Trahison, Lilja Sigurdardóttir (par Jean-Jacques Bretou)
Trahison, Lilja Sigurdardóttir, juin 2020, trad. islandais, Jean-Christophe Salaün, 330 pages, 22 €
Edition: Points
Ce roman n’est pas à proprement parler un polar, c’est plutôt un thriller politique.
Úrsúla Aradóttir, une jeune femme pleine d’énergie, habituée à travailler pour des missions humanitaires dans des ONG internationales, notamment en Afrique, se voit proposer, à peine rentrée dans son pays, l’Islande, le poste de ministre de l’intérieur. Pensant pouvoir apporter à sa terre natale un peu de son expérience recueillie dans des contrées en voie de développement, elle accepte. Du jour au lendemain elle va se voir projetée sur le devant de la scène dans le milieu politique dont elle ignore tout des pratiques. Úrsúla tient à rester, malgré l’importance de ses fonctions, une femme simple, comme les autres elle veut s’occuper de son mari, de ses enfants, conduire sa voiture. Mais elle s’aperçoit bientôt, alors qu’un SDF un peu violent a trouvé refuge dans son véhicule, que cela ne peut être le cas, elle devra prendre une voiture avec chauffeur et garde du corps. Cette agression si bégnine soit-elle, en apparence, lui ouvre les yeux sur le regard de certains de ses collègues plutôt moqueurs et machistes.
Cet incident met par ailleurs en évidence les pratiques médiatiques et le fonctionnement des réseaux sociaux. Tout est bon pour vendre du papier, tout est pain béni pour faire parler de soi sur la toile. Cela se confirmera malheureusement lorsqu’elle voudra réouvrir un dossier pour viol. Après le stress post-traumatique accumulé lors de ses missions humanitaires, ses nerfs sont une fois de plus mis à rude épreuve. Elle va tenter de trouver un peu de réconfort auprès de gens plus simples, comme Stella, une femme de ménage avec laquelle elle va fumer des cigarettes sur la terrasse et qui va l’initier à des pratiques ancestrales de sorcellerie, une face de Reykjavik qu’elle ne connaissait pas.
Ce livre traite en grande partie des thèmes de la trahison et du harcèlement, via ou hors les réseaux sociaux, dans le monde politique contemporain. En outre, celui de la trahison est plus amplement développé à travers une histoire ancienne et montre combien il peut être cultivé de génération en génération et ressurgir avec force. Lilja Sigurdardóttir ne met en scène aucune scène de violence, le poison de la trahison fait son effet sournoisement distillé et ne se préoccupe pas de savoir si la civilisation est avancée ou non.
Sigurdardóttir use d’une recette qui a déjà fait ses preuves pour tenir le lecteur en haleine : ses chapitres sont très courts, trois à quatre pages tout au plus et une à deux actions au maximum. Ainsi elle est sûre de mener ses fans sans difficulté jusqu’au bout de son livre. Le résultat est très honorable.
Jean-Jacques Bretou
Lilja Sigurdardóttir, née en 1972 en Islande, est l’auteur de théâtre et de romans noirs, et participe à l’organisation du Festival Iceland Noir de Reykjavik Noir. Elle est traduite en huit langues, et a rejoint la liste des bestsellers dans de nombreux pays. Elle est aussi choriste du groupe de rock Fun Lovin’Crime Writers.
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