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Les Livres

Un peu de parole dans un âge de fer (pour un chant odeur de nouveau-né), Jean-Marc Fournier

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 10 Octobre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Poésie, Les Vanneaux

Un peu de parole dans un âge de fer, mai 2016, 138 p. 18 € . Ecrivain(s): Jean-Marc Fournier Edition: Les Vanneaux

Dans le seau reste un peu d’eau,

Offrande aux bêtes et aux dieux,

Ne la buvez pas.

Quelque chose dans la vie

Ne doit pas nous servir.

Sinon la mélodie des mondes

Nous resterait inaudible.

Ce qu’écrit Jean Starobinski de l’acte poétique de Pierre Jean Jouve pourrait convenir parfaitement à celui de Jean-Marc Fournier : « [u]n tel acte poétique, qui met le mystère en lumière sans lui retirer sa qualité de mystère, peut apparaître comme un acte de connaissance, si nous acceptons l’idée d’une connaissance engagée sur d’autres voies que celles du savoir objectif.

Brève Histoire de Sept Meurtres, Marlon James

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 08 Octobre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Albin Michel, La rentrée littéraire

Brève Histoire de Sept Meurtres, août 2016, trad. anglais (Jamaïque) Valérie Malfoy, 864 p. 25 € . Ecrivain(s): Marlon James Edition: Albin Michel

 

 

Dire qu’on aime le reggae est parfois problématique ; des sourires en coin naissent, des clichés surgissent, faits de bandes vertes, jaunes et rouges, de cigarettes améliorées, d’une certaine indolence. Le mieux est de hausser les épaules et ne pas tenter d’expliquer que cette musique est bien plus complexe qu’un quelconque ramassis de clichés, et qu’on peut écouter Bob Marley sans nécessairement prononcer son prénom de façon alanguie, la bouche pâteuse, mettre de côté les paroles de ses chansons ou omettre qu’il est l’arbre qui cache une forêt sinueuse au possible. Le reggae n’est pas une musique de fumeurs de joints, c’est une musique fine et intelligente qui, à l’image de la soul par exemple, reflète aussi des réalités sociales parfois terribles, surtout dans sa composante roots, durant la seconde moitié des années soixante-dix (pour simplifier à outrance). On se retrouve ainsi à danser sur des chansons telles que Peace & Love In The Ghetto, de Johnny Clarke, ou Tribal War, de George Nooks. La première de ces deux chansons dit ceci entre autres :

Thomas Bernhard Une vie sans femmes, Pierre de Bonneville

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 08 Octobre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Biographie

Thomas Bernhard Une vie sans femmes, L’Editeur, septembre 2016, 222 pages, 15 € . Ecrivain(s): Pierre de Bonneville

 

Pierre de Bonneville met en lumière un Thomas Bernhard auto-suffisant, jamais auto-satisfait : « Un homme (le personnage de Reger), à l’image de Thomas Bernhard, profondément dépendant, profondément seul » (p.50).

Ce rejeté de tout, de l’amour (par les siens et les proches), de la vie (par la maladie) rejette à son tour, dans un mouvement à la fois suicidaire et conservatoire. La pensée est « le lieu géométrique qui définit le lieu de fuite qui permet aux hommes de se soustraire à la pression des autres hommes et du monde extérieur, mais elle devient en même temps la geôle où l’homme qui s’est libéré est destiné à suffoquer lentement (Gargani, la phrase infinie de Thomas Bernhard) » (p.72). Ce phénomène étrange se traduit dans son écriture, et sa pensée, par un phénomène de con-vocation et de pro-vocation, les phrases tournent en rond, se lovant dans une sorte d’incantation, avec répétition d’un mot, d’un passage, une extinction du sentiment, de la sensation, dans la phrase, immunisant contre soi, contre les autres : « Il (Thomas Bernhard) pouvait sortir vainqueur de ses traumatismes, de ses manques affectifs, il apprenait “le funambulisme sur les choses humaines”. Son intelligence sera son moyen d’existence, de survie, son moyen de défense » (p.39).

Liberté inconditionnelle, Francis Métivier

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Samedi, 08 Octobre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Liberté inconditionnelle, Pygmalion, avril 2016, 254 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Francis Métivier

 

Francis Métivier, par son titre Liberté inconditionnelle qui détonne, fait un pied de nez à la tendance actuelle qui consiste à proposer des livres « mode d’emploi » pour accéder au bonheur ou à la joie. Point étonnant pour ce philosophe rock‘n’roll (auteur de Rock’n philo) de ne pas souscrire à toute cette mollesse monotone autour du bonheur. Il dénonce d’ailleurs cet éloge de la joie qui a tendance à déformer la théorie de Spinoza et le brandir comme le philosophe phare de la joie… Alors qu’en réalité, la joie spinoziste tend vers Dieu.

Aujourd’hui, tout est centré sur cette quête du bonheur. Même au travail, on crée des métiers exotiques de « chief happiness officer » pour valoriser le bien-être en entreprise. On mesure même le bonheur intérieur brut des pays… Mais on se préoccupe de moins en moins de notre degré de liberté. « Le bonheur est au fond un concept très contemporain. L’homme dans l’histoire de la pensée, s’est interrogé sur le soulagement, l’ataraxie, l’absence de douleur ». Or, de nos jours, la philosophie, pour se faire aimer, s’est transformée en marchande du bonheur. « Le bonheur est devenu une grande surface commerciale où poussent les rayons joie, bien-être, connaissance de soi ou beauté ».

Mourir ne me suffit pas, Pascal Boulanger

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 07 Octobre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Mourir ne me suffit pas, éd. Corlevour, Revue Nunc, juin 2016, préface Jean-Pierre Lemaire, 101 pages, 15 € . Ecrivain(s): Pascal Boulanger

 

« Je regarde autour de moi / les vases se brisent / Dès lors j’ouvre les yeux / et le jardin » (Jardin).

« Sur la falaise / la maison est prise de vertige / Quand on me fermera les yeux sur le vent / il ne faudra pas pleurer / mais dans la rosée de l’herbe / célébrer mes noces aux vitraux du ciel » (Rosée).

Mourir ne me suffit pas est un recueil de libres poèmes, près d’une centaine, habité de cette liberté libre que l’auteur fréquente. Tout est net et précis dans ce livre traversé d’éclairs – Quand je marche je m’appuie sur l’orage, Derrière le monde / les visages que je croise s’enflamment – et il y a de l’électricité dans la trame des poèmes de Pascal Boulanger. La vivacité de sa phrase, le juste mot, la suspension, l’art de voir et de bien voir ce qui défile sous ses yeux, les visions réelles ou imaginaires, éphémères ou persistantes, la poésie romanesque de l’écrivain s’en saisit et offre au lecteur ces frémissements. Et si la mort rode, il convient de ne pas se laisser impressionner, et d’un trait de phrases s’en défaire ou pour le moins la mettre en suspension.