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Virginia, Emmanuelle Favier (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian 29.10.19 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Roman

Virginia, Emmanuelle Favier, août 2019, 296 pages, 19,90 €

Edition: Albin Michel

Virginia, Emmanuelle Favier (par Guy Donikian)

 

Emmanuelle Favier, autrice d’un premier roman, Le courage qu’il faut aux rivières, signe là un livre singulier, d’une lecture exigeante certes, mais qui aura une place dans nos bibliothèques. Ce roman, mais est-ce vraiment un roman, est une subjectivité, crédible en raison d’une écriture à laquelle on ne peut rester indifférent, et propose donc de suivre Virginia Woolf depuis sa naissance, et antérieurement, jusqu’en 1904.

Virginia Woolf est née en 1882 dans une famille qu’on dirait aujourd’hui recomposée, non pas en raison de divorces mais de veuvage. Une famille bourgeoise, de l’ère victorienne, dans ce Londres de fin de siècle, près de Hyde Park, qui vit dans un manoir sombre, dont on imagine sans peine les boiseries et une esthétique plutôt austère, c’est en tout cas ce que révèlent les descriptions d’Emmanuelle Favier. Cette austérité sera compensée par les séjours estivaux en Cornouailles, dont elle conservera des souvenirs qui accentueront le contraste des deux univers.

C’est en 1891 que Ginia, l’un de ses surnoms, devient Miss Jan, son nom d’autrice. Une première tentative d’écriture avec ce journal intitulé Hyde Park Gate News, aidée en cela par sa sœur Vanessa.

« Plume ou pinceau, elles se rejoignent dans ce rapport sensuel à l’inscription, aiment physiquement la pointe au bout de laquelle se crée la forme. Pour Miss Jan trouver la plume idéale, le papier idéal devient vite une obsession d’enfant ».

C’est dans la solitude que les deux sœurs, l’une peignant, l’autre écrivant, élaborent le journal au quotidien. La solitude de Miss Jan « prend le visage de la gourmandise – au même titre que les tartes, les glaces à la fraise, les gâteaux qu’elle dérobe à ses frères et sœurs car bien que mince, miss Jan est connue pour son grand appétit. C’est la voracité de la tristesse, une solitude qui fait son gras de la foule alentour, tous ces gens qui, proches ou moins proches, vont et viennent autour d’elle sans cesse, échouant à lui donner l’amour nécessaire, interdisant l’intimité, renforçant l’isolement ».

La fragilité de Virginia Woolf trouve son origine dans différents événements traumatisants qu’elle aura vécus. Dans sa prime enfance, les frasques d’un cousin, avec sa maniaquerie dépressive, ou encore cette scène incestueuse que décrit pudiquement Emmanuelle Favier. Mais ce sont assurément les décès successifs sur lesquels on s’attarde qui vont fragiliser Virginia. Celui de sa mère, Julia, en mai 1895. Elle n’a que treize ans, et Virginia en sera bouleversée pour longtemps. De cette période datent les premiers symptômes de l’anorexie, de céphalées et de dépression. Deux ans plus tard, elle perd sa demi-sœur, Stella, puis en 1904, son père, avec lequel les rapports furent complexes.

Les chapitres du livre ont pour titres les années qui, chronologiquement, nous font vivre les différentes strates d’une vie qui se concrétisera par l’écriture que l’on connaît. C’est en 1904, date de décès du père, qu’Emmanuelle Favier conclut son ouvrage.

Une fois de plus, il s’agit là d’une œuvre littéraire, le talent de l’autrice se révèle dans le choix des termes pour donner non pas des événements, importants certes, mais bien une subjectivité qui infléchit la réalité événementielle.

 

Guy Donikian

 

Emmanuelle Favier est une poétesse et une romancière française. Son premier roman, Le courage qu’il faut aux rivières, a reçu de nombreux prix.

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