Les Hors-Venus, Claire Julliard
Les Hors-Venus, février 2016, 272 pages, 18 €
Ecrivain(s): Claire Julliard Edition: Belfond
Drôle de premier roman que donne ici Claire Julliard, dans lequel la narratrice (qui s’exprime en « je ») est une adolescente qui fuit, avec deux gardes du corps, la secte où elle est retenue prisonnière et cherche protection sur une île semi-déserte. On y retrouve des réminiscences de très bons romans dystopiques pour la jeunesse – Le Passeur de Lois Lowry (1994), lui-même inspiré du Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley (1932) –, ainsi que de romans d’aventure ou robinsonnades comme L’Ile mystérieuse de Jules Verne ou L’Ile au trésor de Robert Louis Stevenson. Le titre est lui-même inspiré du titre d’un poème de Jules Supervielle, Le hors-venu, qui illustre la figure du réfugié.
Les relations entre les personnages de ce huis-clos à trois, puis quatre personnages – Mikael, le détective infiltré et lâché par la police, Harlan le gorille dépressif et Bienvenu Bonfeuille, dit Le Gabelou – se font tour à tour amicales puis tendues. Le personnage de Mélanie fait preuve d’une résilience extraordinaire lorsqu’on apprend et comprend les tourments que la jeune fille a endurés auprès du gourou de l’Eglise de la Sainte-Lumière cosmique, Jordan Kimmel, stéréotype du dictateur paranoïaque, dont Mylène, la mère de Mélanie, est l’une des proches. Du désert du Nouveau Mexique à la Polynésie française, le voyage romanesque est dépaysant, très couleur locale :
« Je me sens écrasée. Un point dans l’immensité. Je guette pourtant un oiseau, un signe. J’avance. Je n’ose pas penser que je suis perdue. Que je risque de mourir de soif, d’insolation » ; et plus loin : « Anuata. Elle a un nom de femme, cette île. […] C’est la plus belle île qu’il m’ait été donné de contempler. Issue de l’explosion d’un ancien volcan, elle a la forme d’une petite forteresse au toit crenelé. A son approche, on découvre une étendue de sable blanc sertie de cocotiers aux lignes gracieuses ».
Les pages du journal du Gabelou de la fin du roman éclairent la diégèse d’un autre regard, rationnel et humain. Cet ermite, figure du bon sauvage, garde-côte solitaire, est finalement celui qui a le mieux apprivoisé la solitude et conservé son équilibre.
Si l’intrigue est bien construite, tenant en haleine son lecteur jusqu’à la fin, en revanche on aimerait parfois entrer plus avant dans l’intimité des personnages, qui vivent des aventures hors du commun et dont le psychisme a dû conserver l’empreinte de ces douleurs, de ce passé, avant l’apaisement. Ces personnages, auxquels on s’attache tout au long du roman, d’abord et surtout à la jeune Mélie qui se trouve ici confrontée à une forme d’initiation ou d’apprentissage, apparaissent comme un peu extérieurs.
Sylvie Ferrando
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