Identification

La Une Livres

Monsieur Ladmiral va bientôt mourir, Pierre Bost (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 04 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Gallimard

Monsieur Ladmiral va bientôt mourir, Pierre Bost, Gallimard L’Imaginaire Poche, août 2016, 103 pages, 8 € Edition: Gallimard

 

L’adieu à l’écriture romanesque :

Lorsque ce roman de Pierre Bost fut publié par les Éditions Gallimard en 1945, cela faisait plus d’une dizaine d’années que l’écrivain n’avait pas écrit de roman et que depuis 1940, il se consacrait essentiellement à l’écriture de dialogues puis de scénarios pour le cinéma en collaboration à partir de 1943 avec Jean Aurenche. Pourtant il fut dans l’entre-deux guerres un romancier précoce – son premier roman, Hercule et mademoiselle, fut publié alors qu’il n’avait que vingt-trois ans – très apprécié de ses contemporains et fort remarqué de Gallimard dont il deviendra un lecteur de manuscrits. En écrivant Monsieur Ladmiral va bientôt mourir, Pierre Bost, à l’évidence, savait qu’il faisait ses adieux à la littérature et l’on ne peut lire cet ouvrage sans avoir en permanence à l’esprit qu’il s’agissait pour lui d’une sorte de petit testament littéraire, comme l’analyse et le souligne avec sagacité François Ouellet dans la revue littéraire Nuit blanche.

Matière des soirs, Philippe Leuckx (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 04 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Le Coudrier

Matière des soirs, Philippe Leuckx, Éditions Le Coudrier, mars 2023, 70 pages, 18 € . Ecrivain(s): Philippe Leuckx Edition: Le Coudrier

De quoi est faite la « matière des soirs » ? À l’heure où le jour cède progressivement, mais si rapidement, la place à la nuit, à l’heure où les clartés finissantes, aussi belles que celles aperçues sur les photographies splendides de Philippe Colmant, persistent malgré elles dans ce puits qu’est l’horizon, le poète nous invite au partage de la mélancolie et de la solitude, dont ce moment singulier du crépuscule augmente l’intensité.

Qui suit-on ou que suit-on ? L’errement ou l’égarement du promeneur solitaire dans un milieu urbain, dans des perspectives de rues qui ont l’air tronquées : « les rues ne sont presque plus / des rubans de concorde » (p.19) ; « on a les mains trop grandes / pour ce si peu à cueillir / dans l’ombre » (p.20). Les pensées se dévident au rythme des circonvolutions du poète, qui ne semble entrevoir aucune quête en dernier lieu, si ce n’est celle, sans doute, de récolter un fond d’apaisement : « au loin une grive s’enivre / tout près l’enfant rêve / de vent léger » (p.17). Car il s’agit bien ici de pallier le manque : « Paysage grêlé de tombes et de visages / absents » (p.9) ; « Dans la maison / je cherche la présence / comme l’on monte les marches / pour trouver son rythme » (p.23).

Je voudrais leur demander pardon, mais ils ne sont plus là, Mikolaj Grynberg (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 01 Décembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Actes Sud

Je voudrais leur demander pardon, mais ils ne sont plus là, Mikolaj Grynberg, Actes Sud, septembre 2023, trad. polonais, Margot Carlier, 175 pages, 19,50 € Edition: Actes Sud

 

Mikolaj Grynberg est l’auteur de plusieurs livres consacrés à l’héritage de la Shoah dans l’histoire polonaise et européenne, mais ils n’ont malheureusement pas été traduits en français. La traduction éditée par Actes Sud, de l’ouvrage intitulé Je voudrais leur demander pardon mais ils ne sont plus là, vient combler cette lacune. Le récit s’organise autour de témoignages confiés à l’auteur par des amis : ils ont tous en commun d’être juifs et relatent leurs expériences passées et présentes de leur vie en Pologne. Le mode d’expression générale employé est laconique, dénué de la moindre emphase. On pense parfois à la déposition à la barre d’un procès imaginaire d’une série de témoins. Chaque témoignage porte un titre, souvent très court, et ne dépasse jamais trois ou quatre pages. Ainsi, dans LE BAZAR, évoque-t-on la question d’être juif ou ne pas l’être. Après avoir passé en revue le poids des préjugés antisémites, l’impossibilité d’échapper à ses origines aux yeux des autres, l’auteur conclut avec une grande amertume : « Je pense que mieux vaut ne pas être juif. D’ailleurs, vous voyez bien que personne ne se presse pour le devenir. Non, il n’y a pas de file d’attente ».

Misericordia, Lídia Jorge (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 30 Novembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Langue portugaise, Roman, Métailié, En Vitrine, Cette semaine

Misericordia, Lídia Jorge, Métailié, Bibliothèque portugaise, août 2023, trad. portugais, Elisabeth Monteiro Rodrigues, 416 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Lidia Jorge Edition: Métailié

 

« Avant j’avais l’habitude de demander qu’on me lise les informations, mais maintenant je ne veux plus. Dans la vie, naturellement, le bien succède au mal, dans les journaux, au contraire, on ne fait qu’ajouter du mal au mal, j’ai dit. J’ai précisé cependant que j’aimais toujours écouter lire, à présent que je n’arrivais plus par moi-même ».

« Oh ! Joie, conduis-moi à travers la rue tortueuse – la mort dort à la porte. Je la chasse avec ton bâton ».

Elle se nomme Maria Alberta Nunes Amado, et on l’appelle Dona Alberti. Misericordia est son journal, le journal de sa vie en maison de retraite, transformé en roman par sa fille Lídia Jorge. Un journal enregistré entre le 18 avril 2019 et le 19 avril 2020 dans sa chambre de l’Hôtel Paradis devenu maison de retraite. S’y ajoutent des notes manuscrites que l’auteur a glissées en fin de chaque chapitre, qui sont comme des éclats de vie et de joie. Elle s’enregistre car elle a du mal à écrire, à former les lettres. Les mots et les phrases offerts ainsi par la mère deviennent un roman sous la plume de sa fille.

Les 7 vies de Melle Belle Kaplan, Gilles Paris (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 30 Novembre 2023. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Plon

Les 7 vies de Melle Belle Kaplan, Gilles Paris, éd. Plon, septembre 2023, 224 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Gilles Paris Edition: Plon

 

L’auteur, dont j’ai aimé Certains cœurs lâchent pour trois fois rien, Le bal des cendres, et Un baiser qui palpite là, comme une petite bête, a souhaité, dans ce dernier roman, très romanesque, brosser le portrait d’une femme, très belle, au passé mouvementé, qui a pris l’habitude de changer de nom et de vie, d’éveiller des mystères, d’échapper aux rumeurs, en dépit d’une célébrité voyante par son statut d’actrice hollywoodienne.

Elle collectionne les vies comme on le fait de rôles.

Orpheline, elle a connu les affres d’un orphelinat, en compagnie de son frère Ben, a connu des placements, a vécu nombre de vies.

Elle collectionne les noms Grace, Paradis, Talia, Belle.

Elle veut à tout prix qu’on ne lui rappelle pas des épisodes moins glorieux de son existence.

Elle construit celle-ci à force de prénoms et de coiffures et d’apparences.