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William Adjété Wilson, en noir, en blanc, en couleur, Collectif (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi 06.05.25 dans La Une Livres, Afrique, Les Livres, Critiques, Arts, Gallimard

William Adjété Wilson, en noir, en blanc, en couleur, Collectif, Gallimard (avec le soutien de l’ADAGP), 2025, 256 pages, 35 €

Edition: Gallimard

William Adjété Wilson, en noir, en blanc, en couleur, Collectif (par Yasmina Mahdi)

 

L’union des couleurs

Né à Tours en 1952, William Adjété Wilson est issu d’un mariage mixte, d’une mère française et d’un père d’Afrique de l’Ouest. Sa première exposition a lieu en 1976 à Paris. En 1986, il obtient le Prix de la Villa Médicis Hors-les-Murs et passe plus d’un an aux États-Unis. Il partage sa vie entre Paris, le Bénin, le Togo et Haïti. Combattant ostracisme et préjugés – « j’étais bien souvent le seul élève noir de ma classe » –, Adjété Wilson quitte la province. Il rejoint alors à la capitale « la vaste communauté des artistes de [son] époque ». Le bel ouvrage d’art que publient les éditions Gallimard, témoigne de son cheminement personnel et artistique, dès son arrivée à Paris, « bouillon de culture dans lequel les idées et les appétits fusionnent en un kaléidoscope vivant ». Des textes autobiographiques et d’historiens de l’art jalonnent le livre parmi plus de 600 illustrations. Adjété Wilson écrit se trouver en porte-à-faux entre d’une part « la trop grande visibilité de ma couleur de peau, d’autre part l’invisibilité discriminante qui m’était imposée ».

L’artiste franco-africain utilise un grand nombre de techniques : pastel sec, gouache, crayons de couleur, huile, acrylique sur toile, encre, pigments, bois, céramique, tissu, estampes. Les dimensions de ses œuvres sont variables, allant de 21 à 139 centimètres. Il aime « procéder par séries » et ce, dès ses premiers dessins ; affectionne la spirale, le cercle, l’étoile, le zigzag, la courbe plutôt que la ligne droite. Chaque pièce est une métaphore de son univers intérieur, une approche et une relation esthétique propres à l’artiste, où les visages stylisés sont presque totémiques. Les présences fantastiques, les êtres hybrides, moitié animaux, moitié végétaux, les corps librement interprétés, constituent des saynètes. La palette est étendue, riche, agrémentée de nuances d’auburn, de gammes de bleus, de verts, de jaunes, de rouges, à l’intérieur de formes complexes parfois cernées de noir.

Des masques fous, chamaniques ou totems funéraires, menaçants, ou bien des doubles de l’artiste, des autoportraits, peut-être à valeur apotropaïque, peints en vision frontale, avoisinent des rondes de personnages gravitant autour de planètes fantaisistes. Dans le Triptyque de la mort, les panneaux de 152 centimètres sur 68 centimètres s’apparentent à des bas-reliefs égyptiens, notamment par la présence d’un dieu-chacal noir (Anubis ?) porteur d’une faux et de vaches tatouées – triptyque en hommage au décès du père en exil. Le voyage aux États-Unis a permis à William Adjété Wilson de créer des séries aux pastels extrêmement vivantes, voisines de l’art mural latino-américain, mais sans perspective linéaire. Parmi les éléments du paysage, l’on distingue, entre autres, le boxeur noir, le cow-boy, le clown, le basketteur, l’Amérindien, le van, l’univers de Disney aux formes enfantines (une mythologie américaine). Le tout fourmille de détails minutieusement apposés.

Les peintures ont des aplats maîtrisés, voluptueux, aux couleurs chatoyantes. Le style de William Adjété Wilson s’approche de la Figuration libre, mouvement qui fait référence aux arts populaires, tels les monstres et les robots d’Hervé Di Rosa, l’art brut et l’imagerie arabe et africaine chez Robert Combas, la publicité et les objets industriels pour François Boisrond. L’on pense aussi à Hervé Télémaque avec la récurrence de la figure de l’homme noir. Adjété Wilson a collaboré avec des chorégraphes, des relieurs, des designers, a illustré des couvertures d’auteurs comme Saul Bellow, Marivaux, Molière, Maryse Condé, ainsi que des livres jeunesse. Il a réalisé soixante-seize « chaises, totems de foyer », objets hybrides – voir les deux magnifiques L’enfant des barricades et Le ventre de l’ogre. Confectionnées à l’aide de morceaux provenant de la rue à Paris et du Togo, ces chaises sont des pièces uniques, des collages poétiques.

L’univers de William Adjété Wilson est saturé de signes ethniques et de fétiches personnels. Le plasticien s’est ensuite initié à « la technique des appliqués, art ancien pratiqué au Bénin depuis des siècles pour fabriquer tentures historiées et drapeaux vodou. (…) Cette “bande dessinée” en tissu est à la fois un travail artistique des tentures historiées de l’ancien Dahomey. C’est aussi une fresque historique qui retrace les liens qui unissent les trois continents de part et d’autre de l’océan Atlantique, sur près de cinq siècles. C’est enfin mon histoire personnelle, qui s’inscrit dans ma relation de métis avec mes origines (…) ». Également, ces tentures relatent « la sombre aventure de la traversée de l’Atlantique » et les abominables déportations d’êtres humains.

Le collage libre semble être la marque de William Adjété Wilson. L’on pourrait évoquer la présence d’un Arcimboldo franco-africain à l’expression mêlée d’art brut, car sont convoquées des variétés de formes arborescentes, de ramifications étranges, le tout orné de broderies, de perles, de patchwork, de tissus, de céramique. Mélange qui se retrouve dans les collages wax et les peintures wax chamarrés. Ainsi, de grands ancêtres renaissent parmi des myriades de constellations florales en mutation. Dans ce répertoire de l’imaginaire, des physionomies de prédilection réapparaissent, parfois rendues plus abstraites.

William Adjété Wilson participe à l’exposition Paris noir, Circulations artistiques et luttes anticoloniales, 1950-2000, présentée au Centre Pompidou du 19 mars au 30 juin 2025.

 

Yasmina Mahdi



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rédactrice

domaines : français, maghrébin, africain et asiatique

genres : littérature et arts, histoire de l'art, roman, cinéma, bd

maison d'édition : toutes sont bienvenues

période : contemporaine

 

Yasmina Mahdi, née à Paris 16ème, de mère française et de père algérien.

DNSAP Beaux-Arts de Paris (atelier Férit Iscan/Boltanski). Master d'Etudes Féminines de Paris 8 (Esthétique et Cinéma) : sujet de thèse La représentation du féminin dans le cinéma de Duras, Marker, Varda et Eustache.

Co-directrice de la revue L'Hôte.

Diverses expositions en centres d'art, institutions et espaces privés.

Rédactrice d'articles critiques pour des revues en ligne.