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Zoartoïste et autres textes, Catherine Gil Alcala (2)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 11 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Théâtre

Zoartoïste et autres textes, La Maison Brûlée, 2016, 131 pages, 15 € . Ecrivain(s): Catherine Gil Alcala

 

Du Théâtre Poésie de Catherine Gil Alcala en général et de Zoartoïste en particulier

D’emblée, l’attrait de l’onomastique (la liste des personnages) commet chez le lecteur son travail d’Imagination, lorsqu’il plonge dans le monde de la poétesse-dramaturge Catherine Gil Alcala. C’est écrire qu’un univers à part entière, singulier, s’ouvre d’entrée dans ce qu’il faut bien appeler des Créations, dans un Théâtre Poésie qui tord et hallucine la Langue pour inventer son propre langage, entremêlant les éléments disparates d’une écriture archaïque et contemporaine.

Aussitôt, un Infini turbulent (Henri Michaux) s’avance au centre du théâtre où les personnages-acteurs investissent et traversent une mise en scène hors cadre par à-coups de marteau scandés pour faire résonner le corps dans un abîme de sons, à la recherche du perpétuel variable d’une incarnation intégralement à reconquérir, « (…) une incarnation qui, perpétuellement désirée par le corps, n’est pas de chair mais d’une matière qui ne soit pas vue par l’esprit ni perçue par la conscience et soit un être entier de peinture, de théâtre et d’harmonie » (Antonin Artaud).

L’Éden la nuit, Guillaume de Sardes

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 11 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

L’Éden la nuit, mars 2017, 80 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Guillaume de Sardes Edition: Gallimard

 

« Éden, Éden, Éden. L’enseigne en néons clignote. Comme la palpitation d’un cœur. Comme une respiration. […] Nina s’approche doucement de Sacha. Elle pose sa main sur sa joue, en inclinant la tête, puis elle approche son visage du sien, très près. Et elle rit ». Ce très court roman, qui n’a rien à voir avec l’œuvre de Pierre Guyotat, et dont l’intrigue, dans ce qu’elle a de plus vif, de plus dérangeant, semble arrachée au Cinéma de papa de Jean-Bernard Pouy (Gallimard, collection Série Noire, 1989), est fait d’une écriture simple et légère qui est, à sa manière, l’écho des meules de Monet où le travail s’efface, et qui paraît vouloir contredire fortement, de toute sa force sans force, de tout son poids sans lourdeur (poids de l’air), l’affirmation développée par Maurice Blanchot dans « La question littéraire » (in Le livre à venir) comme quoi « le langage nous jette dans la dialectique du maître et de l’esclave » :

Faubourg des minuscules, Édouard Bernadac

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 08 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Roman, Héloïse D'Ormesson

Faubourg des minuscules, mai 2017, 199 pages, 17 € . Ecrivain(s): Édouard Bernadac Edition: Héloïse D'Ormesson

 

« Puis, il y eut un été où les étoiles se mirent à briller en plein jour. Des étoiles à bicyclette, des étoiles à pied, des étoiles dans les bus, dans les cafés et les magasins, des étoiles partout dans les rues inondées de soleil. Et quand Paris se mit à regorger d’étoiles filantes, on les rassembla. Des trains d’étoiles partirent se consumer très loin, à l’abri des regards, au fond de forêts obscures. Il n’y eut plus d’étoiles à midi ».

La voix qui écrirait ceci serait celle d’un enfant qui regarderait ses futurs parents grandir. Il verrait le monde par en-dessous, en images, le monde dans un cadre. Au niveau des jambes des femmes qui peignaient en 1944 leurs mollets, couleur caramel, une ligne noire tracée entre les muscles jumeaux. Pour imiter la vie d’avant, la vie encore et ses occurrences. Paris en été, Paris « sous cloche », page 13, faubourg Saint-Antoine, le faubourg des artisans où les pliures des mains sont concrètes, là précisément où de rares Parisiens viennent déposer leurs meubles brisés. Et d’autres, des meubles saisis, à vendre.

Marie Malcaras est belle, insolente, méfiante, elle est pressée. Une chaise à réparer.

Point cardinal, Léonor de Récondo

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 08 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La rentrée littéraire, Sabine Wespieser

Point cardinal, août 2017, 224 pages, 20 € . Ecrivain(s): Léonor de Récondo Edition: Sabine Wespieser

 

Léonor de Récondo appartient à un type d’auteurs dont le suivi, d’un roman à l’autre, nous comble. Commencé avec Rêves oubliés, belle chronique d’une famille de réfugiés républicains espagnols tentant de maintenir le souvenir de l’autre côté des Pyrénées, continué avec Pietra Viva, pertinente interrogation sur la place de l’artiste dans la Cité, et enfin Amours, décrivant les tourments et déchirements d’une femme bourgeoise en proie à des sentiments déviants, Léonor de Récondo continue ce parcours par Point cardinal, son dernier roman. Cette romancière nous avait séduits par la précision de son écriture, son style dépouillé, la nuance dans l’élaboration des portraits et la restitution de la vie psychologique des personnages.

Autant dire d’emblée que nous retrouvons toutes ces qualités dans Point cardinal. Le décor c’est celui d’une petite ville, dans une région non située géographiquement. Laurent Duthillac est un bon père de famille, tout ce qu’on fait de plus classique en la matière.

Jusqu’à la Bête, Timothée Demeillers

Ecrit par Zoe Tisset , le Vendredi, 08 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La rentrée littéraire, Asphalte éditions

Jusqu’à la Bête, août 2017, 150 pages, 16 € . Ecrivain(s): Timothée Demeillers Edition: Asphalte éditions

 

C’est un livre qu’il faut lire pour ne pas oublier ceux et celles qui triment sans discontinuité dans des conditions innommables, dans des abattoirs inhumains. C’est un livre qui raconte le quotidien d’hommes et de femmes abrutis par l’odeur de sang frais mêlée aux détergents, entourés de carcasses à la chaîne, maniant cisailles et couteaux divers, ils en oublient d’être des hommes.

« C’est toujours l’odeur dont je me souviens d’abord. L’odeur qui imprègne tout. L’odeur qui vous prend sur le parking (…) Le roulement mécanique du convoyeur, le soufflement abrutissant de la clim, les chants des scies électriques de la découpe, les crochets qui s’entrechoquent, le rail de la 12, puis de la 25 qui s’ouvrent et se referment avec un clac, un clac sec, la tôle de l’usine qui répercute tout ça et l’écho qui se répand jusqu’au sas de la porte de service. Le bruit de la peur ».

Un homme raconte, on comprend vite qu’il est allé au bout du bout et qu’un évènement tragique est arrivé. « Vous deviez le connaitre, vous aussi ? Vous avez assisté à la scène ? Y avait-il des signes avant-coureurs ? ». Son récit est ponctué des clacs de l’usine. « Clac. Etourdie. Sur la chaîne. Clac. Clac. Clac. Sylvie qui accroche la bête ».