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Critiques

Le printemps des corbeaux, Maurice Gouiran

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Samedi, 29 Octobre 2016. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Jigal

Le printemps des corbeaux, septembre 2016, 248 p. 18,50 € . Ecrivain(s): Maurice Gouiran Edition: Jigal

 

 

Pour son vingt-sixième roman publié par Jigal, à 70 ans et des brouettes, Maurice Gouiran offre à ses lecteurs un condensé de son savoir-faire de conteur d’histoires dans l’Histoire, de professionnel de la littérature noire.

Dans Le printemps des corbeaux, il nous transporte une nouvelle fois à Marseille, en mai 1981, au moment de l’élection de François Mitterrand à la présidence. Louka, alias Luc Rio, jeune étudiant en informatique et ancien gamin de la DDASS, développe une asocialité matinée d’esprit revanchard : « J’étais simplement d’un détachement amoral envers mon prochain, sans doute parce que je crois bien n’avoir jamais aimé personne. En fait, c’est encore plus grave que ça : je n’aime rien » (p.9).

La beauté du monde La littérature et les arts, Jean Starobinski (2nde critique)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 29 Octobre 2016. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Gallimard, Arts

La beauté du monde La littérature et les arts, édition de Martin Rueff, juin 2016, 1344 pages, 30 € . Ecrivain(s): Jean Starobinski Edition: Gallimard

 

Une centaine d’études, où brille une « exigence de clarté et de partage », composées sur plus de soixante ans et ayant trait aux arts. La littérature, d’abord : Baudelaire, Bonnefoy, Celan, Char, Jaccottet, Jouve, Kafka, Mallarmé, Valéry… Mais aussi les arts de l’œil : Balthus, Füssli, Goya, Michaux, Ostovani, Sima, Van Gogh… Mais aussi les arts de l’oreille : Mahler, Monteverdi, Mozart…

Si ces études se trouvent rassemblées sous le titre La beauté du monde, c’est parce que « la littérature et les arts répondent à la beauté du monde et le critique, premier lecteur, spectateur et auditeur, célèbre la réponse de ceux-là pour chanter celle-ci » (Martin Rueff).

Répondre… Ainsi que le constate Marsile Ficin dans son commentaire sur le Banquet de Platon (V, 2), « le mot grec kallos signifie en latin beauté. La beauté est donc cette grâce elle-même de la vertu, de la figure ou de la voix qui appelle et attire l’âme vers elle – ad se vocat et rapit ».

Par la main dans les Enfers, Joyeux animaux de la misère II, Pierre Guyotat

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Samedi, 29 Octobre 2016. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Par la main dans les Enfers, Joyeux animaux de la misère II, Hors série Littérature, octobre 2016, 432 pages, 24 € . Ecrivain(s): Pierre Guyotat Edition: Gallimard

 

Le cycle Joyeux animaux de la misère est présenté par son auteur comme « des jactances ». Et Guyotat de préciser : « La jactance est la manifestation de celle ou celui qui veut prendre la place de l’autre ». Ce procédé permet à l’auteur une forme de détente puisqu’il n’est plus lui-même mais un autre. Néanmoins la tension revient vite étant donné la radicalité du propos. Et il faut à l’auteur, par instants, retrouver « sa » propre langue. D’où l’effet labyrinthique d’une telle fiction.

Tout est écrit dans le besoin d’écrire des sortes de répliques rapides créatrices d’une rythmique où les mots même courants se trouvent « ré-annexés » selon un propos sans doute insupportable pour un lectorat classique. Guyotat ose en effet l’excès non seulement de la langue mais de ce qu’elle crée. Et l’auteur de se « justifier » (si besoin était) : « Une grande œuvre, c’est effectivement une œuvre où il y a plutôt plus de choses que moins de choses. Il faut qu’il y ait de la musique dans la musique ».

L’Impossible Exil. Stefan Zweig et la Fin du Monde, George Prochnik

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 28 Octobre 2016. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Biographie, Grasset

L’Impossible Exil. Stefan Zweig et la Fin du Monde, septembre 2016, trad. anglais (USA) Cécile Dutheil de la Rochère, 448 pages, 23 € . Ecrivain(s): George Prochnik Edition: Grasset

Sous-titré Stefan Zweig et la Fin du Monde, L’Impossible Exil tient à la fois de l’essai, d’une mise en scène de l’auteur et de la biographie : George Prochnik, professeur de littérature anglaise et américaine à la Hebrew University of Jerusalem, entremêle au fil des pages des considérations sur l’exil, son expérience propre (ainsi que celle de sa famille, son père ayant fui le régime nazi à son arrivée en Autriche) et narration de la vie de Stefan Zweig (1881-1942). En quelque quatre cents pages, Prochnik tente de pénétrer l’esprit de l’auteur du Monde d’Hier, cette élégie à un monde culturellement riche et cosmopolite que Zweig vit disparaître à l’avènement du régime nazi, durant ses années d’exil, à partir de 1934. Prochnik suit les traces de l’exilé, entre Vienne, les Etats-Unis, le Brésil et le Comté de Westchester, visitant des maisons, rencontrant des témoins ; il le suit aussi au travers de sa correspondance avec ses amis européens et américains ; il le suit de même en citant ou en paraphrasant abondamment Le Monde d’Hier, l’œuvre testamentaire de Zweig, définitivement un des plus beaux livres du vingtième siècle ; il le suit enfin tel un détective privé, allant jusqu’à tâcher de retirer du sens de son suicide, de la mise en scène de celui-ci, photos à l’appui.

Deviens ce que tu es, Pour une vie philosophique, Dorian Astor

Ecrit par Guy Donikian , le Vendredi, 28 Octobre 2016. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Autrement

Deviens ce que tu es, Pour une vie philosophique, septembre 2016, 161 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Dorian Astor Edition: Autrement

 

Chacun connaît cette injonction célèbre « deviens ce que tu es », et chacun l’attribue généralement à Nietzsche. C’est pourtant le poète grec Pindare qui l’écrivit il y a vingt cinq siècles, et elle fut reprise et commentée par Socrate, Rousseau, Deleuze, et fut le socle sur quoi le surhomme de Nietzsche devait se fonder.

Commenter cette injonction consiste tout d’abord à refaire l’histoire des commentaires qu’elle a suscités pour en saisir toute l’épaisseur acquise dans le temps, et repérer les strates accumulées d’un penseur à l’autre, d’un siècle à l’autre. Cela conduit aussi à poser la question de la connaissance de soi, car le « deviens ce que tu es » suppose qu’on ne connaisse pas ce que l’on est. Après avoir dépassé ce questionnement, avec notamment le « connais-toi toi-même », que Socrate avait fait sien et pour qui la connaissance de soi peut aboutir à la sagesse, Dorian Astor propose quelques pistes qu’il ouvre pour les refermer ; ainsi se demander ce que l’on devient en devenant ce que l’on est ne peut souffrir un juste milieu comme le disait Pascal cité par l’auteur :