Dans sa simplicité énigmatique, le titre du roman de Mariam Petrosyan recèle le secret de la fascination qu’il exerce. L’enveloppement dans une maison-monde, coquille chatoyante où se lovent les vies d’adolescents abandonnés. La porosité aussi d’une habitation dont les limites fluctuent dans le temps et l’espace, ouvrant des chemins de traverse à ceux qu’elle a adoptés.
L’autrice aurait passé une dizaine d’années à travailler à ce roman, commencé alors qu’elle avait à peu près l’âge des personnages, et déclare ressentir un grand vide depuis sa parution – cette même difficulté que les personnages éprouvent à sortir de l’étrange maison qui leur a servi de foyer, coquille baroque, marâtre, pour des adolescents fantasques et cruels dont les surnoms changeants symbolisent la quête d’une identité et d’un lieu propres.
Il y a quelque chose de Sa majesté des mouches dans ce grand roman de l’adolescence où les adultes ne sont jamais que des silhouettes lointaines, périphériques, sans toutefois qu’il faille y chercher une leçon, une morale : La Maison dans laquelle n’est pas un roman d’apprentissage – ou alors il serait celui d’un ré-apprentissage, d’une initiation à l’envers, qui permettrait au lecteur de reprendre pied dans l’univers perdu de son adolescence.