Louise, Julie Gouazé
Louise, août 2014, 161 pages, 18 €
Ecrivain(s): Julie Gouazé Edition: Léo Scheer
Ce premier roman brille par son écriture en lignes brisées, bousculant d’entrée de jeu la linéarité du récit :
Juin 1995. Lyon. Dans quelques semaines, Louise aura dix-huit ans. Ce week-end est le dernier avant l’épreuve de philo. Son amoureux s’appelle Marc. Louise a des parents, Marie et Roger, et une sœur.
Le ton est donné. Lapidaire. Objectif /objectal. Qui va devenir, au fil du récit, grinçant. Apprentissage de la vie.
La succession d’instantanés en accéléré, cadencés, nous plongent dans les années 95 et dans l’univers grandissant de Louise, « le Soleil » sur qui repose le cours du cercle familial bousculé, presque rompu dans la continuité quasi-parfaite de son cercle, par le Malheur injecté par ce qui arrive à l’étoile : la grande sœur de Louise, l’astre référent tombé de sa course solaire. Alice, l’aînée, l’icône pour Louise, est malade : Alice est alcoolique.
Se développe alors chez Louise un sentiment de culpabilité, des bribes de souvenirs qui d’un coup se blessent sur ce malheur, un sentiment de honte, une tristesse profonde, l’Angoisse. Sentiments trop lourds à porter sur les épaules d’une jeune adolescente qui va se battre, pour surmonter ce malheur ouvert comme une brèche au sein d’une famille autrefois heureuse et protectrice. Le lecteur suit ce combat, mené par une résistance à combattre à coups de scalpel enfoncés dans l’eau claire des souvenirs, le bouillonnement de colères rentrées, la peine tue mais opiniâtre à se battre jusqu’au bout de la nuit. Nuit d’où va ressortir Alice, après un long tunnel d’absences, la tête hors de l’eau ; d’où va s’en sortir le fils d’Alice : Jean ; auquel vont (presque) survivre les parents de Louise et d’Alice ; Roger et Marie. Mais au prix de quelle Liberté ?…
Louise joue l’honneur sauf de sa propre Liberté en se blessant aux récifs escarpés où se laissent couler les autres. Mais elle tient le cap. Mais elle se tait. Mais elle reçoit sans agressivité. Tout en douleurs rentrées ; renforcées par sa seule force intérieure éblouissante ; et s’en sort, sa grande sœur à ses côtés, le cœur hors de l’eau ; blessées mais indemnes pour recommencer à vivre.
Roman poignant dans sa sobriété d’écriture au fluide glacé, Louise laisse circuler un air de nostalgie que tous avons fleuré un moment dans nos flashback incontournables en direction de l’enfance. Une enfance là qui se raconte, pour aider à s’extraire du mal de l’enfance, pour aider à « grandir », pour en ressortir plus vulnérables : plus vivants.
Un livre à découvrir absolument.
Murielle Compère-Demarcy
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