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Les Chroniques

Les douze tribus d’Hattie, Ayana Mathis (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 28 Août 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Les douze tribus d’Hattie (The twelve tribes of Hattie, 2012), Gallmeister, 2017, trad. anglais (USA), François Happe, 321 pages, 9,80 € . Ecrivain(s): Ayana Mathis

 

Cet été, je serai parisienne. Un titre ou une intention. J’ai décrété que je devais écrire. Connaître mes voisins. Décrire mes voisins, partager avec eux davantage, organiser même une rencontre, pour ceux qui restent, désirer mieux les comprendre tel l’avocat qui chercherait des circonstances pour. Et puis non ! j’ai craqué. Sans doute à cause de l’absence d’épaisseur entre nous.

J’ai balancé toutes ces louables intentions dès le lendemain matin, affirmant haut et fort que je n’avais aucun désir de les côtoyer. Car assurément la vie en collectivité n’était pas leur principale motivation, valeur ou vertu, il faudra que je réfléchisse davantage au mot approprié. Encore un mode d’emploi oublié du plus grand nombre !

J’ai failli te manquer, Lorraine Fouchet (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 28 Août 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

J’ai failli te manquer, Lorraine Fouchet, Héloïse d’Ormesson, juin 2020, 368 pages, 20 €

 

Dans un récit précédent, Lorraine Fouchet se concentrait sur la figure du père. Dans J’ai failli te manquer, elle adopte la forme du roman pour exorciser les démons qui ont envenimé ses relations compliquées avec sa mère. Après la mort de celle-ci, l’auteur réussit cette prouesse de transmuer les conflits persistants qui ont jalonné leurs rapports, en un récit réjouissant et pouvoir enfin respirer et exister par et pour elle-même à travers l’écriture qui devient son lieu d’accueil. Pour cela, l’auteur en tisserande des mots va broder une tapisserie dont on verra les deux faces : l’endroit, celle bien lissée, bien ordonnée, offerte au regard, et l’envers, celle bien cachée, qui laisse transparaître tout ce qu’on veut cacher : les nœuds, les défauts, les méprises, les ratés.

Lorraine Fouchet réussit à élaborer une stratégie d’écriture tout à fait originale et très habile. Le roman est structuré autour de trois voix : celle de la mère, le personnage central ; celle de la fille, qui devient une caisse de résonnance ; le troisième moteur de cette saga est le mari, mais aussi le père, une figure fantôme omniprésente, qu’il est impossible d’effacer car il sert de tampon et de médiateur entre les deux personnages féminins.

Le théâtre est anglais-3 - Inconditionnelles, Kate Tempest (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 27 Août 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, Chroniques régulières, La Une CED

Inconditionnelles, Kate Tempest, L’Arche, février 2020, trad. anglais, Dorothée Munyaneza, 120 pages, 15 €

 

Le théâtre de Kate Tempest fait peu à peu entrer la musique dans sa matière, passant des bruits de la ville dans Fracassés, aux chansons, celles essentiellement de l’histoire de la musique afro-américaine à partir des années 70, devenant ici d’une certaine manière des covers, des reprises dédiées aux personnages et celles écrites par l’auteure, mises en musique par Dan Carey et Kate Tempest en personne. Chose rare que de réunir dans un même volume une pièce de théâtre avec ses répliques parlées, et cinq partitions en anglais, rassemblées à la fin du livre, comme si le lecteur allait pouvoir déchiffrer ces lyrics and words, et les chanter à son tour.

Petit dialogue de morts (en poésie) (par Jean-Charles Vegliante)

, le Jeudi, 27 Août 2020. , dans Les Chroniques, La Une CED, Poésie

 

Il y a trente ans disparaissait Giorgio Caproni (1912-1990), écrivain, poète italien bien connu, entre autres raisons, pour avoir largement utilisé le dialogue – parfois même de type théâtral – au sein de sa poésie ; où « Personne n’a jamais réussi à dire / ce qu’est, en son essence, une rose ». Ses travaux de traduction, notamment d’auteurs français, ont compté sans doute pour cette évolution qui a affecté aussi son langage, de plus en plus proche d’un parler (ou pseudo-parler) contemporain, parfois laconique ; non par hasard, sa version de Mort à crédit (1964), ainsi que des traductions d’André Frénaud (1967) sont toujours considérées – pour sa poésie et dans l’absolu – comme particulièrement importantes.

Nous présentons ici, à titre d’exemple et d’hommage in memoriam, un petit échange avec son contemporain Vittorio Sereni, disparu quelques années plus tôt, grand traducteur lui aussi du français, et également représentatif de cette si féconde génération poétique venue après Montale, Quasimodo ou Sinisgalli. Dialogue affectueux et ironique à travers le temps, par-delà leur disparition.

Tant de choses à savoir, Comment maîtriser l’information à l’époque moderne, Ann Blair (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 26 Août 2020. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Tant de choses à savoir, Comment maîtriser l’information à l’époque moderne, Ann Blair, Seuil, Coll. L’univers historique, mars 2020, préface Roger Chartier, trad. anglais Bernard Krespine, 496 pages, 25 €

 

Le 5 décembre 2003, Arthur C. Clarke – à la fois grand écrivain et inventeur du satellite géostationnaire, qui révolutionna les télécommunications – déclarait dans un entretien à One World South Asia : « There are many who are genuinely alarmed by the immense amount of information available to us through the Internet, television and other media. To them, I can offer little consolation other than to suggest that they put themselves in the place of their ancestors at the time the printing press was invented. “My God”, they cried, “now there could be as many as a thousand books. How will we ever read them all ?”. Strangely, as history has shown, our species survived that earlier deluge of information, and some say, even advanced because of it ».

La citation pourrait servir d’épigraphe à l’excellent livre d’Ann Blair, où elle montre comment l’humanité a cherché (et peut-être échoué, mais c’est un autre débat) à maîtriser un double phénomène : d’une part, un volume sans cesse croissant d’informations ; d’autre part les changements apportés aux supports matériels de ces informations.