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Vitraux de songes, Francis Etienne Sicard Lundquist

Ecrit par Patryck Froissart 30.08.16 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Ipagination

Vitraux de songes, 2015, 132 pages, 13,60 €

Ecrivain(s): Francis Etienne Sicard Lundquist Edition: Ipagination

Vitraux de songes, Francis Etienne Sicard Lundquist

 

Cent vingt-et-un poèmes.

Cent vingt-et-un sonnets.

Cent vingt-et-un morceaux d’architecture.

 

Francis Sicard fait dans la dentelle (c’est un de ses termes récurrents).

Francis Sicard remet le sonnet à l’honneur.

Francis Sicard cisèle ses sonnets comme un orfèvre.

 

Les cent vingt-et-un sonnets de ce recueil ont tous exactement la même forme, exactement la même composition, exactement le même rythme.

Chaque quatrain est une phrase, unique, finie par un point.

Chaque tercet est une phrase, unique, finie par un point.

 

Poésie monotone ?

Non point !

Poésie métronome ?

Oui-da !

D’ailleurs le titre d’un des sonnets y fait explicitement référence, comme une sorte d’indice métalinguistique : Métronome en maraude

Métronome qui produit une cadence particulière du premier quatrain au dernier tercet du recueil.

Le titre donne donc le dessein de l’auteur, la définition de l’ouvrage : ces cent vingt-et-un sonnets sont composés comme des vitraux précieux.

Combien de jours, combien de nuits a-t-il fallu à Francis Sicard pour forger (un autre de ses mots fétiches) ces ferronneries d’art ?

Le premier mot du titre, vitraux, est en résonance parfaite avec un champ lexical qui traverse le recueil de part en part en un réseau obsédant, celui de l’espace sacré (espace poétique), de la cathédrale (celle, immense et infinie, de la pensée du poète). Ainsi on rencontrera avec une fréquence qui, évidemment, fait sens :

– le champ de l’architecture sacrée : vitrail/vitraux, cloche, clocher, clocheton, minaret, temple, abbatiale, cloître, couvent, parloir, campanile, voûte, pilier, oratoire, autel, nef, marbre, pierre

– le champ des objets et accessoires sacrés : encensoir, missel, chapelet, orgue, santon, bougie, chandelle, cierge, cire, tronc, ciboire, croix, suaire

– le champ des officiants des espaces sacrés : prélat, prêtre, augustin

– le champ des actes sacrés: offrande, hostie, culte

– le champ de diverses références à l’histoire religieuse : castrat, templier, tocsin, médiéval, déesse

– le champ du lexique lié aux espaces religieux : silence, écho, velours, ors

Le deuxième mot du titre, songes, qui vient syntaxiquement en complément du premier, détermine l’état dans lequel est le poète lorsque lui apparaissent les vitraux à forger, au cours de songes, comme des illuminations divines, ou des visions prophétiques.

Parfois l’espace sacré est celui de la nature (réminiscence des Correspondances baudelairiennes ?). Alors les futaies sont les piliers du temple, la voûte est étoilée, les chandelles sont remplacées par destorches. Les vitraux, qu’ils soient d’église ou de frondaison, permettent un jeu incessant de reflets et de couleurs, parmi lesquelles reviennent le rouge, le sang, l’or, ou, par association, la grenade, le miel et les correspondances avec les parfums.

Aux architectures sacrées se substituent régulièrement des constructions qui sont tout autant des lieux clos de grandes dimensions : manoirchâteaupalais, ce dernier bâtiment pouvant être oriental, exotique, avec des eunuques et des babouches

Le minéral est systématiquement présent sous l’apparence de pierres, de cristauxd’émail, de perles, de verre, de faïence. Ces éléments surgissent récuremment, de façon surprenante, dans un champ sémantique d’éclatement, de brisure, avec les substantifs brismorceauéclatécailles, suggérant peut-être (connotations positives) que le poète perçoit dans ses songes les éléments épars qu’il rassemblera pour forger, pour ciseler, ou laissant entendre peut-être (connotations négatives) que l’œuvre est précaire, éphémère, en équilibre instable, destinée à se désagréger, hypothèse renforcée par les verbes déchirerronger, par la résurgence du mot cendre, par la répétition de puits et de trous, par celles, évoquant à la fois délicatesse et fragilité, de dentellespaillebrinsfeuillesconfettis,plumesfuméechâteau de cartes, par l’apparition de funambule dans le titre d’un sonnet présentant le poète, et par le terme le plus itératif de l’ouvrage: la rouille.

Parmi les strophes les plus réussies, citons celle-ci, pour l’évocation de l’acte poétique :

En écrivant le temps sur une peau d’orange

Le poète inconnu verse une larme étrange

Sur un passé perdu dans le flot du soleil.

(Funambule en fumée)

 

Celle-ci, pour un beau jeu d’allitérations :

Des bûches de savon et des bouts de miroir

Brisant les brins de terre et les bruits du feuillage

Brûlent comme du sang que des perles de rage

Ajoutent aux bassins où sombre un tamanoir.

 

Et celle-ci, premier quatrain d’un sonnet en hommage au poète que fut Charles Trenet :

Au bout de chaque rue au balcon de la lune

Sa voix court sous l’écho d’un lointain échanson

Que le vent en riant brode d’une chanson

Pour égayer la mer d’une robe de dune.

 

Cent vingt-et-un vitraux propices aux songes poétiques !

Que dire de plus, sinon que cet ouvrage mérite d’être lu, relu, et siroté comme une infusion bénéfique à l’âme ?

 

Patryck Froissart

 


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A propos de l'écrivain

Francis Etienne Sicard Lundquist

 

Né en 1952, Francis Etienne Sicard Lundquist se passionne dès l’adolescence pour la littérature, et en particulier pour Marivaux et Marcel Proust. Des études de lettres classiques le conduisent à Lyon, où il complète sa formation d’enseignant, qu’il exerce brièvement, avant de rejoindre en 1977 Berlin, où il choisit de résider pendant plusieurs années, pour écrire son premier texte en prose Le Voyage Bleu, qu’il ne publiera cependant qu’en 1986 aux Nouvelles Editions Debresse. Après plusieurs séjours à Antibes et Nice, il quitte Berlin pour se mettre au service d’une famille aristocratique allemande, avec laquelle il voyage en Europe, en Asie et aux Etats-Unis. Il en rapporte une importante correspondance, caractéristique de son goût pour le style épistolaire. En 1983, il s’installe à Londres, d’où il publie trois recueils de poèmes, Contrepoint, Ecritoire Vécue, et Ariane, aux Editions Saint Germain des Prés et aux Nouvelles Editions Debresse. Il rencontre des artistes, travaille à la refonte d’un monumental projet d’écriture, Nuage des bois secs, et, devenu proche d’un éminent exégète d’Oscar Wilde, il se consacre presque entièrement à l’étude de l’esthétisme. En 1998, il se retire dans le Languedoc, et publie quelques textes dans la presse, répondant à quelques appels à écriture, notamment ceux de France Musique. Il prépare couramment un roman picaresque, à quatre mains, et édite un échange atypique de courriels, qu’il se propose de publier (source : Poetica).

 

A propos du rédacteur

Patryck Froissart

 

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Patryck Froissart, originaire du Borinage, a enseigné les Lettres dans le Nord de la France, dans le Cantal, dans l’Aude, au Maroc, à La Réunion, à Mayotte, avant de devenir Inspecteur, puis proviseur à La Réunion et à Maurice, et d’effectuer des missions de direction et de formation au Cameroun, en Oman, en Mauritanie, au Rwanda, en Côte d’Ivoire.

Membre des jurys des concours nationaux de la SPAF

Membre de l’AREAW (Association Royale des Ecrivains et Artistes de Wallonie)

Membre de la SGDL

Il a publié plusieurs recueils de poésie et de nouvelles, dont certains ont été primés, un roman et une réédition commentée des fables de La Fontaine, tous désormais indisponibles suite à la faillite de sa maison d’édition. Seuls les ouvrages suivants, publiés par d’autres éditeurs, restent accessibles :

-Le dromadaire et la salangane, recueil de tankas (Ed. Franco-canadiennes du tanka francophone)

-Li Ann ou Le tropique des Chimères, roman (Editions Maurice Nadeau)

-L’Arnitoile, poésie (Sinope Editions)