Un photographe a dans son viseur le visage d’une vieille dame allemande aux cheveux blancs, très fins, aux yeux ardents. La photo en noir et blanc date de 1991. Je regarde la vieille dame, Inge Müller, en train de tenir dans ses mains maigres et déformées de vieilles photos, celles de sa vie.
L’été, il fait parfois très chaud à Berlin, capitale de la Grande Allemagne. Mais cette ville devient comme une station balnéaire avec ses plages et ses Strandkörbe qui sont de jolies cabanes d’osier, à l’intérieur si intime pour se cacher un peu du monde si gai qui court vers le lac aux eaux fraîches. Le dimanche, 21 août 1944, Berlin étouffe ses habitants. Une photo sans photographe, plus mystérieuse, met en scène deux jeunes femmes, presque deux adolescentes qui, après une course en vélo, ont rejoint la Havelchaussee, du côté de la Grande-Fenêtre, pour croire aux vacances, à la douce liberté dominicale. Exposer son corps au soleil, sentir sa légèreté dans l’eau quand toute l’Europe se meurt dans la guerre, n’est-ce pas nécessaire ?