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Les Livres

Deux mètres dix, Jean Hatzfeld (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Jeudi, 22 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Deux mètres dix, Jean Hatzfeld, août 2018, 206 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Jean Hatzfeld Edition: Gallimard

 

Du saut en hauteur considéré comme l’un des Beaux-Arts.

Ancien journaliste-correspondant de guerre, Jean Hatzfeld a consacré plusieurs ouvrages à des zones de conflit, notamment le Rwanda. Il est l’auteur, entre autres, d’un essai, Une saison de machettes (Prix Femina 2003), et plus récemment Un papa de sang (2015). Il fut également journaliste sportif, et son dernier livre, Deux mètres dix, nous présente l’histoire de quatre athlètes, sous forme romanesque. Il s’agit des destins croisés, des années 80 à aujourd’hui, de deux sauteuses en hauteur, l’une Américaine et l’autre Kirghize d’origine koryo-saram, et de deux haltérophiles, également un Américain et un Kirghize, ce dernier concourait comme son homologue féminin sous le drapeau soviétique. Ces quatre sportifs de très haut niveau flirtent avec les records du monde et les médailles olympiques. Bien qu’imaginés, ces personnages ressemblent de près aux sportifs des années 80.

Un autre loin, Silvia Baron Supervielle (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 22 Novembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Un autre loin, Silvia Baron Supervielle, Gallimard, mars 2108, 120 pages, 12 €

 

Divagation et mort de la divagation

Il y a quelques jours j’ai achevé la lecture du dernier livre de Silvia Baron Supervielle, et il m’apparaît maintenant clairement que cette lecture est vraiment d’un ordre poétique, cela dans la mesure où toute poésie est lue pour être réparatrice ; et il en va ainsi pour ce recueil. Du reste, cet ouvrage rejoint les grandes préoccupations d’aujourd’hui – et qui sait, de toute poésie universelle. Car, j’ai cru voir dans la succession des quatre chapitres du recueil, la constitution d’un imago dans le sens que lui attribue la psychanalyse. Donc, une sorte de premier cri, de première image de soi. Et cette fixation de l’identité de la poétesse, son véritable imago, revient pour elle, à signifier la fin, la disparition qui, on le sait de toute évidence, se décline en une vie bornée, limitée et cela depuis le premier souffle. Un autre loin n’est donc pas un autre ailleurs, mais le soi propre et l’image de soi-même vécus comme un autre, dits dans l’œil d’autrui, dans celui du liseur. Car si cette poésie est réparatrice, si elle est en même temps le témoignage de l’écrivaine au sein de sa propre humanité, et si elle cherche à toucher du doigt au mystère, alors on peut être certain de trouver là une énigme et un soin, confiés au liseur, à son authenticité intérieure revécue par la lecture.

L’Expérience à l’épreuve, Correspondance et inédits (1943-1960), Georges Bataille, Georges Ambrosino (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 21 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Correspondance

L’Expérience à l’épreuve, Correspondance et inédits (1943-1960), Georges Bataille, Georges Ambrosino, Editions Les Cahiers, coll. Hors Cahiers, novembre 2018, 424 pages, 35 €

 

 

Face à Face

La recherche de la vérité et la manière de résoudre les problèmes que cela pose restent le centre des querelles dont les lettres de Bataille Et Ambrosino se font écho. Les deux chercheurs pouvaient se rejoindre dans une forme de synthèse ou du moins vers celui qui pourrait la donner : le poète. Seul il « sait qu’il n’y a pas de solution mais seulement une intensité dans le paradoxe ». Mais pour Ambrosino, le scientifique s’en estime plus proche que le philosophe. Ce que Bataille d’une certaine manière conteste : au mépris du savant répond sa méfiance envers lui.

Maldonnes, Virginie Vanos (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mercredi, 21 Novembre 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Maldonnes, Virginie Vanos, Edilivre, janvier 2018, 146 pages, 13,50 €

 

L’ambiance et les rencontres dans une modeste épicerie de quartier ont tout de charmant si ce n’est que le quotidien, transcendé d’apparences diverses, n’en anime pas moins les esprits suscitant la passion comme l’inspire ce dialogue (c’est le frère de l’héroïne qui parle) : « Je te l’accorde bien volontiers, mais sans rire, on dirait que tu es folle de cette cliente. Si je ne te connaissais pas aussi bien, je dirais que tu as viré de bord et que tu es follement amoureuse ».

Entre égérie, monde à paillettes et l’épicerie du coin sans compter sur les différents caractères entre personnes, il y a un tel monde de différences que la gêne aux entournures, malgré la passion, reste palpable, allant crescendo.

Le monde des apparences, plus qu’insinué dans les dialogues, en prend un coup : « J’en ai ras le bol de ce maudit parfum, juste bon à pomponner les rombières à la bichon maltais. Vous savez le temps que ça a pris pour concevoir cette image ? Je ne parle pas de la préproduction, dont j’ignore tout ».

Kentucky Straight, Chris Offutt (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 20 Novembre 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Nouvelles, Gallmeister

Kentucky Straight, mai 2018, trad. américain Anatole Pons, 163 pages, 8,30 € . Ecrivain(s): Chris Offutt Edition: Gallmeister

 

Âpres, souvent violentes, ces neuf nouvelles ont le goût et l’accent du territoire où elles se déroulent. Le Kentucky bien sûr, mais beaucoup plus précisément dans un bout de Kentucky grand comme un mouchoir, à l’est de Rocksalt, entre la Clay Creek et la Blue Lick River. Un territoire oublié des dieux, pauvre et sauvage et dont les habitants ne le sont pas moins.

Des gens frustres, brutaux, qui survivent avec les plus pauvres moyens mais gardent néanmoins, sous la plume de Chris Offutt, une vraie dignité humaine. La religion est là comme une maladie nerveuse, juste habituelle et répétitive, sans aucune spiritualité. Et le rapport aux animaux et à la nature n’est fait que de besoins, sans une once d’émotion esthétique ou morale.

« Quand j’étais petit, on avait un coonhound qui s’était fait arroser par une moufette et qui avait eu le culot de venir se coucher sous la terrasse après ça. Il pleurnichait dans le noir et voulait pas sortir. Papa lui a collé une balle. Il puait quand même toujours, mais papa se sentait mieux. Il a dit à maman qu’un chien qui sait pas faire la différence entre un raton laveur et une moufette, il faut le tuer » (La sciure).