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L’Âne mort, Chawki Amari

, le Jeudi, 26 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Maghreb, Barzakh (Alger)

L’Âne mort, novembre 2014, 180 pages, 13 € . Ecrivain(s): Chawki Amari Edition: Barzakh (Alger)

 

L’insoutenable légèreté de l’âne

Le journaliste, chroniqueur et écrivain algérien Chawki Amari signe avec L’Âne mort un roman de la maturité, permettant à son talent d’humoriste souvent noir de se déployer avec un mélange de dérision et de profondeur particulièrement intéressant. En revendiquant comme source l’Ane d’Or d’Apulée, désigné comme premier écrivain algérien de l’histoire, il place d’emblée son récit sous l’égide du grotesque et de la magie, de la sensualité et de la métaphysique, de la fantaisie échevelée et de la noirceur d’une analyse souvent critique du monde. C’est en effet par strates successives que se révèlent les sens de cette histoire rocambolesque, à travers les pérégrinations de trois jeunes gens et d’un âne, d’Alger aux montagnes de la Kabylie et retour. La formation de géologue de Chawki Amari donne en effet à ce récit l’allure d’une réflexion sur les lieux et le temps, sur la surface et les profondeurs enfouies, sur la présence au monde de l’animal humain qui le peuple, son insignifiance à l’échelle des temps géologiques et sa volonté d’exister et de donner sens à ses quelques décennies à passer sur terre.

Les chemins de la rédemption, Wiley Cash

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 25 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Roman, Belfond

Les chemins de la rédemption, février 2015, traduit de l’américain par Anne-Laure Tissut, 300 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Wiley Cash Edition: Belfond

 

Gastonia, ville de la Caroline du Nord.

Easter et Ruby, deux sœurs âgées respectivement de douze et six ans, vivent dans un centre d’accueil suite au décès de leur mère victime d’une overdose. Le père, Wade Chesterfield, a disparu de leur vie quelques années auparavant après avoir renoncé à ses droits parentaux. Sauf que Wade Chesterfield réapparaît de nulle part, enlève ses filles et les entraîne dans sa fuite.

Brady Weller, ex-flic reconverti dans la vente de systèmes de sécurité après avoir tué accidentellement un enfant, accepte la proposition d’un juge et devient le tuteur d’Easter et de Ruby. Sauf que Brady Weller, divorcé, éprouve déjà bien des difficultés à dialoguer avec sa propre fille.

Pruitt, videur dans une boîte de nuit, se voit confier une mission par son patron : retrouver un magot qui lui a été dérobé et accessoirement éliminer celui qui s’en est emparé, à savoir Wade Chesterfield. Sauf que Pruitt a une raison personnelle d’en vouloir à Wade et de se venger.

Si nous vivions dans un endroit normal, Juan Pablo Villalobos

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 25 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Amérique Latine, Roman, Actes Sud

Si nous vivions dans un endroit normal, octobre 2014, traduit de l’espagnol (Mexique) par Claude Bleton, 190 pages, 17 € . Ecrivain(s): Juan Pablo Villalobos Edition: Actes Sud

 

« Va te faire voir chez ta salope de mère, connard, enfoiré de merde ! » Ainsi débute ce succulent roman, juteux à souhait, un jus plutôt amer, mais drôle, terriblement drôle. De cet humour typiquement latino-américain, qui permet de témoigner des pires travers de la société avec un pied de nez à l’humiliation et l’injustice. Ici il s’agit du Mexique des années 80, avec ses absurdités (un pays surréaliste, avait dit Breton), sa mélasse de corruption, de trafics, de dangereux bouffons politiques, de fraude électorale, abus de pouvoir et compagnie. Dans le village de Lagos de Moreno, entre bétail, prêtres, ouailles hallucinées, élus véreux et démagogues, nationalistes populistes et autres illuminés, vit la famille d’Oreste, dit Oreo, comme les biscuits du même nom. Ou disons plutôt que la famille vit au-dessus du village, au sommet d’une colline, la Colline de la Foutaise. Lui et ses six frères et une sœur, tous affublés de prénoms grecs, lubie du père professeur d’éducation civique, et la mère, dévouée à la préparation des quesadillas au fromage. Base quasi unique de l’alimentation familiale et dont l’épaisseur et le nombre oscillent comme le statut familial, entre classe moyenne et classe pauvre, avec une tendance à stagner dans cette dernière.

Barcelona ! Grégoire Polet

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 23 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Barcelona !, janvier 2015, 496 pages, 22 € . Ecrivain(s): Grégoire Polet Edition: Gallimard


« C’est dans cette carcasse de pierre que l’illustre Jean Genet se logea jadis, plusieurs mois. Irving regarde la ruine pendante, songeur. Qu’est-ce qu’ils vont bien pouvoir construire là ? Des logements sociaux ? Ou bien, comme ils en sont capables, un beau musée, boum, pour charger le signe du quartier ? ».

Plus que jamais Barcelone est bien cette ville des Prodiges, une ville en mouvement perpétuel, qui ne dort jamais, qui se forme et se transforme comme un roman. Roman d’une ville en révolte permanente, épique, virevoltante, troublante, sidérante et parfois sidérée, hantée par l’Histoire et les histoires qu’elle s’invente et qui l’inventent. Grégoire Polet pratique l’art de la dérive littéraire, inspiré par ceux qui l’ont précédé sur la Rambla, dans le Raval ou le Barrio Chino, où les ombres portées d’écrivains voyageurs croisent celles d’insomniaques douteux et de perdants magnifiques.

L’églantier fleurit et autres poèmes, Anna Akhmatova

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 21 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Russie, Poésie

L’églantier fleurit et autres poèmes, édition bilingue La Dogana, traduit du russe par Marion Graf et José-Flore Tappy . Ecrivain(s): Anna Akhmatova

 

De la poétesse Anna Akhmatova (1889-1966), on connaît en général Requiem, dans la traduction de Paul Valet qu’ont publié et réédité les éditions de Minuit. La Dogana nous offre l’occasion de redécouvrir Requiem dans une autre traduction, due à Marion Graf et José-Flore Tappy, mais surtout de découvrir d’autres facettes de l’œuvre de la poétesse russe dans une belle édition bilingue.

Dès les premières pages, nous découvrons des textes où se mêlent inextricablement la joie et la tristesse, les regrets et les espoirs, les amours enflammés et craintifs, presque désespérés mais d’un lyrisme toujours retenu, puissant et sans emphase. S’il est toujours difficile de rendre compte de ce qui peut nous toucher dans la lecture de la poésie, ou plutôt des poèmes, il semble que cela devienne encore plus difficile avec cette œuvre-là, au delà même du fait que la traduction ne peut nous donner qu’une vague idée de ce que la langue originale recèle. L’oscillation, le balancement et l’alliance entre les contraires ne peut sans doute se mesurer et s’apprécier qu’à la lecture du texte lui-même, restituant toute l’ambivalence et la complexité des sentiments humains, dans un lyrisme empreint d’une certaine austérité.