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Les Chroniques

L’Espoir musicien, Alain Lévêque (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 07 Juillet 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

L’Espoir musicien, Alain Lévêque, éditions La Coopérative, mai 2021, 80 pages, 12 €

Chercher

Chercher est le premier mot qui m’a traversé à la lecture de L’Espoir musicien. Et cela grâce à une implication poétique de l’auteur, qui signe ici son deuxième recueil de poésie, mais qui a publié des études, des essais, des livres traitant de l’art contemporain par exemple.

Univers ? Sans doute. Surtout, poète qui va à la découverte intérieure (du soi-même, si je puis dire) et qui, de cette manière, reste fluide, ouvert, mouvant, meuble. La découverte de soi en passe là par l’étude poétique d’un mouvement, d’une équation vectorielle.  De là encore l’impression d’un allant, d’un amble du poème, flux capable de faire cohabiter le lecteur avec l’idée du seuil, du passage.

Et cet écoulement, cet exorde amoureux qui se poursuit en quelque sorte, sollicite autrui, l’autre, l’Autre peut-être. Toujours est-il qu’il y a une adresse à l’Aimée (fût-elle celle du Cantique). L’amour de l’autre étant devenu une mémoire des gestes, des humeurs, de la joie et de la tristesse. Il demeure une figure de lumière. Ce qui me rappelle nettement mon premier sentiment à l’égard des Yeux d’Elsa. On y reconnaît avec inquiétude presque, l’empreinte d’une sensation d’amour, et ce faisant, d’une quête.

Le Manscrit, Olivier Domerg (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 05 Juillet 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Manscrit, Olivier Domerg, éditions Le Corridor Bleu, avril 2021, 232 pages, 18 €

 

Le poème itinérant

Je découvre avec ce livre le travail d’Olivier Domerg en son obsession poétique autour du Puy de Manse. Texte poétique que je rapprocherais des Eaux étroites de Gracq. C’est bel et bien une forme d’envahissement de la montagne du massif des Écrins qui coule dans le poète. Cette infusion ressemble à l’immersion de l’Èvre, fleuve fameux du voyage de Gracq dans le Maine-et-Loire. Ce Puy-là va au-delà de sa présence physique devant le poète. Mais avec un surgissement, une surabondance d’épithètes, de liens avec l’aspect pierreux, les tons et les couleurs végétales. Cette montagne est plus sujet qu’objet, car elle fertilise le poème et lui donne sa nature : non pas une contemplation mais un labeur actif (comprenant celui de l’ascension physique).

Nous sommes donc devant un texte transversal, qui va horizontalement de l’écriture au paysage et inversement. Phénomènes de va-et-vient. Construire la montagne par sa lecture. Reconstruire sa promenade par la littérature. Poésie itinérante. Écriture presque matérialiste dans laquelle la parole ne quitte pas son motif. Le spectacle des lieux comme page blanche.

Satan, Prince des rebelles (par Léon-Marc Levy)

, le Jeudi, 01 Juillet 2021. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Insistant, le regard découvre vite derrière les traits de la peur une étrange fascination. Satan séduit, porte dans les syntagmes morphiques et ou discursifs de son mythe de larges pans des rêves les plus fous et les plus obstinés des hommes. Il reste marqué des traces de ses aubes, de la lumière éblouissante de l’Ange Lucifer et de sa révolte contre Dieu. Les premières lézardes qui sillonnent l’ordre édénique voient s’immiscer le Diable sous le masque du Rebelle Suprême à l’œuvre divine, sous les traits de l’Opposant Radical. Au Jardin d’Éden tout son rôle consiste à lever le poids logique de la Loi pour lui substituer un autre ordre logique, pas moins puissant, celui de la transgression, de la rébellion. Et ses arguments portent, parce qu’il y a de quoi. La révolte de Satan met en joue la responsabilité même de Dieu dans le malheur des hommes : créateur de tout, donc du Mal aussi, il installe la liberté des hommes dans l’espace inclus entre sa Loi et l’Arbre de son interdit, mettant ainsi en place les éléments constitutifs et fatals du Péché et de la Chute. Le nom même de Satan prend un singulier éclairage quand on le confronte à son étymologie : le verbe « Sâtan » signifie en hébreu « accuser », d’où pour le nom propre, « celui qui accuse ». On lit dans le Livre de Zacharie :

La fête invisible, Gabrielle Althen (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 30 Juin 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

La fête invisible, Gabrielle Althen, Gallimard, mai 2021, 128 pages, 14,50 €

 

La fête du désir

Le temps, en avance d’une paix sur notre bonne volonté, attend le cœur. Pourquoi ne pas savoir que la terre est toute rouge, la nuit, quand le ciel soulève un peu sa chape et qu’un chant se réserve, né d’on ne sait où, entre le plomb de l’air et nos soupirs, et le désir, qui se sait devancé, parfois s’immobilise et s’étonne.

C’est à une poésie désirante que nous avons affaire avec le dernier recueil de G. Althen. Poèmes désirants donc, ce qui tend l’écriture sur un arc au-dessus du vide – si l’on admet que le désir crée une vacance, qu’elle lui est coextensive. L’absolu n’existe que relativement à la finitude ; le poème donc n’existe que par sa relation avec l’arrière-monde, l’univers du poète. Donc dans une dialectique entre le profond et l’apparent.

Conversations dans un jardin, Bernard Pignero (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 29 Juin 2021. , dans Les Chroniques, La Une CED

Conversations dans un jardin, Bernard Pignero, éditions Encretoile (Nouvelles), mai 2021


Celui d’entre nous qui un jour se lance dans l’écriture ne se dit-il pas – fulgurante idée généralement abandonnée dès que commence vraiment l’aventure – que, ma foi, des nouvelles – petites histoires, bonsaï des grandes – ce serait peut-être plus facile que le format roman, si classiquement casse-gueule…

Ainsi la nouvelle serait facile ? Ou tout son contraire ? Parce qu’elle parvient à faire tenir dans un dé à coudre ce qui fabrique la « grande » histoire, lieux, temps du récit, acteurs et leur complexe théâtre, l’infinie myriade des sentiments de la comédie humaine entière, les couleurs, odeurs et on en passe. Tout, dans cet infiniment petit, pour déclencher le miracle chez le lecteur se passionnant pour si peu de lignes agencées en des pages tenant dans le creux de la main ; petite main qui plus est. De l’anticipation, ou pas loin, frisant pour nous, profanes, presque le fantastique, l’univers des nanosciences…