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Tout ce qui est solide se dissout dans l’air, Darragh McKeon

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Lundi, 26 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Belfond, La rentrée littéraire

Tout ce qui est solide se dissout dans l’air, août 2015, traduit de l’anglais par Carine Chichereau, 400 pages, 22 € . Ecrivain(s): Darragh McKeon Edition: Belfond

 

« Le passé exige qu’on lui soit fidèle.

Je me dis souvent que c’est la seule chose qui nous appartienne vraiment ».

 

Le premier roman de l’Irlandais Darragh McKeon se situe sur fond brouillé de notre mémoire et déjà oublié, même si Fukushima est passé par là. Toile de la catastrophe de Tchernobyl, de la remise en question forcée de l’empire soviétique, de l’insouciance des hommes à accepter l’inévitable, c’est-à-dire leur insondable stupidité face à tout pouvoir qui vous empêche de voir, de vivre la réalité d’un monde plus respectueux des hommes et de la nature. Mais cette peinture a visiblement disparu de notre regard, obsédé par notre image de Dorian Gray. Ou peut-être que notre génération n’est pas digne des meilleurs lendemains. Il faut dire que nous ne chantons plus, nous nous taisons et nous mourons tel un asticot pendu à l’hameçon de nos péchés, sans aucun souvenir de notre sacrifice !

Chantiers, Marie-Hélène Lafon

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Samedi, 24 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La rentrée littéraire, Editions des Busclats

Chantiers, août 2015, 120 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marie-Hélène Lafon Edition: Editions des Busclats

 

« C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche ». C’est cette phrase de Pierre Soulages qui sert d’exergue à Chantiers, le dernier ouvrage de Marie-Hélène Lafon publié en août 2015 aux éditions des Busclats.

On comprend aisément les raisons du choix de cette phrase car elle résume pleinement la façon dont elle travaille. En effet, cette femme a le corps et l’esprit constamment en alerte et chacun de ses ouvrages creuse encore plus profondément ses champs d’exploration. Elle pourrait tout aussi bien retourner cette formule en énonçant : « Je cherche, donc j’apprends ». Dans son œuvre, Marie-Hélène Lafon fait feu de tout bois. Tout lui sert à élargir son investigation de l’âme humaine et à échafauder un jeu de piste car ce sont bien toutes les étapes d’un jeu de piste qui se dévoile à nous dans ce livre qui n’est ni un essai, ni un ouvrage de fiction mais qui est un texte hybride dans lequel on se laisse emporter à revisiter chaque étape de son chemin semé de petits cailloux où elle pose son pied pour traverser le gué. Elle ne se refuse pas de nous convoquer à la suivre dans cette traversés en déployant tous les genres avec une égale jubilation pour elle et pour nous lecteur.

Eloge du bistrot parisien, Marc Augé

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 24 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Payot

Eloge du bistrot parisien, mars 2015, 112 pages, 15 € . Ecrivain(s): Marc Augé Edition: Payot

 

Voici un livre que, malgré son titre, on ne doit pas se sentir obligé de lire dans un des lieux dont il parle. Guère besoin en effet de s’installer à une table ou au comptoir d’un bistrot parisien pour le lire, tout en vérifiant que ce qu’on lit est bien ce que l’on voit et vit (et que l’on ne vit plus vraiment, parasité par la lecture). Outre que cela serait une bien étrange démarche qui aurait sans doute pour premier effet de surprendre le tenancier du lieu comme ses habitués ou ses clients de passage, elle serait surtout inutile tant l’auteur sait les faire revivre à travers sa prose, ses digressions et ses souvenirs. Cet Eloge du bistrot parisien ne se présente pas comme une érudite analyse de l’espace et de l’imaginaire du lieu, même si, chemin faisant, l’auteur d’Un ethnologue dans le métro éclaire avec justesse et profondeur la nature de ce lieu si littéraire et si trivial à la fois. Le registre est celui d’une ethnologie sensible autant que d’une sociologie du sensible (ou des sensations) qu’il pratique avec un rare bonheur. Cette façon de partager observations, souvenirs, émotions, références littéraires a le don de nous éclairer sur notre quotidien, de nous permettre de mieux le voir (et non seulement de le percevoir), d’y être plus attentif et sensible. Comme un Pierre Sansot, qui pratique le même art avec un tout aussi réjouissant bonheur, Marc Augé nous invite à une flânerie qui sait être savante sans être pédante, qui sait nous faire comprendre sans nous alourdir d’académiques explications.

Renaître par les contes, Le rire de la grenouille, Henri Gougaud

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Samedi, 24 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Renaître par les contes, Le rire de la grenouille, Editions du Relié, juin 2015, 192 pages, 18 € . Ecrivain(s): Henri Gougaud

 

Dans son avant-propos, Henri Gougaud mentionne que ce livre a d’abord été oral, plus exactement, il est « né de conversations avec [son] ami Benoît Chantre ». On n’en attendait pas moins du célèbre conteur qui d’ailleurs complète son ouvrage en nous offrant un CD rom de quelques contes dont il nous régale dans le livre.

Les contes peuvent-ils encore nous dire quelque chose de notre monde si effrayant fût-il encore ? Genre méprisé par les intellectuels, nous dit-il, il a encore tant à nous révéler. Et la démonstration qu’il en fait est un vrai régal ! Gougaud, d’abord conteur, se défend d’être un spécialiste mais il a des choses intéressantes à dire pour le bienfait de l’humanité. Dans un livre qui n’a rien de formaté, « il n’est pas un produit d’usine » mais « a poussé dans [mon] jardin », il nous délivre une leçon de vie empreinte d’une forte poésie et d’un métissage qui fait du bien à l’âme et au cœur.

Rien de plus anodin qu’un conte ? Pas sûr, nous dit-il. Les contes existent depuis la nuit des temps, ils continuent d’exister parce qu’ils ont quelque chose à nourrir en nous.

La septième fonction du langage, Laurent Binet

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 23 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Grasset, La rentrée littéraire

La septième fonction du langage, Qui a tué Roland Barthes ?, août 2015, 495 pages, 22 € . Ecrivain(s): Laurent Binet Edition: Grasset

 

On a beaucoup parlé, on parle toujours beaucoup, et on parlera longtemps de ce deuxième roman de Laurent Binet.

Parmi les critiques en vogue qui se sont exprimés, il y en a eu qui ont affirmé, parfois avec une étrange emphase, l’ennui qu’ils auraient ressenti à la lecture de ce livre. Ceux-là sont des cuistres, des ignares, des béotiens, évidemment incapables d’apprécier l’ouvrage, qui croient pouvoir dissimuler leur inculture en dénigrant ce qu’ils ne peuvent comprendre, à la manière de tel personnage politique s’exclamant à propos de La Princesse de Clèves qu’il n’y a pas de texte plus ennuyeux…

Car ce roman est le chef d’œuvre de l’année, c’est une évidence.

Mais c’est un chef d’œuvre qui se mérite.

Plusieurs trames narratives s’y superposent, plusieurs intrigues s’y intriquent.