Identification

Les Livres

Les Pleurs, Marceline Desbordes-Valmore (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 28 Octobre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Les Pleurs, Marceline Desbordes-Valmore, Garnier-Flammarion, septembre 2019, présentation Esther Pinon, 304 pages, 9 €

 

Cendres

L’édition des Pleurs de Marceline Desbordes-Valmore publiée grâce au travail d’Esther Pinon chez Garnier-Flammarion s’organise en deux temps : tout d’abord la présentation des textes de la poétesse douaisienne et un appareil critique très fourni, ce qui met ce recueil à portée des étudiants, et de l’autre, le corps du texte qui paraît en 1830, année charnière du romantisme. Est-ce l’expression de ce que Verlaine appelait une « poète maudite » ? Quoi qu’il en soit, c’est un livre important et qui a fait réagir de grandes figures des lettres françaises, à l’instar de Lamartine par exemple.

Du reste, la langue, ici, est soutenue, faisant référence à l’univers personnel de la poétesse, en ne négligeant rien d’une versification savante et audacieuse. Et encore, sur des thèmes variés, seulement liés par le principe des larmes. Ainsi, que l’on déplore avec l’écrivaine l’ancien amour perdu et devenu impossible, autant que des sujets plus factuels, tout y est d’une même intensité, même si le premier tiers de l’ouvrage est plus tendu vers un but : magnifier l’amour par les larmes. C’est d’ailleurs cette partie qui m’a beaucoup intéressé et motivé à parcourir ce recueil devenu historique.

Je suis Camille, Jean-Loup Felicioli (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 25 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jeunesse, Syros

Je suis Camille, Jean-Loup Felicioli, octobre 2019, 80 pages, 19,90 € Edition: Syros

 

Différent(e)

Jean-Loup Felicioli signe un album-jeunesse cartonné, luxueux, où la couverture et les doubles-pages renvoient à la saison automnale. C’est donc la rentrée pour une petite-fille de dix ans, Camille, aussi bien dans une nouvelle école que dans un nouveau pays. Les illustrations sont splendides, formant de véritables tableaux, dans lesquels les détails, les couleurs, sont apposés de façon complexe. Les yeux, les expressions des visages sont traités un peu à la manière des codes visuels des mangas, simplifiés comme sur certains logiciels de composition graphique.

La question du « genre » occupe le récit dès le début. La plupart des enfants du monde contemporain ont intégré au quotidien les outils de communication, la mode, une certaine forme de liberté d’expression, ont établi une relation de confiance avec leurs parents. Ce qui est le cas pour Camille, l’héroïne, qui vient d’un milieu plutôt nanti économiquement, intellectuellement évolué, et occidental. A fortiori, l’école se doit d’accueillir sans discrimination les enfants de toute couleur et de toute condition dans des classes mixtes.

Quand la parole attend la nuit, Patrick Autréaux (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 25 Octobre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Quand la parole attend la nuit, Patrick Autréaux, Verdier, août 2019, 176 p. 15 €

Le titre du nouveau roman de Patrick Autréaux, Quand la parole attend la nuit, paru fin août 2019 aux Éditions Verdier, annonce d’emblée l’obscurité de toute formulation dans un texte. En effet, toute tentative d’éclaircissement d’une trajectoire de vie n’est-elle pas une reconstruction dans l’après-coup, toujours plus ou moins déformée par la subjectivité d’un narrateur ?

Dans ce roman aux couleurs multiples, nous sommes conviés par Solal, personnage de fiction qui sera le principal protagoniste de l’ouvrage, à un parcours d’apprentissages où s’entrelacent apprentissage de l’amour et de ses accrocs, apprentissage d’un métier avec son attachement malgré son âpreté et la découverte de soi, la découverte de l’autre dans toute sa complexité, découverte de la nécessité impérieuse de l’écriture. Dans le déroulé des pages, il invite à arpenter avec lui les arcanes nébuleux de son existence. Avec une curiosité en éveil, nous suivons un fil rouge qui nous aspire dans le labyrinthe tumultueux des jours et des nuits de ce personnage sans cesse envahi par le doute. Nous l’escortons dans l’enfilade de ses souvenirs, un souvenir en appelant un autre dans une suite ininterrompue. Nous découvrons avec lui, dans des détails de son existence, la trace des jours enfuis qui persistent et insistent, façon bouleversante de rappeler ce qui l’a ému dans sa vie, tout ce qui frappe sa sensibilité, tout ce qui l’étonne et le questionne.

L’imitation de Bartleby, Julien Battesti (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 24 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

L’imitation de Bartleby, Julien Battesti, octobre 2019, 128 pages, 12 € Edition: Gallimard

 

« Comment ne pas voir que chaque ouvrage théologique était un exemplaire de ce grand “livre sur rien” que les écrivains les plus ambitieux convoitaient ? Je n’ai jamais jugé utile de dire à mes professeurs que j’envisageais la théologie comme un genre littéraire car de la littérature, encore aujourd’hui, je n’attends pas moins que la résurrection et la vie éternelle ».

L’Imitation de Bartleby possède le pouvoir romanesque de faire se lever les morts du néant où on les a abandonnés. De faire entendre des voix, celle de Bartleby, le scribe de Melville, I would prefer not to, qui irrigue toujours les admirateurs de l’éblouissant aventurier de Manhattan et des îles du Pacifique. I would prefer not to, qui peut vouloir dire Je préférerais ne pas, Jean-Yves Lacroix, ou encore Je préférerais n’en rien faire, mais aussi J’aimerais mieux pas, sous le regard cette fois de Michèle Causse, l’autre voix que fait entendre Julien Battesti, l’écrivain inspiré. Une voix et un visage accompagnent ce roman, gracieusement composé. L’imitation de Bartleby est un roman visité, habité par Melville et Michèle Causse.

Plateau, Franck Bouysse (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 24 Octobre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Manufacture de livres

Plateau, 304 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Franck Bouysse Edition: La Manufacture de livres

 

Bouysse, que plusieurs romans ont mis à l’honneur ces dernières années, n’est pas seulement un fabuleux raconteur d’histoires (dans le droit fil de certains Américains doués comme Vann), mais aussi et surtout un écrivain styliste qui maîtrise ses instruments et qui rejoindrait, si ce n’est pas minimiser l’importance de l’un et de l’autre, Serge Joncour, par cette manière sensible de coudre le réel à force de mots forts et d’un ton à nul autre pareil.

Plateau réussit à emporter la mise par la description insigne d’un univers sensible, cette ruralité à fleur de peau qui semble sourdre de la moindre phrase, faite de tâches triviales, d’attente, de bêtes que l’on soigne et de personnages remisés dans leur passé et qui mettent tout leur saoul à en découdre avec les aléas, les mystères, la vie.

Prenez Virgile, paysan au long cours, qui n’a pas eu un lien facile avec le métier. Prenez Georges, dont les parents sont morts tôt, et qui a été recueilli par son oncle Virgile et sa tante Judith, peu à peu perdue dans son monde à cause de l’âge.