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Côté écrans

Interstellar de Christopher Nolan : une réflexion sur les potentialités de la prière ?

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 01 Novembre 2014. , dans Côté écrans, Les Dossiers, La Une CED

Il y a dans Interstellar – le nouveau film de Christopher Nolan dont la première date de sortie est le 4 novembre, à Londres –, un moment fascinant. Et terriblement anodin. Mais c’est justement parce que ce moment n’a l’air de rien qu’il se révèle être si fascinant. Car il contient, à lui seul, une magnifique réflexion sur la prière que développe l’ensemble du film (et nous n’en dirons pas davantage, pour ne rien révéler de son contenu). Ce moment se passe au début. Et immédiatement passe, semblant fait pour être oublié. Dans la chambre de Murphy, il s’est produit quelque chose. Quelque chose d’étrange. De la poussière est répandue à terre, en un dessin d’une incompréhensible précision. Murphy regarde le spectacle. Son père (interprété par Matthew McConaughey) aussi. Ils sont immobiles. Il s’agit de comprendre. Le père prendra un cahier, un crayon, et la présence du cahier comme la façon qu’aura Matthew McConaughey d’incarner ses mains, dans leurs mouvements les plus imperceptibles, feront le lien avec la première saison de la série True Detective. Clin d’œil voulu de l’acteur ? Sans doute. Mais il est vrai que le soin absolu qu’a McConaughey envers la précision des mouvements de ses mains (dans leurs nuances et l’infime auquel ils donnent voix), pour porter son jeu, est l’une des caractéristiques de son travail, lequel soin est bien évidemment à mettre en relation avec la manière – stupéfiante – qu’il a de donner corps, sans recherche d’effet, et toujours avec une douceur folle, à la moindre inflexion de sa voix (voilà pourquoi regarder Interstellar en version française serait une hérésie).

The Tree of Life de Terrence Malick, ou Comment donner corps au Sacré (2/2)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 27 Mai 2014. , dans Côté écrans, Les Dossiers, La Une CED

 

Maintenant, un public de cinéphiles français est-il capable d’un tel décrochement de l’intrigue et de ses justifications incessantes (et incessamment théorisées depuis la Nouvelle vague) – autour d’un noyau constitué grosso modo par le « social », toile de fond débordante, car anxiogène et asphyxiante, articulée filmiquement, en liens profonds et insécables, avec le désir et le rêve de l’ego, d’un ego – pour la gratuité d’une contemplation sans visée autre qu’elle-même…

Les cinéphiles français ont un rapport au sacré (ne serait-ce qu’à la possibilité du sacré) extrêmement dévoyé… ; il est plus souhaitable (conformiste) de construire un cinéma sur le pourrissement de la société et la dénaturation des consciences individuelles plongées dans le magma de l’histoire (une histoire perçue comme ontologiquement déstructurante pour l’individu – ce n’est pas pour rien si Entre les murs et Bowling for Columbine ont recueilli la Palme d’or) que de chercher à produire un cinéma (que d’aucuns qualifieront d’esthétisant ou de pédant) qui n’a pour objet que de produire de la beauté.

The Tree of Life de Terrence Malick, ou Comment donner corps au Sacré (1/2)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 23 Mai 2014. , dans Côté écrans, Les Dossiers, La Une CED

 

Alors que le prochain film de Terrence Malick, Knight of Cups, ne devrait pas (trop) tarder, il nous paraît utile de nous replonger dans ce qui fut sans conteste son plus monstrueux, son plus passionnant (car questionnant) opus : The Tree of Life. Nous avons donc quelque peu modifié une étude que nous avions fait lire en son temps sur le site Reflets du temps (qu’il en soit ici remercié).

L’avant-dernier film de Terrence Malick est un film sur le sacré, et la façon dont le sacré s’inscrit en profondeur dans la nature, alors que cette dernière est tenaillée par la violence qui la pousse à vouloir toujours grandir au mépris de ce qui l’entoure, oubliant alors l’essentiel, d’ouvrir les yeux, simplement, et de prendre conscience de cette beauté qui l’entoure et qui la constitue en propre, immense, cette beauté dont l’amour (sans quoi « la vie passe comme un éclair » est-il dit dans The Tree of Life, ce qui demeure sans doute la plus belle phrase du film) est la déclinaison la plus sensible. Cette beauté qui est aussi bien le fait des planètes, de l’immensité de l’univers, des océans, de la réalité des éruptions volcaniques, que de la minuscule voûte plantaire d’un bébé.

Je t’aime, je t’aime, Alain Resnais

Ecrit par Sophie Galabru , le Jeudi, 10 Octobre 2013. , dans Côté écrans, Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Inspiré du livre de J. Sternberg, Un jour ouvrable, ce film de Resnais est comme une recherche du temps perdu médicalement assistée. Un groupe de chercheurs proposent à Claude Ridder, après son suicide manqué, l’étrange expérience de remonter le temps, plus précisément un an en arrière, pour une minute. S’ils sélectionnent C. Ridder, ce n’est pas au hasard, il est lui-même un homme que le temps questionne. Le temps est pour Claude une étrangeté de l’existence : tandis que la pendule marque l’heure, le temps ne veut rien dire pour un monde qui ne cessera pas de tourner. Il est trois heures pour un homme, qui sera un jour ou l’autre soustrait de ce monde. Compter les heures est une opération dérisoire pour la grande âme du monde qui pour toujours sera. Et Claude qui prend conscience que le temps ne passe pas pour celui qui l’observe peut dire : « le temps passe pour les autres mais pour moi seul dans cette pièce il ne passe pas. Il était trois heures il y a trois minutes, il sera trois heures dans quinze jours, dans trois siècles ».

Les Ailes du Désir de Wim Wenders

Ecrit par Sophie Galabru , le Mardi, 07 Mai 2013. , dans Côté écrans, Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Les Ailes du Désir, film de Wim Wenders sorti en 1987 est comme le conte de l'humanité de son enfance à sa vieillesse, de sa naissance à sa mort. Le monde des hommes y apparaît sous la forme d'un grand recueil polyphonique de pensées, perçues et recueillies par  l'oeil attentif de deux anges, Damiel et Cassiel. Ces anges écoutent ou plutôt sont les témoins des pensées secrètes, intérieures des hommes qui passent. Mais cette humanité, sous l'oeil de Wender n'est que juxtaposition de solitudes. Le monde résonne comme une grande interférence, une cacophonie des monologues. Vision étrange et étrangement réaliste du monde. Choisir Berlin n'est pas un hasard. C'est Berlin avant la chute de son mur, Berlin mélancolique et dévastée, Berlin qui sort tout juste de la guerre et du nazisme. Si le nazisme était haine de l'autre homme, on voit ici que Berlin, en négatif de son passé,  est le creuset de l'humanité.

 

Une vieille. Un enfant. Un fils qui pense à sa mère décédée. Une femme qui emménage. Un homme quitté. Derrières la multitude de pensées, et d'individus que nous croisons, Wenders réussit à donner une sorte de cohérence. A travers les infinis singuliers, se dessine l'universel humain, comme on l'entend dans le poème composé par P.Handke.