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Les Chroniques

Cathédrales, 1789-1914, un mythe moderne

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 22 Novembre 2014. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Dir. Sylvain Amic et Ségolène Le Men, Cathédrales, 1789-1914, un mythe moderne, Somogy éditions d’art, Musées de Rouen, Paris/Rouen, 2014, juin 2014, 39 €

 

Grâce à la publication de ce bel ouvrage, nous sommes, ne finissons pas d’être « à l’heure où s’accomplit la découverte de la cathédrale », pour reprendre la formulation de Charles Morice dans sa longue introduction à l’ouvrage d’Auguste Rodin Les Cathédrales de France, publié en 1914.

Cette découverte s’opère grâce à la vue d’abord (vraie grâce). Entrant en certaines cathédrales (qui nous donnent le sentiment d’être « faite[s] de toutes les cathédrales », comme l’a murmuré Morice), l’on est amené à être ébloui. Même s’il y a l’ombre, omniprésente, chaque cathédrale aimée perd immédiatement, dans le moment où l’on reconnaît cet amour qu’on lui porte, « son essence comme structure de pierre » (John Ruskin) pour recouvrer son essence comme structure de lumière. Émile Verhaeren, alors trop jeune pour assister aux offices, découvrit « comme en maraude » la cathédrale gothique d’Anvers et fut ébloui de voir luire « un autre soleil »*.

Violences, Brigitte Aubonnet, Nouvelles

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 21 Novembre 2014. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Violences, Brigitte Aubonnet, Nouvelles, Éd. Le Bruit des autres, juin 2014, 170 pages, 14 € (www.lebruitdesautres.com)

 

Brèves considérations sur la réception de la nouvelle

et sur ce recueil-ci

 

« On dit d’un fleuve emportant tout sur son passage

qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence

des rives qui l’enserrent »

Bertolt Brecht, cité par Brigitte Aubonnet

Notebook, Joë Bousquet

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Novembre 2014. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Une écriture de chair

Il n’est peut-être pas abusif de dire combien les éditions Rougerie ont compté pour la diffusion du poète et écrivain Joë Bousquet, même si cette ligne éditoriale remonte aux années 60, où l’éditeur de Mortemart a publié un premier livre de l’auteur de Carcassonne. Car cette œuvre semble passer le temps. Ne pas s’amoindrir par l’époque. Je dis cela en connaissance de cause car ce Note-Book est arrivé à moi par les mains d’Olivier Rougerie, ce qui laisse entendre la fidélité extraordinaire de ce vrai éditeur limousin, livre qui m’a tenu un discours, que je vais essayer maintenant de vous  communiquer.

Ce livre est constitué de deux parties. Une trentaine de pages de réflexions assez abstraites, et une vingtaine de feuillets biographiques, lesquels permettent de connaître l’auteur vu par lui-même. On sait donc que Joë Bousquet, blessé sur le front en 14, est resté alité jusqu’à la fin de ses jours dans une chambre à Carcassonne. Et il a produit là une œuvre importante et pour finir peut-être un peu confidentielle, si je puis m’avancer sur ce sujet. À bien réfléchir cette littérature de l’isolement, de la réclusion est assez typique des personnes immobilisées dont le seul et dernier recours est d’écrire. Le poète de Carcassonne est de cette espèce.

L’invention musicale : essai de définition

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 13 Novembre 2014. , dans Les Chroniques, La Une CED, Côté Musique(s)

 

21 janvier 1943. Carnegie Hall, New York. Dans quelques minutes, ce sera la première audition américaine du Concerto pour deux pianos et percussion de Béla Bartók. Dans quelques minutes, Fritz Reiner dirigera l’Orchestre de la New York Philharmonic-Symphony Society, et Bartók sera au piano. Il faut que ça marche, se dit le compositeur. Il faut que par ce concert ma carrière soit relancée. Il faut que, instant après instant, les instrumentistes soient en accord – un accord profond, tenace – avec ma musique, sans omettre une seule indication, une seule fraction du silence sans quoi rien de ce qui est la musique ne pourrait nous atteindre, nous atteindre et suspendre dans le vide bleu, très pâle, de l’infini ce qui, de notre intériorité, est le plus embrasé. Le concert commence ; Bartók ne sait pas, bien sûr, que ce qu’il vit là, c’est son dernier concert. Comment pourrait-il savoir qu’il y aura bientôt un 22 septembre, et que ce jour-là il sera emmené au West Side Hospital. Comment pourrait-il connaître à l’avance les mots qu’il prononcera, à plusieurs reprises, alors : « Il est bien dommage que je doive partir alors que ma valise est encore pleine ». Comment pourrait-il savoir que le 26 septembre, son épouse et son fils se sentiront impuissants face à son dernier soupir, qu’ils ne sauront pas comment recueillir.

Merci ! par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Lundi, 10 Novembre 2014. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Quand il ne dort pas, un pays peut rêver. Et au final, le pays a toujours besoin de deux histoires : l'une pour le passé et l'autre pour croire en lui-même. Une success-story. Quelque chose qui raconte que l'on peut partir d'un mot, d'un village, d'un coin, et arriver à planter son drapeau sur la lune et revenir avec la lune dans sa poche. Un pays, c'est comme un homme : cela rêve de réussir. D'être admiré, d'être applaudi. Pendant quelques semaines, le chroniqueur a vécu ce rêve : le sien et celui des autres, mêlés et presque unanimes.

Une sorte de ferveur. Cela vous bouleverse et vous révèle votre pays comme une terre qui attend une gloire, une reconnaissance, une image. Cela vous révèle ce qui manque le plus : une belle image de soi, un respect. Briller, c'est partir, en règle générale chez nous. Mais cela n'est pas une fatalité. On peut revenir au pays avec une victoire et éclairer les autres parce que l'on cherche à s'éclairer soi-même.