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Allons-nous renoncer à la liberté ? Une feuille de route pour affronter des temps incertains, Carlo Strenger

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 12 Juillet 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Langue allemande, Belfond

Allons-nous renoncer à la liberté ? février 2018, trad. allemand Laurence Richard, 160 pages, 16 € . Ecrivain(s): Carlo Strenger Edition: Belfond

 

Carlo Strenger n’est pas un homme politique (il est trop honnête pour cela), mais une intelligence politique dont on aimerait pouvoir dire – pour le déplorer – que l’espèce en est éteinte en France. Cela voudrait dire qu’au moins elle y a existé. En réalité, elle n’y est jamais apparue (ou alors, si un représentant de cette espèce s’est aventuré chez nous, il n’a guère laissé de trace de son passage). Carlo Strenger se revendique de la « gauche libérale ». L’épithète ne doit pas prêter à confusion et être prise au sens qu’elle revêt en économie : en France comme ailleurs, il y a déjà beau temps que toute une partie de la gauche s’est convertie, à travers le projet européen, à un mélange délétère de libéralisation et de bureaucratie. Elle n’a plus d’yeux que pour la « société liquide » où tout est objet de consommation et pour les « villes-monde ». Malheureusement pour eux, le prolétariat, les petites gens, ne sont ni liquides, ni solubles dans la mondialisation marchande et marchante. Carlo Strenger est « libéral » au sens anglais du mot et, dans son essai Allons-nous renoncer à la liberté ? Une feuille de route pour affronter des temps incertains, s’affirme en disciple du grand historien des idées Isaiah Berlin, Juif russe (il est né à Riga) installé en Grande-Bretagne.

L’églantine et le muguet, Danièle Sallenave

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 11 Juillet 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Gallimard, Histoire

L’églantine et le muguet, Danièle Sallenave, Gallimard, mars 2018, 544 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Danièle Sallenave Edition: Gallimard

 

Romancière, essayiste, traductrice de l’italien, ethnographe et mémorialiste des vies proches et ordinaires (Un printemps froid La vie fantôme Passages de l’est D’amour), Sallenave poursuit son travail de géologue et d’historienne des terres qu’elle connaît bien. Sa méthode éprouvée – fouiller les strates d’une culture, qu’elle soit antique (Rome) ou contemporaine (Nous, on n’aime pas lire) –, réussit à éclairer des pans entiers d’une province qu’elle comprend bien, l’Anjou, elle native d’Angers, qu’aujourd’hui, mis à part ses lisières, le département de Maine-et-Loire occupe.

Début 2017, Danièle Sallenave entreprend en voiture ses multiples traversées de ce département natal en quête de savoirs et d’éclairages. Cette terre des contrastes, des contradictions, tissée d’histoire révolutionnaire, écartelée entre communautés et intérêts bien étrangers les uns aux autres, a vécu les tragiques événements des Vendéens, des Chouans, entre 1793 et 1795.

La couleur et la parole Les chemins de Paul Cézanne et de Martin Heidegger, Hadrien France-Lanord

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 10 Juillet 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Gallimard

La couleur et la parole Les chemins de Paul Cézanne et de Martin Heidegger, avril 2018, 288 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Hadrien France-Lanord Edition: Gallimard

 

« Plus souvent que vous ne pouvez le penser, je suis depuis (ce voyage) plongé dans un dialogue silencieux à deux voix (stilles Zwiegesparäch) avec Cézanne et son paysage – et sa montagne »

Martin Heidegger

« … vivifier en soi, au contact de la nature, les instincts, les sensations d’art qui résidente en nous »

Paul Cézanne à Charles Camoin

« Chez Cézanne, c’est bien la couleur en tant que telle (et non pas comme matière sensible pour une forme intelligible) qui, sans autre médiation que sa logique propre, est déploiement de l’espace comme configuration du monde »

Hadrien France-Lanord

Rendre justice aux enfants, Jean-Pierre Rosenczveig

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mardi, 10 Juillet 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Récits, Seuil

Rendre justice aux enfants, mai 2018, 272 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean-Pierre Rosenczveig Edition: Seuil

 

Jean-Pierre Rosenczveig, qui a exercé sa fonction de juge des enfants d’abord au tribunal de Versailles, puis a présidé le tribunal pour enfants de Bobigny pendant 22 ans, est un homme et un professionnel engagé qui, prenant parti pour une visée humaine et sociale de la famille et de la société, défend quelques enjeux essentiels de son métier.

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, l’a, en 2005, jugé « laxiste », héraut d’un certain « angélisme de gauche » ? Il s’en défend, se revendiquant « le plus dur des juges » du tribunal de Bobigny, tout en prenant parti pour la cause des enfants et des adolescents et en faveur des avancées éducatives, sociales et judiciaires qui sont liées aux situations individuelles hautement problématiques auxquelles il se trouve confronté. En effet, Jean-Pierre Rosenczveig est depuis le début de sa carrière membre actif du Syndicat de la magistrature, dont l’une des caractéristiques est de rechercher des solutions innovantes et adaptées à chaque cas, dans la limite de la légalité bien entendu. En outre, il a dirigé dans les années 1980-90 l’Institut de l’Enfance et de la Famille (IDEF) –qu’il a contribué à créer lors de son passage au cabinet de Georgina Dufoix –, organisme chargé de recueillir des données scientifiques dans le champ de l’enfance et de la famille.

Casse-gueule, Clarisse Gorokhoff

, le Mardi, 10 Juillet 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Casse-gueule, mai 2018, 240 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Clarisse Gorokhoff Edition: Gallimard

 

Ava s’est fait agresser par un inconnu qui lui a ravagé le visage à coups de poing américain. Son joli minois qui faisait la fierté de Nicole, sa mère, et de son compagnon, Marius, n’est plus qu’une horrible gueule difforme et cauchemardesque. Bien sûr, elle souffre le martyre : ses muscles faciaux sont tétanisés, sa chair est à vif, suintante, ensanglantée. Elle décide toutefois de ne pas porter plainte, ni même de s’ouvrir, un tant soit peu à sa mère, de sa toute récente agression. Encore plus surprenant, eu égard au milieu social fortuné dont elle est issue, Ava refuse catégoriquement de passer sous le scalpel d’un chirurgien esthétique. C’est que d’emblée, ou à peine passé le choc initial, elle prend conscience que cet événement, bien que revêtant tous les atours d’une innommable tragédie, sera déterminant quant à son désir d’émancipation : là où elle fut toujours considérée comme un trophée, un faire-valoir, que ce soit dans les soirées « ultra bobos » de son partenaire ou dans le cercle mondain de sa richissime mère, Ava exhibe sa laideur avec une férocité jubilatoire, qu’elle accompagne d’une parole médisante, voire d’un discours haineux, puisqu’elle se sent désormais libre d’éructer une vie qu’elle déteste, un milieu qu’elle exècre. On aura vite compris que son entêtement à rester laide relève du règlement de comptes. Pour autant, l’intrigue ne se cantonne pas à la mise en pièces du beau monde parisien.