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La Une CED

« Ce soir, on répète », par Marie du Crest

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 19 Janvier 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

L’assiette du lieu estoit très belle et agréable ; ayant la veue de la montagne et de la plaine, et mesme de la délectable rivière de Lignon, depuis Boën jusques à Feurs

Honoré d’Urfé

 

A Jean-Claude Berutti

 

Le château de Goutelas entre dans l’ombre rapide de décembre, faisant disparaître au-delà des douves herbeuses le paysage de l’Astrée. Le temps du théâtre peut commencer, non pas le théâtre du plateau, des lumières, des décors, de la salle impatiente, mais celui de son étrange laboratoire : la répétition. Un metteur en scène (Jean-Claude Berutti) assis derrière une longue table chargée de livres, de feuillets épars, regarde, intervient, fait des gestes, demande de reprendre aux deux comédiens qui lui font face (Christian Crahay et Nicole Olivier), dans une salle à la moquette rouge, sous la charpente du château.

Un poète du désir - à propos des Sonnets de Germont

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 18 Janvier 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Sonnets de Germont, éd. La coopérative, 2015, 9 €

 

Le premier livre de la jeune maison d’édition La coopérative, dirigée par Jean-Yves Masson et Philippe Giraudon, prête la voix à une poésie très écrite, très cadencée et presque classique, d’une certaine manière académique – dans le sens d’une application consciencieuse –, et cette dernière épithète ne me fait pas peur. Car ce livre, écrit par un jeune homme de vingt-et-un ans, au milieu des années 80, qui est resté inédit trente ans dans les cartons de Jean-Yves Masson, résiste à notre époque d’aujourd’hui justement parce qu’il est d’une facture simple et harmonieuse. Pour mon propre compte, j’ai d’ailleurs aimé cette « humeur » (le mot mood en anglais est peut-être plus juste), ce chuchotement des années 80, qui suggère un air du temps que j’ai connu au même âge que le poète Germont, un temps pour finir assez sombre et angoissant. Ce furent pour moi aussi, des années de désir, de ce désir de jeune personne éprise du jeu de hasard de la beauté, guidée par une étoile vers l’amour de l’autre, et sujet à cette angoisse de mourir.

Un journal ? (Lecture de Don Quichotte de Cervantès en La Pléiade - 1)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 15 Janvier 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Ecrits suivis

 

Un journal de lecteur, ou plutôt de lecture ! Qu’est-ce donc que cela ? Un journal où un lecteur parle de lectures. Ou de la lecture en général. Une chronique au jour le jour, au fils de lectures… Sans chercher à jouer le critique littéraire mais plutôt en interrogeant son propre rapport aux mots et histoires lus, aux livres, aux auteurs.Quel intérêt pour ceux qui d’aventure liraient ce « journal de lecture » ? Ça, je ne sais pas vraiment. Ou plutôt : je ne sais vraiment pas. Par contre je pense que poser la question en terme d’intérêt, presque au sens financier du terme, cela n’a pas beaucoup de sens. Ou alors cela en a, mais a contrario. Car c’est bien la dernière motivation qui pousse le blogueur-lecteur à se livrer à cet exercice.

L’idée m’en est venue à partir d’un projet de lecture qui m’attend, parmi d’autres. Un projet de lecture qui va prochainement m’amener à découvrir le Don Quichotte de Cervantès qui vient d’être édité dans une nouvelle traduction par La Pléiade, quadri-centenaire oblige. Je dis bien « découvrir » car je ne l’ai jamais lu. Pas même un extrait. Bien sûr, comme beaucoup, j’ai entendu parler du chevalier à la pâle ou triste figure et de son compagnon, de sa jument efflanquée, de ses moulins à vents, autant que de la Madeleine de Proust (un autre monument littéraire sur les chemins duquel je me suis perdu sans jamais en venir à bout).

Entretien avec Bernard Pignero

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 14 Janvier 2016. , dans La Une CED, Les Dossiers, Entretiens

 

Embruns paraît aujourd’hui aux éditions Encretoile. Quelle a été la genèse de ce roman ?

 

Quand une nouvelle ne fonctionne pas bien, quand, en particulier, elle appelle plus de développements, je l’utilise pour essayer d’en faire un roman. C’était déjà le cas pour Les mêmes étoiles, c’est à nouveau ce qui constitue la genèse d’Embruns. Quant à savoir ce qui était à l’origine de cette nouvelle dont je n’étais pas satisfait, il m’est impossible de le dire. Une nouvelle peut naître d’un mot, d’une réminiscence, d’un rêve… D’une manière générale, je ne pars pas d’un sujet précis, encore moins d’un plan. Ecrire, pour moi, c’est découvrir ce que je pense, ou plutôt ce qui n’est pas encore pensé et demande à l’être. Il m’est arrivé plusieurs fois de supprimer un premier chapitre qui n’avait plus sa place dans le roman qui était en train de s’écrire. Il m’avait pourtant servi de tremplin pour me lancer. Pour Embruns, les premières pages ont déterminé la suite. Elles étaient assez solidement ancrées dans une nécessité intérieure pour que tout le récit puisse s’y accrocher et se dévider naturellement.

Calendriers : Quel temps fait-il dans la tête ?, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mercredi, 13 Janvier 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Un étrange débat algérien depuis les années 90 : faut-il ou pas fêter le Nouvel an ? Les détracteurs disent non : le Nouvel an est occidental, chrétien, impie, colonisateur, étranger. Et nous sommes arabes, musulmans et Algériens. Ce qui est faux : le Nouvel an est romain, pas français. Il est païen pas chrétien. Tout autant que le calendrier de l’hégire qui remonte à Haggar la seconde femme d’Ibrahim et pas à la fameuse hijra, fuite d’un prophète et de son compagnon. Les mouhajirounes qui se présentent comme les exilés, sont en fait les arrière-petits enfants de Haggar (ô troublantes parentés et mystérieux cousinage) et pas les pères du calendrier arabe. Le lien avec l’Algérie ? La colonisation (réussie) des Arabes. Depuis, le pays fête ce qu’il ne récolte pas, mais fête ceux qui sont venus prendre des récoltes chez lui. Du coup, une possibilité de résistance aux temps des autres : je ne fête ni le calendrier de l’hégire, ni celui de Rome. Le temps « arabe » commence par une fuite en avant et continue sur une fuite en arrière. Le temps de Rome commence par une invasion et n’a pas fini avec la décolonisation. Le calendrier de l’hégire a provoqué même des maladies chez nous : on est officiellement né dans un endroit où nous n’avons jamais mis le pied : le Hedjaz.