Identification

Les Livres

Des jours sans fin, Sebastian Barry

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Joelle Losfeld, Verdier

Des jours sans fin, janvier 2018, 259 pages, 22 € . Ecrivain(s): Sebastian Barry Edition: Joelle Losfeld

Honneur 2018 de la Cause Littéraire

Sebastian Barry est irlandais et, comme ses ancêtres irlandais, il va et nous emmène en Amérique. Pour y retrouver des Irlandais bien sûr, à commencer par les deux héros de ce roman, Thomas McNulty et John Cole, deux jeunes garçons, amoureux l’un de l’autre, qui cherchent ensemble un destin.

Si Thomas McNulty, le narrateur de ce roman, vous le résumait, il dirait sûrement qu’entre deux massacres d’Indiens et un carnage entre eux, les Blancs découvrent aussi que l’on peut aimer et être heureux. Sebastian Barry nous offre un livre d’amour au milieu des flots de sang du XIXème siècle américain, dans un page-turner passionnant. Par le contraste saisissant entre l’horreur et la possibilité du bonheur, il construit un roman superbe sur l’absurdité des hommes, leur aptitude à entreprendre les cauchemars et à être les premiers à en souffrir.

Le couple Thomas-John est en soi une métaphore de l’Amérique. Entre amour, tendresse, générosité et Guerres, violence, fureur. Pour tout vous dire, ils sont danseurs travestis en femmes dans les périodes où ils sont civils et soldats dans l’armée yankee le reste du temps ! Ce n’est pas commun.

Taqawan, Éric Plamondon

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Quidam Editeur

Taqawan, janvier 2018, 208 pages, 20 € . Ecrivain(s): Éric Plamondon Edition: Quidam Editeur

Honneur 2018 de la Cause Littéraire

« Dans l’Ouest, l’homme blanc a réussi à éliminer les Indiens en éliminant les bisons. Dans l’Est, il y avait des saumons. On les a pêchés à coups de barrages, de nasses et de filets jusqu’à l’épuisement des stocks. Les Indiens aussi sont épuisés ».

Taqawan est le roman de cet épuisement, l’épuisement des Indiens Mi’gmaq. Taqawan est aussi le roman de la Gaspésie, des descentes de police dans la réserve de Restigouche, des haines et de la résistance. Roman de la nature complice et des saumons salvateurs, roman où les sauvages sont les nouveaux venus sur cette terre sacrée. Taqawan est le roman d’une histoire Indienne qui s’insinue dans l’Histoire des Indiens du Québec, terrifiante et surprenante, troublante et fascinante, comme le sont les légendes qui surgissent de la mémoire Indienne et de celle de la forêt. La violence couve sous les phrases en feu du roman d’Éric Plamondon, celle qui se voit et celle qui se dérobe, celle qui éclate lorsque le sang des Indiens trouble la clarté des eaux de la rivière. C’est un roman où chaque mot compte, chaque situation, où les réflexes anciens sauvent de la mort, où le combat engagé et son issue fatale seront sans merci et sans regrets.

1994, Adlène Meddi

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb, La rentrée littéraire, Rivages/noir

1994, septembre 2018, 328 pages, 20 € . Ecrivain(s): Adlène Meddi Edition: Rivages/noir

Honneur 2018 de la Cause Littéraire

Bien au-delà du roman noir passionnant qu’il nous offre, Adlène Meddi nous dresse un portrait saisissant de l’Algérie des terribles années 90, de ses horreurs, de ses lâchetés et des dégâts irréparables causés aux cœurs et aux esprits de ceux qui les ont traversées. Surtout quand ces cœurs avaient alors 15 ou 16 ans, et qu’ils étaient pleins d’espoir et d’amour avant de connaître la dévastation. Pleins d’idéaux aussi et d’élans libertaires.

Amin, Sidali, Farouk, Kahina, Nawfel et les autres sont lycéens, jeunes, insouciants, remplis de rêves de succès et d’amour. Leur amitié est fusionnelle, ils sont inséparables. On est en 1992 et Alger offre un écrin lumineux à nos compères, à leurs flirts, à leurs jeux, à leurs plaisanteries. Mais l’histoire va frapper et – comme toujours quand l’histoire frappe – violemment, impitoyablement. C’est le début des « années de Braise », celles où le sang algérien va couler à flots, celles où les Algériens vont massacrer des Algériens. Les tueurs sont des deux côtés, Barbus du FIS où flics et militaires ivres de vengeance devant l’hécatombe des leurs. Et, peu à peu, inexorablement, tous vont glisser dans le fleuve de l’histoire, dans le fleuve de sang.

Un Jardin de Sable, Earl Thompson

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Monsieur Toussaint Louverture

Un Jardin de Sable (A Garden of Sand, 1970), janvier 2018, trad. américain, Jean-Charles Khalifa, 832 pages, 24,50 € . Ecrivain(s): Earl Thompson Edition: Monsieur Toussaint Louverture

 

Honneur 2018 de la Cause Littéraire

Un gros et grand livre que nous offrent les excellentes éditions Monsieur Toussaint Louverture ! Une sorte de fleuve boueux et déchaîné, qui emporte tout sur son passage et en particulier ses lecteurs. La quatrième de couverture nous invite à évoquer les ombres de Steinbeck (on se demande bien pourquoi), de Fante (on comprend mieux mais…), de Bukowski enfin et là on peut être d’accord. Dans la puissance du style, la brutalité des scènes décrites, l’énormité des dialogues, on voit en effet une parenté littéraire avec le vieux Buk. Mais Thompson est beaucoup plus romancier, son récit est fascinant, dérangeant, terrifiant, touchant. On pourrait invoquer Erskine Caldwell, avec ses personnages pouilleux, déjantés, dévorés par la pauvreté.

Ainsi parlait (Also sprach) Rainer Maria Rilke

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Poésie, Arfuyen

Ainsi parlait (Also sprach) Rainer Maria Rilke, Dits et maximes de vie choisis et traduits de l’allemand par Gérard Pfister, édition bilingue, mars 2018, 174 pages, 14 € . Ecrivain(s): Rainer Maria Rilke Edition: Arfuyen

Honneur de la Cause Littéraire 2018

Derrière le dandy courtois, l’élégant, distant et tolérant névrosé qui pond de virtuoses lettres de condoléances (que la mort rêverait d’apprendre à lire), on devine chez Rilke, disait Jaccottet, « une nécessité aussi dure que celle qui fait errer une bête près de mettre bas en quête d’un gîte propice »(comme l’avoue Rilke au fragment 43).

Ce petit livre de très brefs morceaux (chronologiquement) choisis et traduits par G. Pfister l’illustre remarquablement : la précise et périlleuse mission de l’homme est, pour Rilke, d’élargir l’Invisible ici-bas.

Élargir le visible, la technique et le jeu le font déjà, sans profit essentiel. Mais l’invisible (dont la pensée humaine n’est qu’un élément, un départ local) est bien à déployer et élargir, estime Rilke, ici-bas : transférer l’invisible dans un au-delà, par principe plus invisible que nous, qui n’en aurait cure, est vain. Trois passages ici le disent :