« (…)  ce pays lointain – quel est son nom déjà ? – » (p. 34), et c’est toute  l’histoire des « réfugiés », ceux qui reviennent des camps, c’est aussi  en grande partie, celle de la vie d’Aharon Appelfeld : revenir puiser  dans son passé, pour l’écrire dans une langue qu’il doit forger, celle  de sa nouvelle identité, car on a changé aussi son nom au jeune garçon.  Non pas « dépouiller le vieil homme », au contraire, lui rendre, au mot  près, dans cette musique nouvelle, celle dont Aharon Appelfeld dira  qu’elle est celle de sa « langue maternelle adoptive ».
L’image   de la  mère, dont il fut orphelin très jeune se confond dans la langue   qui se  perd. Quand le jeune homme aura imité les chapitres de la Bible,   qu’il  recopie, il pourra ré-endosser tous les êtres qu’il aime. En   attendant,  le sommeil jette un pont entre deux états, entre deux   mondes. Ce livre  relate, avant tout, la réappropriation de soi, la   reconstruction par la  langue. Il est nécessaire au garçon de se   reconnaître par les mots. A  chaque instant, l’ascèse pour y parvenir :   on est saisi, happé avec le  jeune Aharon, par l’âpreté de la bataille   qui se joue, ne pas, jamais  laisser cours au désespoir.