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Les Chroniques

Le Livre noir, Textes et témoignages, Ilya Ehrenbourg, Vassili Grossman (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 09 Avril 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Livre noir, Textes et témoignages, Ilya Ehrenbourg, Vassili Grossman, Actes-Sud, 2019, trad. russe, Carole Moroz, 1136 pages, 28 €

 

Le Livre noir, textes et témoignages sur l’extermination scélérate des Juifs par les envahisseurs fascistes allemands dans les régions provisoirement occupées de l’URSS et dans les camps d’extermination en Pologne pendant la guerre de 1941-1945, traduits du russe par Yves Gauthier, Luba Jurgenson, Michèle Kahn, Paul Lequesne et Carole Moroz, sous la direction de Michel Parfenov.

Dans une des pages incandescentes qu’il a consacrées au procès Eichmann, Kessel raconte qu’à un moment, installé de façon provisoire dans la salle de presse et suivant les débats par écran interposé, il voyait « le visage d’Eichmann […] en gros plan, déformé, couturé, déchiré de tics. La voix avait une intonation presque hystérique. Elle s’écriait par saccades :

– Affirmation étrange, absurde ! Je ne connaissais pas les chiffres. Et que ne disait-on pas ? Commérages de Nuremberg. Bavardages d’Auschwitz. Les uns assuraient que j’avais cité cinq millions de Juifs exterminés, d’autres que c’était deux millions, et d’autres six millions.

Et la guerre est finie : Les Grands Express Européens, Kibboutz, The Great American Disaster, Nouvelles, Shmuel T. Meyer (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 08 Avril 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Et la guerre est finie : Les Grands Express Européens, Kibboutz, The Great American Disaster, Nouvelles, Shmuel T. Meyer, Les Editions Metropolis, mars 2021, le coffret, 444 pages, 30 €

 

« Les surprises entrent et ressortent par la porte. Il y a celles à qui l’on offre un rafraîchissement, puis un cœur, puis l’immense malheur engendré par l’absence » (51 rue Sholem Aleikh’em, Les Grands Express Européens).

« Jamais, mon amour, ma terre bien-aimée, je ne me suis senti plus confiant, faible et puissant, que lors des nuits d’été où tu m’accompagnais, répétant sur mes lèvres « homme libre enfin déraciné » (Avec la terre, Kibboutz).

« Il faut dans la vie des déclics, des concours de circonstances. Les fatalistes appelleront ça le hasard, les mystiques, la providence, moi j’appelle ça le Dibbouk, une obsession » (Saul’s Lament, The Great American Disaster).

Le Fort Intérieur et la sorcière de l’île Moufle, Stella Benson (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 07 Avril 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Fort Intérieur et la sorcière de l’île Moufle, Stella Benson, Editions Callidor, octobre 2020, trad. Faustine Lasnier, 272 pages, 19 €

 

Stella Benson écrit dans l’avant-propos à ce roman : « Ceci n’est pas un vrai livre. Il ne traite pas de vraies personnes, et ne devrait pas être lu par de vraies personnes non plus ». Voilà qui nous place d’emblée dans une position délicate, de quoi être déconcerté. Et ce n’est là que le début de l’aventure.

Le Fort Intérieur est un roman de fantasy mettant en scène une sorcière, dont on ne connaîtra jamais le vrai nom, et Sarah Brown, une femme pour le moins rêveuse, un peu maladroite et pleine de bonne volonté. Leur rencontre s’effectue à Londres, tandis qu’un comité de femmes, tourné vers l’aide aux plus démunis, est réuni. A noter que l’action se passe en pleine Première Guerre mondiale (le roman fut publié pour la première fois en 1919). Evidemment, l’arrivée de cette sorcière se fait de la façon la moins ordinaire. Ajoutons que les personnages de sorcières et de magiciens, dans l’univers de Stella Benson, sont des êtres bienveillants, ignorants des codes de la civilisation et dotés d’une certaine spontanéité enfantine.

Ici, Pierre Dhainaut (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 06 Avril 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie, Arfuyen

Ici, Pierre Dhainaut, éditions Arfuyen, février 2021, 96 pages, 12 €

 

Le poème horizon

Quel est cet ici ? Je n’ai trouvé la clé de ce livre vers la toute fin du recueil, d’une part parce que je me suis laissé imprégner, infuser par le texte, et aussi grâce au dernier chapitre qui m’a convaincu. De quoi ? Que la poésie peut penser, peut réfléchir, peut agir comme intellection. Ce poème-là n’est jamais une ornementation, mais un travail vers la nudité. Et céans, ce sont des images, une lumière nordiste à l’éclat blanc, transparent, presque froide. J’en parle en connaissance de cause ayant vécu deux ans à Valenciennes étant enfant, et mes premiers souvenirs d’écolier sont liés à cette lumière.

Cette clé dont je parle en supra, c’est donc l’horizon, celui de la Mer du Nord, ligne flottante qui indique une quête, qui collecte ce délinéament qui toujours se repousse, et ainsi recule en se rendant inatteignable. Cet horizon est encore celui du monde intérieur que le poète explore pour y fourbir son poème.

Pussyboy, Patrick Autréaux (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 02 Avril 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Pussyboy, Patrick Autréaux, éditions Verdier, mars 2021, 128 pages, 14 €

 

En regardant la photo du bandeau qui entoure la couverture du livre de Patrick Autréaux, Pussyboy, le lecteur qui s’attend à découvrir un roman pornographique sera étonné de ne pas s’y reconnaître. Le libertin esthète, qui compte discerner dans ce récit un livre érotique qu’on conserve précieusement à l’abri pour quelques privilégiés et qu’on dévoile comme un trésor précieux, sera déconcerté.

Certes, il y a bien dans ce roman une intrigue. Le narrateur de ce récit nous introduit dans une rencontre hasardeuse entre deux garçons qu’au départ tout oppose et que rien ne laissait prévoir. Toute l’histoire se déroule dans un huis-clos, « une grotte », soigneusement entretenu, qui préserve les deux partenaires de toute intrusion intempestive. Elle risquerait de détruire leur intimité. Quand l’extérieur intervient, c’est pour que l’un des deux retrouve un espace de respiration, une échappée vive qui permet au narrateur d’accepter d’autant mieux le retour vers ce qui l’attire comme un aimant. Dans une chorégraphie savante, le narrateur s’érige en maître de ballet. Son danseur étoile, Zakaria, porte un prénom, qui évoque l’ailleurs, le lointain, le différent.