La disparition des lucioles (réflexions sur l’acte photographique), Denis Roche
La disparition des lucioles (réflexions sur l’acte photographique), mai 2016, 204 pages, 25 €
Ecrivain(s): Denis Roche Edition: Seuil
La photographie comme vertige.
C’est en 1974 que Denis Roche – écrivain, photographe et éditeur – fonda au Seuil la collection Fiction & Cie, qui réédite, moins d’un an après la disparition de celui qui fut aussi poète, La disparition des lucioles (réflexions sur l’acte photographique), initialement paru en 1982 aux Editions de l’Etoile. Il s’agit d’un livre hybride, entre l’essai théorique et l’autobiographie, d’un livre-patchwork où se côtoient textes, entretiens et préfaces déjà parus, textes inédits et photographies qui interrogent les rapports entre la littérature et la photographie.
Denis Roche est un de ceux – avec Roland Barthes (La Chambre claire, 1980), Gilles Mora, Claude Nori et Bernard Plossu (fondateurs des Cahiers de la photographie) – qui a donné à la photographie ses lettres de noblesse en la considérant non pas à l’ombre de la peinture, comme elle l’a souvent été, mais comme un art à part entière : « Il faudrait d’abord accepter que la photographie ne soit le décalque ou le substitut de rien, qu’elle soit son propre sujet et que ce sujet seul soit son étude, sa définition, sa visée ».
La photographie, Denis Roche la pratique comme « un journal intime » venant illustrer le néologisme naissant en ce début des années 1980 de « photobiographie ». Il se photographie en utilisant le retardateur de pose – souvent de dos – photographie sa femme, des corps nus, ses voyages, photographie en voiture, il photographie des appareils photographiant… Mais à chaque fois, c’est lui qu’il capte, qu’il saisit, qu’il fige : « On se photographie soi-même quand on prend une photo. On photographie ce qu’on a regardé, donc on se photographie soi-même. On se met dans une situation et à un certain point de vue (cf. Dürer…). »
Ecrivain, poète, Denis Roche pense et donne à penser l’image photographique, toujours « affaire de temps et de mort ». Dans sa réflexion, il interroge l’autoportrait, le photojournalisme, la photo de nu et la photo de sexe ou encore la photo de film. Dans tous les cas, elle est toujours une histoire, celle de la rencontre entre la vie du photographe et l’instantanéité : « Je crois que raconter les circonstances qui précèdent le fait photographique lui-même est précisément le seul commentaire esthétique réel qu’on puisse apporter à l’image qui suivra. En d’autres termes, la photo c’est ce qui précède, c’est ce qui préside ».
Une réflexion toujours d’actualité à l’heure du selfie devenu roi.
Arnaud Genon
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