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La Stupeur, Aharon Appelfeld (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 06 Juillet 2022. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, L'Olivier (Seuil), En Vitrine, Cette semaine

La Stupeur, avril 2022, trad. hébreu, Valérie Zenatti, 252 pages, 22 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Tout quitter, comme on se dépouille d’un vêtement devenu trop petit et qui enserre. Mais que signifie tout quitter quand ce tout ne recouvre que souffrance, incompréhension, impossibilité à s’exprimer, à se dire ?

Iréna a vécu toute son enfance près d’Adéla, une compagne d’école et une des filles des épiciers juifs de son village. Mais l’heure est à l’épuration, les magasins sont pillés, les Juifs déportés ou exterminés sur place comme la famille Katz. Leur assassinat fait basculer Iréna dans une autre vie, un autre monde : « Iréna tourna la tête : sa vie ici était finie. Une autre vie l’attendait ailleurs. De quelle nature ? Elle n’essaya pas de le deviner. Ce départ ne la réjouissait pas. Elle marchait à petits pas, comme effrayée. Plus elle approchait de la gare, plus il lui semblait que la terre sous ses pieds allait s’ouvrir et qu’un autre sol allait surgir » (p.87).

Sans réfléchir, sans bagages elle quitte maison et mari et prend le train pour se rendre chez sa tante, Yanka, qui vit retirée du monde et « se suffisant à elle-même » : « Que fais-je ici ? se demanda-t-elle dans un vertige » (p.94).

Sur les rives de Tibériade, Rachel (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 26 Novembre 2021. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Arfuyen

Sur les rives de Tibériade, Rachel, Arfuyen, octobre 2021, trad. hébreu, Bernard Grasset, 192 pages, 17 € Edition: Arfuyen

 

« Une île habitée par d’étranges créatures

En habits d’apparat…

Une île oubliée du cœur de Dieu

À tout jamais. (…)

Et si tu tentes de leur parler

D’une autre vie,

Elles se moqueront avec mépris, en leur cœur se diront :

“Invention de bien-portants !” » (L’hôpital, p.107)

Gazelle, je t’enverrai, Amir Gilboa (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 04 Juin 2021. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Editions Lanskine

Gazelle, je t’enverrai, Amir Gilboa, LansKine éditions, mars 2021, trad. hébreu, Emmanuel Moses, 72 pages, 14 € Edition: Editions Lanskine

 

Venu d’Ukraine en Palestine en 1937, Gilboa a fait paraître en 1972 ce recueil, à la fois intime, engagé, onirique. Les poèmes y sont les expressions fortes et tendues de ce qui a tissé sa vie, fortes aussi des « chemins » qu’il a dû prendre pour la rendre égale, supportable.

En effet, nombre de chemins traversent en tous sens ce livre apaisé, où un cœur aimant, où un cœur se souvenant, trame l’épaisseur de sa vie. Il est toujours en quête, cet homme, il voit son cœur comme une « gazelle » blessée ; il chemine pour se retrouver ou se trouver. Sans doute le rêve est-il à même de l’approcher de sa vérité, encore qu’il faille trouver la frontière, ne plus entendre « aboyer sa vie », ne pas devoir quitter une ville qui est la sienne.

Peut-on entendre ici la quête du migrant qu’il fut à vingt ans ? Peut-être que, rêve mis à part, ce voyage premier lui est resté comme un périple intérieur.

Journal d’un rabbin lituanien du XVIIIe siècle, Menahem Mendel Slatkine (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 22 Mars 2021. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, Editions Honoré Champion

Journal d’un rabbin lituanien du XVIIIe siècle, Morceaux choisis et édités à partir d’un ouvrage attribué au rabbin Shlomo David de Radoshkovitchi par Menahem Mendel Slatkine, éd. Honoré-Champion, 2020, trad. hébreu Claire Darmon, 478 pages, 65 € Edition: Editions Honoré Champion

 

Dans les premières pages du Nom de la rose (Un manuscrit, naturellement), Umberto Eco s’est moqué avec virtuosité et volubilité du vieux topos littéraire du manuscrit retrouvé au fond d’une malle, tout en reprenant ce même lieu commun avec force détails destinés à l’accréditer. Ce Journal d’un rabbin lituanien est-il autre chose qu’une fiction ? Il faut s’interroger sur la personnalité de celui qu’on regardera, selon la réponse qu’on donnera à cette question, comme son véritable auteur ou son simple éditeur.

La vie de Menahem Mendel Slatkin (1875-1964) forme un pont entre deux mondes. Né à Rostov-sur-le-Don, il vécut sa jeunesse dans le climat d’antisémitisme slave, survécut aux pogroms de 1905 et choisit la voie de l’exil vers la Suisse, Zurich d’abord, puis Genève qui abritait une importante communauté russe.

Jusqu’à la mort, Amos Oz (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 17 Mars 2021. , dans Israël, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Gallimard

Jusqu’à la mort, novembre 2020, trad. hébreu, Rina Viers, 160 pages, 9 € . Ecrivain(s): Amos Oz

 

« C’est alors que Jérusalem cessa de leur sembler un but, un endroit où se déroulent des aventures glorieuses. Un changement s’opéra. Les hommes rompaient le silence prolongé pour dire : “A Jérusalem” » (p.53).

« Invisible je scruterai sans cesse l’horizon marin. (…) Mais quand soudain surgiront les gris navires aux confins de l’horizon marin, je serai le premier à donner l’alerte. (…) Je donnerai l’alerte jusqu’à en perdre le souffle. Jusqu’à l’extrême limite de mon amour » (p.160).

Ces deux passages, tirés des deux nouvelles de Jusqu’à la mort, se font face, en miroir.

Le premier est le récit d’une croisade pour délivrer Jérusalem, qui échoue et s’échoue dans les ruines d’une abbaye ; le second, celui d’un vieux conférencier qui attend « jusqu’à la mort » la fin des temps, l’abordage et l’invasion par les Russes de la terre d’Israël.