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Le règne de barbarie, Abdellatif Laâbi

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 29 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Pays arabes, Maghreb, Seuil

Le règne de barbarie, 1980 (Préface de Ghislain Ripault), 160 pages, 13 € . Ecrivain(s): Abdellatif Laâbi Edition: Seuil

 

Ce recueil de poèmes est un long cri de souffrance et de révolte. Publié en 1972 alors que son auteur, le poète marocain Abdellatif Laâbi, fondateur de la revue Souffles, dépérissait et pourrissait au secret des cellules de la prison de Kenitra, livré au bon vouloir sadique des tortionnaires de Hassan II, en pleines années de plomb, Le règne de barbarie se lit avec les tripes, avec les poings serrés, avec des saccades de sanglots, durs comme du fer, qui vous montent, ligne après ligne, exploser à la gueule.

Ce recueil de colères est un long hurlement de loup blessé, aux chairs prises dans les crocs de l’arbitraire du traqueur de liberté.

Préfacé par Ghislain Ripault, autre poète, qui en 1972 était coopérant français au Maroc, Le règne de barbarie ne se lit pas, mais se vit, se chevauche, se galope comme la noire monture de l’apocalypse, annonciatrice de la fin des temps des sombres seigneurs et de l’époque des vengeances éclatantes et justes des peuples : « Il est temps de dire pourquoi je dégueule ce monde ».

Charlie le Simple, Ciarán Collins

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 28 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, La rentrée littéraire, Joelle Losfeld

Charlie le Simple, Ciarán Collins, Joëlle Losfeld, octobre 2015, trad. de l’anglais (Irlande) par Marie-Hélène Dumas, 432 pages, 26,50 € . Ecrivain(s): Ciarán Collins Edition: Joelle Losfeld

 

Il était une fois, à Ballyronan, « un très joli coin » dans la région de Cork, en Irlande, un couple d’amoureux, Sinéad et James, qui avait un ami, Charlie McCarthy, et celui-ci entreprit de raconter leur histoire à tous trois, une histoire de fin d’adolescence, d’êtres d’exception et de musique sans laquelle la vie n’a aucun sens. Voilà, en quelques mots, résumé le premier roman de Ciarán Collins (1977), auteur irlandais de Charlie le Simple (The Gamal en anglais) qui, depuis sa sortie en 2013, a convaincu par sa puissance une bonne partie de la presse anglo-saxonne, des deux côtés de l’Atlantique, ainsi que le lectorat allemand, avant de tenter l’aventure en terres francophones. A ce sujet, avant même d’évoquer le roman et ses qualités, célébrons le travail de la traductrice française, Marie-Hélène Dumas qui, contrairement à nombre de ses confrères, ne s’est pas pris les pieds dans les expressions liées à la musique : au contraire, elle a tout rendu avec sensibilité, et Charlie le Simple n’est pas un de ces romans où le lecteur vaguement anglophile s’amuse à retrouver les expressions typiquement anglo-saxonnes sous un vernis francophone.

Les tristes champs d’asphodèles, Patrick Kermann

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 28 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Théâtre, Espaces 34

Les tristes champs d’asphodèles, 2015, 90 pages 14,80 € . Ecrivain(s): Patrick Kermann Edition: Espaces 34

 

« Dans la ville nocturne d’un monde catastrophé »

La pièce Les tristes champs d’asphodèles, de Patrick Kermann, a été publiée en 1999 aux éditions Phénix et créée au théâtre de la Digue à Toulouse par le groupe Arrière, mis en scène par Solange Oswald, qui a beaucoup travaillé sur Kermann. La relire en 2015 est une urgence, celle de la (re)découverte d’une parole théâtrale incandescente, qui va aux confins d’elle-même, celle du poète qui nous parle de notre monde mais surtout des mots qui portent ce monde à bout de mots. Le texte s’ouvre sur une dédicace à des frères de théâtre : Béhar, Gabily, Lerch et Piemme, comme si Kermann fondait sa propre recherche au sein d’une communauté artistique et littéraire.

De quoi s’agit-il ? D’une épopée, qui se souvient en épigraphe de la source mésopotamienne (Kermann cite Gilgamesh). Ou plutôt d’une suite de rencontres et d’épreuves, numérotées et titrées pour deux personnages indissociables, soudés dans l’orthographe de leur nom : Lun ; Lautre. Lun parle et Lautre n’y parvient pas. Il est incapable de « dire quoi ». Ils se meuvent tous deux, se séparant et se retrouvant, dans la ville du crépuscule (1) jusqu’à la nuit « agonisante avec ses brumes matinales » (14).

Ce monde disparu, Dennis Lehane

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Lundi, 26 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, USA, Roman, La rentrée littéraire, Rivages/Thriller

Ce Monde disparu (World gone by), Octobre 2015. Traduit de l’américain par Isabelle Maillet. 348 p. 21 € . Ecrivain(s): Dennis Lehane Edition: Rivages/Thriller

 

Dennis Lehane creuse le sillon ouvert par son dernier opus « Ils vivent la nuit » (voir la critique de cette œuvre dans la Cause Littéraire), explorant l’univers du gangstérisme. C’est d’ailleurs Joe Coughlin, plus vieux de 15 ans, que l’on retrouve ici.

La présentation de ce roman le rapproche du « Parrain ». Le lien est d’autant plus incontestable que l’on pourrait aussi faire au livre le reproche – ce sera le seul - qui a été fait au film de Coppola : la nostalgie de ce « monde perdu » charrie forcément un discours ambigu sur le gangstérisme et ses figures. Les personnages – y compris les pires – sortent un peu « blanchis » du récit, la poétisation romanesque jouant le rôle d’une absolution des méchants. Malgré la mise à distance à laquelle procède Lehane par l’ironie qui s’insère dans les propos des personnages.

« On décide de notre façon de vivre, on établit nos règles, on se comporte en hommes. (il se pencha en avant.) Ça me botte d’être un gangster, merde ! »

« Je n’ai jamais gagné honnêtement un seul dollar, et je n’ai pas l’intention de commencer un jour ».

Têtes blondes, Perrine Le Querrec

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 26 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles

Têtes blondes, éd. Lunatique, juillet 2015, (en couverture La Main de Gaïa, photo d’Isabelle Vaillant), 80 pages, 8 € . Ecrivain(s): Perrine Le Querrec

 

Abus, abandon, aliénation, agression, dépression, démence, isolement, paranoïa, peur, violences psychologiques, physiques et ce jusqu’à ce que mort s’ensuive… On retrouve dans ce recueil de nouvelles, au titre faussement léger, les thématiques qui travaillent la plume de Perrine Le Querrec, la vase où elle va puiser. Ces têtes blondes, tantôt victimes, tantôt bourreaux, parlent d’enfance, de jeunesse saccagée par la folie des uns ou des autres, dans un climat toujours très oppressant, « comme à la maison où on doit sculpter sa place dans le marbre des cris », se dit la petite fille dans Fourmilière.

Difficile de respirer, Perrine le Querrec écrit une langue d’apnée. Le lecteur est pris au piège.

La première nouvelle nous happe dans un tourbillon de parures, de boutiques, de cabines d’essayage, et une enfant putain de sa mère qui n’a qu’un souhait, disparaître, petite lolita contrainte par une mère toxique, on pense à Irina Ionesco et sa fille Eva.