainsi, quelle ne fut pas la surprise du mari d’Irène quand, après avoir vu son beau-père se nourrir presque exclusivement de yaourt avec une adoration outrée, il en avait timidement demandé un petit pot pour le dessert, ce à quoi Dzimis, roulant les r, lui avait répondu d’une voix sévère, sur un ton péremptoire, menaçant, dit comme une vérité tragique et incontournable : yaourrrt, saleté ! ».

Avenue des mystères, John Irving

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 24 Août 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Seuil

Avenue des mystères, mai 2016, trad. anglais (USA) Josée Kamoun, Olivier Grenot, 528 pages, 22 € . Ecrivain(s): John Irving Edition: Seuil

 

Certains romans parlent au lecteur, entrent en résonance avec son intimité en lui évoquant immédiatement des univers. Ce nouveau roman de John Irving, foisonnant et dépaysant à souhait, entre dans cette catégorie.

Toutefois, quelque chose a changé : du ton souvent épique ou dramatique des grands romans des débuts de la célébrité, Le monde selon Garp ou L’hôtel New Hampshire, on passe au ton burlesque de ce roman de l’écrivain vieillissant.

« Quand on a sauté une prise de bétabloquants, comment ignorer deux femmes comme elles ? »

Certes, le personnage principal de l’ouvrage est un romancier d’origine mexicaine nommé Juan Diego, mais un romancier infirme et malade, claudiquant, diminué par une absence de pics d’adrénaline due à la prise régulière de bétabloquants et compensant une supposée baisse d’érection par la prise irrégulière de Viagra.

Yaak Valley, Montana, Smith Henderson

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 23 Août 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Belfond

Yaak Valley, Montana, août 2016, trad. américain Nathalie Perrony, 500 pages, 23 € . Ecrivain(s): Smith Henderson Edition: Belfond

 

Début des années 80 aux États-Unis, alors que la bataille entre Jimmy Carter et Donald Reagan pour l’élection du prochain président à la Maison-Blanche bat son plein, Pete Snow, assistant social, œuvre au quotidien à Tenmile dans l’État du Montana pour venir en aide aux plus déshérités, en priorité à leurs enfants. Et du travail, il n’en manque pas dans cette population de marginaux venus se terrer dans la Yaak Valley, loin des mégapoles, pour cacher leur misère et tenter d’oublier dans l’alcool et la dope leur mal de vivre. Dès les premières pages, Smith Henderson dresse un portrait au vitriol de ceux et celles que son principal personnage côtoie :

Les familles éclatées, les mères défoncées au speed, vivotant des allocations chômage qu’elles dépensent en drogue, à défaut de subvenir aux besoins élémentaires de leurs petits : « On la croisait en ville, toute poudrée de blanc, les lèvres barrées de rouge et des traînées bleuâtres autour des yeux, un drapeau américain abstrait, un commentaire vivant sur son propre pays, ce qu’elle était d’une certaine manière » (p15).