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La Styx Croisières Cie (3) Mars 2018, par Michel Host

Ecrit par Michel Host le 04.05.18 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

La Styx Croisières Cie (3) Mars 2018, par Michel Host

 

 

« Ne travaillant que le réel, il me fallut porter ceci dans le Livre de mes Mémoires : « Le Lièvre de Mars était à ma porte qui criait d’une voix grelottante : – Ouvrez, Monsieur de Phrysac, je vous apporte un message de Monsieur Carroll. – Lequel ? – dis-je, grognon d’être dérangé. – Celui-ci : « Voyez comme le crocodile / Sait faire rutiler sa queue / En répandant l’onde du Nil / Sur ses jolies écailles bleues ! ». – Entrez, l’invitais-je, il fait un froid de canard. Je vous offre un thé. Mais, pardonnez-moi, le message de Monsieur Carroll ne veut rien dire. – Il veut tout dire, au contraire ! me rétorqua le Lièvre très fâché. Puis, soudain pressé, il tira sa montre de son gousset et ajouta : – Je dois rentrer maintenant, le Pays des merveilles, c’est très loin, le bout du monde… Je lui confisquai sa montre, craignant qu’il ne la plongeât dans le thé ».

Jules de Montalenvers de Phrysac, Le Livre de mes Mémoires

µ 1. « Qu’est-ce qu’il t’a fait, ce monstre ? »– J’avoue que le cri de la mère de la petite Maëlys, fillette de 9 ans assassinée par un homme de 35 ans (Nordahl Lelandais, il a avoué son crime sans en donner les circonstances) et dont on a retrouvé les ossements dans la montagne, me tire des larmes, de vraies larmes, non pas des larmes littéraires. Le voici, ce cri : « Six mois mon poussin qu’il t’a ôté la vie pourquoi ? Qu’est-ce qui t’a fait ce monstre ? Maëlys tu me manques, j’essaie de continuer de vivre pour toi, pour que justice soit faite. Ta vie est gâchée par ce psychopathe. Tu n’auras jamais de petits copains, jamais d’enfants ». Elle ajoute : « Je le hais ce monstre et j’espère qu’il va rester en prison à perpétuité. Qu’il ne fasse plus jamais souffrir personne ». Elle conclut : « Mon ange, tu étais, tu es, et tu seras toujours dans mon cœur. L’amour que j’ai pour toi, il ne pourra jamais me l’enlever. Il paiera pour tout le mal qu’il a fait, je te le promets. Je suis fière de toi, tu es une fille exceptionnelle, je t’aime de tout mon cœur ».

Je me croyais endurci à jamais, et mes larmes taries pour une enfant décédée en 1961. Je me trompais. Pour Maëlys, la presse et les médias la nomment « la petite Maëlys ». Les mots de sa mère m’accablent, comme si j’étais cette mère, avec beaucoup de Français. Ils réveillent de terribles échos qui se confondent. Je me tais.

Le 1er/III

 

µ 2. J’avoue encore autre chose. J’ai eu la larme facile. Elle me venait au coin de l’œil lorsque je voyais courir, il y a quelques années, ce cheval extraordinaire – Ourasi– qui jetait un œil narquois à ses rivaux en les déposant quand il avait décidé de le faire, car il y avait quelque chose d’humain en lui dans ces moments-là. C’était sensiblerie, certes, mais dont je ne pouvais avoir honte, car j’étais pétrifié par ce mystère qui me semblait transiter de la bête à l’humain, et, en moi, de l’humain à la bête. Je n’ai pas eu honte non plus de pleurer quand ils moururent notre chien Titi, nos chattes Artémis, Nejma et Tanit : eux aussi m’offrirent d’émouvants passages de l’animalité à l’humanité, d’autres instants uniques où se nouent les fils des espèces. Ils étaient de la famille.

Je pleure encore aujourd’hui, des pleurs secs, intérieurs, parce que brûlés par la colère, lorsque des hommes (de 1940 à nos jours) qui se crurent et se croient des surhommes ne se montrèrent que d’authentiques sous-hommes, brûlant, torturant bombardant, égorgeant, gazant et martyrisant des enfants. Je ne les crois pas réformables, et rien ne change de ce côté de la mort. Laissons les larmes.

 

µ 3. Qui pouvait s’attendre à ce que le petit Donald de Walt Disney ressuscitât sous les espèces d’un vieil adolescent pitoyable logeant à la Maison Blanche ?

 

L µ 4. Est publié ces jours-ci, sous la forme d’un fort volume de plus de 800 pages, le Journal inédit (1937-1950) d’Émile-Auguste Chartier, dit Alain, dont les Propos ont toujours facilité mon endormissement. Ce Journal révèlerait l’antisémitisme exacerbé de celui que ses élèves du lycée Henri IV surnommaient « L’homme ». Il avait toutes les qualités requises, en effet, pour bien figurer dans la société française d’aujourd’hui et le catalogue de ses auteurs favoris : pacifisme, antifasciste, contempteur de la guerre à travers son Mars ou la guerre jugée (1921) et commentateur de Montaigne, Spinoza, Hegel et Saint-Simon. Homme d’aujourd’hui, donc, égaré dans une société ancienne. Il passait sans doute pour celui qu’il n’était pas tout à fait, laissant voir dans les pages de son Journal qu’il « soutenait les accords de Munich, lisait avec plaisir Mein Kampf et allait jusqu’à souhaiter que l’Allemagne gagnât la 2de Guerre mondiale ». « L’idée de l’espace vital, qui est une idée morale, disons l’idée morale même, l’idée du droit reposant sur la valeur » écrivait-il, s’avérant ainsi un esprit attardé du VIe ou du VIIe siècle. Ou ceci encore : « On voit s’avancer en bon ordre les idées hitlériennes qui ont si profondément travaillé le sol européen (…) Lire suffisait, car aussitôt l’illusion anglaise se dissipait, ainsi que la puissance juive, toutes deux profondément liées par le dessous » (extraits, Le M, 2/III/18). En revanche, rien sur la libération de la France ni sur les camps d’extermination. Cet antisémitisme, ces espaces de silence, sont comme l’émergence des songes noirs d’un inconscient malade parvenu à la conscience, une perversion avouée dans les tréfonds d’un Journal inédit.

Commentaire : Parmi ses élèves de khâgne à Henri IV, il y eut Simone Weil (qui, plus tard, goûta à l’hospitalité hitlérienne) et Raymond Aron. Je me demande si le grand penseur Alain laissa une seconde deviner à ses chers disciples le fond véritable de ses pensées. Qu’est-ce qu’une objectivité prisonnière des temps et des modes ?

 

µ 5. Profitons ! Aujourd’hui la langue tend à se réduire à rien, à quatre mots comme : « On profite. Super. On s’éclate. C’est cool ». Eh bien, oui, on profite, intransitivement, c’est le meilleur, le plus haut de l’existence. Ils sont tous à la montagne où survient le redoux. Ils le savent bien que c’est le moment où la neige dévale les pentes en masses écrasantes, où des avalanches imprévisibles emportent tout sur leur passage. Ou ils ne veulent rien savoir. Mais quoi, ils veulent profiter ! L’époque s’y prête, on ne se déplace plus que par populations entières et familles au complet, emmenant femmes, belles-mères, grands-parents et enfants. On skie n’importe où, de préférence hors-pistes. Alors on est roulé dans la farine blanche, les guides n’y peuvent rien, « On y va monsieur le guide, on a loué le matériel, payé la balade… ». On s’en sort ou en ne s’en sort pas. On meurt sous sa propre bêtise, dans la gloire du profiter ! C’est plus fort qu’eux. Cette semaine, entre Alpes et Pyrénées, nous compterons douze disparus au moins. Des enfants laissés à eux-mêmes s’égarent, tombent du haut de la falaise. On cherche les mamies sous les éboulis glacés. Pas si grave, elles n’en avaient plus pour longtemps. En rentrant chez soi, si l’on a survécu, on se dira « qu’on s’est éclaté ».  À mort !  Qui a jamais eu pitié des moutons de Panurge ? Pas moi.

 

µ 6. Quatre ou cinq photos. Je ne suis pas bégueule. Contempler, caresser le corps nu d’une jolie femme n’est pas le plus négligeable des plaisirs, et meilleur encore s’il est partagé. Le dernier M, magazine du quotidien Le Monde en date du 3 mars, entièrement consacré à la mode féminine, m’offre, disséminées dans ses pages et dès sa première de couverture, des photos de jeunes femmes en robes printanières. C’est sans aucun doute ravissant et apparemment pudique. Cependant, toutes se tiennent à demi renversées, jambes et cuisses largement ouvertes… Je m’interroge. N’y a-t-il pas là une suggestion qui, pour couverte qu’elle soit, invite le regard à se diriger vers ce qui importe seul chez la femme, non pas la blondeur, ni le regard, ni la mine que l’on exige plutôt inexpressive dans les défilés de mode, mais son sexe. Cinq coïncidences aussi parfaites, cela n’existe pas sans intention. Ce magazine – que nous appelons familièrement « le m… » tant il est vide de contenu – nous le recevons chaque semaine comme récompense de notre abonnement au quotidien. C’est le magazine des bobos de gauche, comme Madame Figaro est celui des bobos de droite, la classe des gens riches mais pas trop… Ne pas faire envie, n’est-ce pas ! On se fournit au Bon Marché, le grand magasin le plus cher de la rive gauche, sans plus craindre ni l’incendie ni les prix hors d’atteinte pour la classe moyenne. Ce qui me stupéfie, c’est qu’il s’agit de cette classe bourgeoise, à l’idéologie progressiste affirmée, qui revendique actuellement que les hommes les plus frustes, les moins accoutumés à la patience et aux raffinements de la séduction, ne les agressent plus sexuellement ni ne leur fassent violence dans les lieux publics comme privés. À ces hommes, que disent-ces images ?

 

µ 7. Pourquoi le quotidien Le Monde ? Nous le détestons et néanmoins y sommes abonnés. Les raisons ? Outre que se présentant comme un organe d’information et de pure objectivité, très « intello » qui plus est, parce qu’au fait des dernières tendances de la pensée, des lexiques et éléments de langage les plus up to date, il est entre les mains de financiers et d’hommes d’affaires très en vue, ce qui est on ne peut plus louche. Il ne peut être entièrement libre. C’est le quotidien des politiciens bien-pensants, de la catégorie par moi honnie des Jivaro-progressistes : la plupart de ses articles ne le dissimulent pas, et nous avons appris à les traduire en langage de vérité et de vérités. Une Pravda chic, en somme !

Ce qui nous rend le quotidien « du soir » presque indispensable, ce sont deux traits spécifiques. Le premier : quoi qu’il s’y écrive en matière de commentaires, ses pages font allusion à un très grand nombre de faits et d’événements significatifs. Nous reste l’indispensable travail d’interprétation et de traduction des commentaires. On ne sera dupe qu’une fois sur trois. Cela est plus qu’utile lorsque, en été, retirés au fin fond de la province, nous tenons à ne pas oublier qu’au-delà des bois et des champs existe la planète tout entière. Le second : y faire suivre son abonnement est d’une extrême facilité, ce qui n’est pas le cas de tous les quotidiens.

 

µ 8.Quand on y songe… Les zadistes écolo-gauchistes qui ont interdit qu’un aéroport autorise le bétonnage de l’une des dernières terres de bocage des environs de Nantes (action que j’approuve pleinement), luttant contre un pouvoir local inventeur d’un référendum truqué et contre tout ce que la France compte de réactionnaires déguisés en progressistes, ont eux-mêmes agi, pour peu que l’on y réfléchisse, en parfaits Conservateurs, ceux-là mêmes qui refusent qu’il soit fait du passé table rase. Il est vrai qu’ils proposent aussi une autre agriculture et une véritable attention portée au patrimoine paysager. Tout cela reste assez amusant néanmoins. Les étiquettes politiques sont des leurres qui empêchent de voir ce que contiennent les flacons du réel. Les serpents finissent toujours par se mordre la queue.

Le 9/III

 

L µ 9. Journée des droits de la Femme : parfois elles abusent elles aussi. Il n’y eut pas que la célèbre Xanthippe, femme de Socrate, pour exaspérer son époux. Plus proche de nous, et donc moins connu, l’auteur de comédies et de vaudevilles Eugène Labiche eut une épouse autoritaire et tyrannique à un point tel qu’il ouvrit son testament par ces mots : « Voici mes premières volontés… ».

 

µ 10. Dimanche, à Notre-Dame. Le dimanche matin, en guise de grasse matinée, j’écoute les sermons, prêches, bavardages et homélies des différentes religions intronisées sur France-Culture par la laïcité républicaine. Les popes veulent me rendormir, les imâms me réveillent dans le désert des bédouins, les protestants m’anesthésient, les juifs de « Talmudique » m’apprennent souvent des choses que j’ignore, les catholiques, aux environs de 9 heures, m’achèvent de leurs absurdités culpabilisantes. Ce 11 mars, à Notre Dame, d’une voix de faux-témoin, le prédicateur : « J’ai péché par l’esprit, j’ai péché par les actes, j’ai péché par omission. Chères sœurs et frères en Dieu, priez pour moi afin que je rentre dans la paix et le pardon du Seigneur, etc., etc. ». Le malheureux n’a oublié que deux sortes de péchés : l’originel, dont son Église a affublé nos premiers parents avant de m’en affubler moi-même. N’ayant qu’exceptionnellement fait preuve d’orgueil, je cherche encore où et quand l’enfant que je fus commit la faute fatale. L’autre péché est sans doute celui de prétendre n’avoir pas péché, en somme une autre manière d’orgueil. Le sermonneur me reproche donc implicitement mon innocence, me suggérant aussi cette leçon : « Tu dois avoir péché, tu ne peux ne pas avoir péché. N’auront de vie libre et innocente de tout péché que tes ossements, plongés dans la nuit de la tombe dont tu ne sortiras jamais ». Quand échappe-t-on au péché dans cette religion ? Merci mon Dieu. Si c’est là votre culte, permettez que j’aille au bistrot d’en face.

 

µ 11. L’Europe d’aujourd’hui me fait penser au cadavre encore en vie de Louis XIV dans les derniers mois de son existence. Cadavre gangrené par la mise au rancart de ses fondements chrétiens qui, si je ne les regrette qu’à demi, lui proposaient au moins une armure morale. Cadavre d’une seule personne, l’unique, moi seul au monde, libre de faire tout ce qui me semble bon à moi et pour moi, dans un sentiment d’illusoire liberté doublée du vide le plus absolu. Cadavre livré à la purulence de l’argent et du profit et qui, déjà, sent les vers dévorer ses chairs et ses organes internes, le tout « géré » – et, puisque ce l’est, que peut-on vouloir de mieux ? – par les Diafoirus de la finance, du profit immédiat, de la technologie triomphante, du calcul de l’ignorance et de la force des anesthésiants (divertissements, sports, non-événements) indispensables au peuple pour qu’il ne dérange personne en haut lieu. Tout cela pue comme la mort d’une belle idée et celle des hommes.

 

µ 12. Avantage surprenant du Jivaro-Progressisme. Cette tendance indéterminée et volatile (guère de convictions, des intérêts seulement) téléguide le citoyen jusqu’aux tréfonds de son cervelet. Plus à me fatiguer : monsieur Macron pense pour moi économiquement, madame Schiappa pense pour moi moralement, monsieur Philippe pense pour moi règlementairement, monsieur Collomb policièrement, monsieur Le Foll pour tout et pour rien, madame Angot, alias Mme Ragot, pour m’aider à grandir en stupidité et crétinisme ; une partie de l’opposition de façade encore, avec MM. Wauquiez et consorts. Ils préparent des lois restrictives et punitives contre la pensée inconvenante. C’est l’avant-dernier pas avant l’interdiction de penser pure et simple. Vive la république !

 

µ 13. Retour du boomerang. C’est presque amusant, ces Mahorais (Île de Mayotte)  qui décidèrent de rester français quand les îles comoriennes voisines voulurent gagner leur indépendance, voudraient aujourd’hui rejeter à la mer lesdits voisins qui les envahissent afin de faire naître leurs ribambelles d’enfants sur un territoire français. Tout à l’inverse de ce qui se fait en France, où l’on veut accueillir des milliers de « migrants » (!!??) sans avoir le premier sou qui permettrait de les recevoir dignement. Les indépendants, sans aucun doute admirés des anticolonialistes de France, sont désormais dans la ruine et la misère noire comme il advient de toute prise d’indépendance incompétente. Les mahorais, au contraire, si j’en crois la doxa jivaro-progressiste, durent être honnis et méprisés de vouloir ainsi se rallier à cette nation de racistes de souche, d’esclavagistes et de colonialistes que nous sommes sans qu’il y ait l’ombre d’un doute en l’affaire. Les Mahorais doivent, c’est probable, une partie de leur misère à cette faute impardonnable qui consista à aimer une France à laquelle on apprend à se détester tant elle est coupable, et l’autre partie à ces centaines d’enfants abandonnés dans leurs rues et leurs campagnes, orphelins et délinquants forcés qui leur font une vie impossible, apatrides en quelque sorte et tous plongés dans le chaos matériel et moral ! Comment !… ces Noirs qui partout ailleurs seraient vus comme d’innocentes victimes, ici, à Mayotte, sont devenus plus xénophobes et inhospitaliers que d’insupportables Français !

 

µ 14. Réseaux sociaux ? Sont-ils, en l’état actuel d’impossibilité faite au peuple français d’imposer à l’État l’organisation de référendums sur des questions particulières, son seul exutoire, l’unique possibilité qui reste à ce peuple de s’exprimer ? Ou bien ne sont-ils que le réservoir à l’odeur putride de ses lâches déjections anonymes, la fosse à purin de ses défèques-news ?

 

µ 15.Des mots qui méritent de rester. On hésite à tirer sur les ambulances, de nos jours, encore que… Mais Mme Angot fait les frais des plaisanteries et bons mots des gens d’esprit. Il en reste quelques-uns. Elle se met en lumière, en effet, moins par ses écrits que par sa bêtise agressive et la haine surjouée qu’elle manifeste à l’égard des gens de sa propre classe, les riches bobos dépourvus de tout talent mais non pas de morgue prétentieuse, notamment dans une émission de télévision dont le seul nom est comme une ordure que l’on cracherait à seulement le prononcer. Y jouant les offusquées de s’entendre appeler madame par Me Dupond-Moretti, celui-ci la moucha en lui demandant si elle voulait qu’il l’appelât monsieur. Elle bafouilla une non-réponse, selon son habitude. Plus récemment, dans une revue consacrée aux arts télévisuels, l’essayiste et critique Éric Naulleau, ayant assisté à une représentation de sa pièce Dîner en ville, au Théâtre de la Colline, déclare : « Durée de la pièce, 1 heure 15. Durée “ressentie” : 6 heures ».

 

µ 16. Le Capital et l’Euro-paupérisme. Un article du monde (11 & 12 mars) nous informe de ce que diverses villes du Royaume-Uni, celle d’Hartlepool étant un modèle du genre, voient décroître l’espérance de vie de leurs populations, lesquelles s’enfoncent dans la pauvreté, avec des enfants nombreux, mal nourris ou pas du tout. Bref, le Libéralisme économique rétrécit les porte-monnaie et les existences tandis que l’Europe libérale et les Jivaros qui la dirigent, en nous guidant vers tous les bonheurs matériels, rétrécissent le sens de la vie humaine. Peut-être les Britanniques, avec leur Brexit, ont-ils eu raison de fuir cette Europe à défaut de changer leur système économique. Le bonheur humain réside dans la pénurie et le jeûne. On dirait du saint-Benoît ou du saint-Augustin.

 

µ 17. Repris du M (11/12/III) « … le supplément mensuel du quotidien du Vatican, L’Osservatore Romano, a dénoncé l’exploitation des religieuses au sein de l’Église, enjoignant à la hiérarchie masculine du clergé de cesser de les traiter comme des servantes ». Les religions n’engendrent que règlementations absurdes et injustes (ici, d’abord l’impossibilité d’accéder à la prêtrise pour les femmes, les raisons invoquées étant théologiques). Les femmes catholiques ont le choix entre balayer les saints lieux, repasser les nappes d’autel, ôter les bouquets fanés des chapelles, moisir dans les monastères. Si elles ont un brin d’audace, elles se feront mères abbesses dans les couvents, diaconesses dans les sacristies. La misogynie régnant au Vatican et dans les évêchés réduit les nonnes, qui elles non plus ne seront jamais prêtresses, à l’état de bonniches préposées à la lessive des caleçons de ces messieurs les papes, cardinaux, archevêques, évêques et chanoines. Leur état de soumission leur interdit jusqu’à la promotion canapé, au cas où elles y penseraient. La théologie s’oppose aussi (sauf pour certains religieux de haut rang en des temps moins hypocrites) aux douceurs de l’union matrimoniale comme du concubinage. Elles ont d’ailleurs peu d’illusions, les pouvoirs de ces messieurs ne pouvant conjurer les flaccidités et nonchalances de l’âge. L’Islam, le Protestantisme et l’Orthodoxie me paraissent avoir plus d’élasticité dans leurs formes usuelles de misogynie.

 

µ 18. Constat aphoristique. Depuis toujours, la loi du monde est double : course au dollar (*) et meurtre.

(*) Le fait a été tenu soigneusement caché par les préhistoriens : le dollar existe depuis la nuit des temps, et même d’avant les temps, car il  a été créé par un Dieu souvent appelé God.

 

µ 19. L’Éponge-Europe. Autre fait aisément constatable, l’Europe (l’Union européenne) est en miettes. C’est une vieille éponge qui ne tient pas le temps ni les différents usages que l’on fait d’elle. Brexit, Grèce, Hongrie, Autriche, Pologne… l’attelage tire à hue ! et à dia ! Il se désarticule peu à peu. Cette Europe de l’argent a absorbé les eaux de vaisselle des crises monétaires successives, elle enrichit ses grandes fortunes et appauvrit ses classes infortunées, elle engendre un chômage monstrueux au profit de pays esclavagistes et criminels, elle passe des accords secrets avec des entités commerciales américaines et canadiennes, elle s’agenouille silencieuse devant les grands dirigeants criminels au nom du libre commerce (Al Assad, Xi JinPing, les sultans saoudiens, le satrape turc…), elle s’agenouille devant les États-Unis qu’elle imagine pays allié quoique l’on n’y songe qu’à la vider de sa substance et de son identité, elle lave sans cesse les planchers pourris d’une Afrique décolonisée depuis plus de cinquante ans dont les dirigeants arrondissent leurs comptes dans les paradis fiscaux et achètent ses hôtels de luxe tandis qu’elle se frappe la poitrine pour avoir été colonisatrice (comme si elle l’avait été seule !). Certains de ses membres la gonflent de l’eau sale islamiste quand il faudrait presser l’éponge pour que cette eau s’en écoule ne serait-ce qu’un peu. Les Allemands accueillent l’islamisme migratoire à bras ouverts, puis gémissent de voir leurs femmes molestées et violées dans leurs rues. Les Français font de même, mais à débit plus lent : ils voient leurs « quartiers », « cités » et banlieues envahies de ces nouveaux pharmaciens, les jeunes commerçants en drogues douces et dures que doivent ménager les gardiens de l’ordre changés en gardiens du désordre (ne pas stigmatiser ! Dieu, quelle horreur !), ils subissent les oppresseurs de femmes qui ne les laissent ni fréquenter les cafés ni s’habiller comme elles le veulent. L’Angleterre a fermé ses portes. D’autres, Hongrois, Polonais, Autrichiens, bientôt sans doute les Italiens et certains Allemands manifesteront leur peu d’envie de devenir les nouveaux et derniers indigènes ! L’Éponge-Europe est là, au bord de l’évier, répugnante de crasse, en lambeaux, bonne à tout faire, bonne à être mise à la poubelle.

 

µ 20. En vrac. Le fond du panier.

M. Xi Jinping, en Chine, organise son règne à durée illimitée et menace le monde d’une guerre avec Taïwan ; M. Erdogan emprisonne, fait torturer ses sujets et attaque les Kurdes du nord de la Syrie. M. Trump, dont les Kurdes furent les alliés contre Daesh-l’E.I., ne les défend pas : ils ne lui sont d’aucune utilité désormais pour augmenter la richesse américaine. Le train-train du monde n’est pas dérangé.

M. Sarkozy, ex-président de notre république, pour qui je n’ai aucune sympathie particulière, est mis en examen, humilié, interrogé par le parquet financier, sur dénonciation répétée du rat des égouts de l’information, M. Edwy Plenel, et les accusations d’un certain M. Takieddine, trouble homme d’affaires de l’entourage du défunt Kadhafi, accusations selon lesquelles il aurait apporté à l’Élysée, les ayant descendues d’avion à bout de bras sans le moindre contrôle douanier, des valises remplies de billets de banque offerts par M. Kadhafi à MM. Sarkozy et Guéant afin d’améliorer leurs comptes de la campagne électorale de 2007. C’était il y a 11 ans et rien n’avait été décelé entre-temps ? La justice française (une magistrature impartiale qui, ne l’oublions pas, a réalisé le mur des cons !…) fait diligence et prête une oreille complaisante aux accusations de ces personnages pour le moins douteux. Grâce à eux, la république française est ravalée au rang de république bananière sur la foi de rumeurs et de documents suspects. Les preuves concrètes et définitives n’apparaissent pas. M. Sarkozy me semble avoir raison quand il affirme : « Je ne suis pas au-dessus des lois, mais je ne suis pas non plus en-dessous des lois»  (vers le 22/03).

Angleterre. Des Pakistanais, notamment de la ville de Telford, droguent et kidnappent de très jeunes filles anglaises et « blanches », qu’ils maintiennent prisonnières, les exploitant comme esclaves et prostituées dans des taudis qui font office de maisons closes secrètes. Le Daily Mirror l’affirme. Des témoignages le confirment. Les autorités policières, les services sociaux sont souvent au courant de ces pratiques, et ces jeunes filles appartenant aux classes populaires les plus défavorisées, dénonciations et plaintes tombent dans le vide. Angleterre éternelle ! Mépris et invisibilité des gens humbles. Les Pakistanais, on le sait, sont de religion musulmane. En Angleterre, tout comme chez nous, l’islamolâtrie fait florès et on ne voudrait pas « stigmatiser » quelque communauté que ce soit (Le M,22/III, p.4).

Le Jardin. L’homme et sa cupidité stupide (croyance dans les vertus érectiles de la corne de rhinocéros) sont en train de venir à bout, par le braconnage des 700 derniers rhinocéros sauvages d’Afrique. Le dernier rhinocéros blanc, nommé Sudan, qui vivait dans un parc zoologique, vient de mourir. Dans les campagnes françaises, la mort est infligée en masse aux oiseaux de la nature (alouettes, divers passereaux dont les fauvettes…) par les méthodes de l’agriculture industrielle : disparition des friches, épandage de pesticides, herbicides, fongicides et insecticides mortels (pour les abeilles !). Les ornithologues sonnent l’alarme. La raréfaction des insectes dont ils se nourrissaient est dramatique pour les oiseaux : ils ne peuvent plus se reproduire. Les printemps seront silencieux. L’homme détruit systématiquement, sur les cinq continents, le Jardin qui lui a été donné. Depuis l’année 2009, où j’ai ouvert ces deux chroniques, Les Carnets d’un Fou et La Styx Croisières Cie, j’ai plusieurs fois dénoncé la diminution des oiseaux (alouettes déjà, grimpereaux, fauvettes, rouges-queues, rouges-gorges et jusqu’aux mésanges si familières et aux hirondelles). Constatant que certaines espèces revenaient parfois, je pensais m’être trompé, avoir prêché un inutile pessimisme. Mais non, je ne me trompais pas, les spécialistes le démontrent aujourd’hui. On en parle dans la presse, on bavarde, je ne sais si des solutions seront trouvées avec la volonté de les mettre en œuvre. Enfants et adolescents ne s’expliqueront bientôt plus cette profusion d’oiseaux que l’on rencontre dans les contes des âges anciens, dans les enluminures et sur les tableaux. Nos campagnes déjà agonisantes seront définitivement mortes. Nous verrons de grands cimetières peuplés de tracteurs tirant des tonnes remplies de pesticides, conduits par des hommes masqués et enfermés dans des cabines étanches. Les enfants voudront rester dans les villes où les gaz d’échappement toxiques, les particules fines et tutti quanti leur rongeront les poumons.

Le jeune Franco-Marocain. Un « jeune franco-marocain » de 26 ans, armé d’on ne sait quelle arme, vole une voiture particulière, blessant son conducteur, tuant son passager, puis se dirige vers un supermarché de la région de Carcassonne, s’y introduit au cri deAllah u Akbar, y fait deux morts et plusieurs blessés. J’écoute la radio, comme souvent en milieu de journée. Les journalistes enflamment leurs caquetages, se demandant d’abord s’il s’agit bien d’un terroriste islamique, puis si l’individu est suicidaire ou non. Ils ignorent le b.a.-ba de l’islam : le Coran interdit le suicide au Croyant, ne lui permettant que la mort au combat : celui-ci attendra donc que les services de sécurité lui donnent la mort (ce qui se produira une heure et demie plus tard), autrement dit une forme particulière de suicide assisté. Je ne sais si Allah permettra à ce joyeux compagnon d’entrer dans son paradis. Ne combattait-il pas, en somme, que des civils désarmés ? Était-ce là un vrai combat ? Quoi qu’il en soit nous apprenons que le soldat de Dieu était connu des services de police, qu’il figurait dans le fichier des suspects de radicalisation… J’en conclus que ce fichier n’a pas la moindre utilité s’il ne permet pas de veiller, d’anticiper, de prévoir, et enfin d’agir, tout ce qui est « gouverner » selon le dicton. On ne gouverne donc rien ni personne en France. Les voisins de l’assassin, dits musulmans modérés (quelques-uns devaient le connaître), ne se sont pas dérangés pour signaler sa dangerosité, ses intentions prochaines… Le ministre de l’intérieur est venu assister à la mise à mort d’un cerveau abruti par la religion ; le président Macron, depuis Bruxelles, s’est donné le rôle de celui qui veillera à tout désormais, ce qui dans mon enfance se traduisait par pisser dans un violon ; les journalistes de France-Inter ont respectueusement acquiescé à ces belles paroles ; DAESH-EI n’a pas tardé à revendiquer les assassinats. Que la France se rassure : ce ne sont que des Français modestes que l’on tue, des Français que l’on écrase de taxes et d’impôts, des Français qui ne se fournissent pas chez Fauchon, mais achètent leurs maladies dans les plats préparés de leur supermarché favori. Disons-le tout net, de ces Français qui se sont couverts d’opprobre depuis qu’il y a des Français sur terre, de ces esclavagistes colonisateurs qui ont la tentation, parfois – quelle indélicatesse ! – de stigmatiserla malheureuse communauté islamique du pays, en montrant du doigt ou en éliminant ce qu’elle contient de plus nocif. Honte aux Français !

On ne fera rien, c’est entendu. MM. Hollande et Valls, il n’y a pas si longtemps, avaient bien perçu que l’on nous fait la guerre sur notre propre territoire. Alors, qu’on la fasse cette guerre. Déclarons-la. Appliquons ses lois simples et claires. Aux Français-traîtres nourris par la république et qui combattent leurs concitoyens, qu’on ouvre les portes des tribunaux militaires. C’est là que commencera l’efficacité.

Dernière minute.Le lieutenant-colonel de gendarmerie, Arnaud Beltrame, âgé de 44 ans, marié et père de famille, dans le supermarché de Trèbes où eurent lieu les assassinats, s’était délibérément offert à Redouane Lakdim, en échange de la libération d’une femme prise en otage. Il a finalement été blessé par balles et à demi égorgé au couteau. Emmené à l’hôpital, nous apprenons ce matin qu’il n’a pu être sauvé. Il est le quatrième mort de cette absurde affaire qui n’est explicable que par les effets pervers d’une religion de l’intolérance, et l’on parle aussi de quinze blessés. Ce fait-divers dépasse de loin le fait divers. Il ne peut que frapper les cœurs et les esprits, dont le mien, très profondément. Le lieutenant-colonel Beltrame est sans contredit un héros. Qu’est le « jeune marocain » Redouane Lakdim ? Il donnerait comme une brève envie d’entrer dans la folie nationale-socialiste qui avait inventé la catégorie des sous-hommes.

 

J’ai quatre mots à vous dire

De ces mots qui ont du corps, et en premier lieu des mots de tête. Les langues humaines n’ont pas eu à se mettre martel en tête pour les inventer, c’est évident. Elles n’en ont d’ailleurs jamais fait qu’à leur tête. Déjà, lorsqu’il jetait un œil à la porte de la grotte dans le matin brumeux et se trouvait nez-à-nez avec un tigre à dents de sabre, l’homme du Paléolithique, se tournant vers son épouse, entendait celle-ci lui dire : « Vous en faites une tête, mon ami ! Que se passe-t-il ? ». L’épouse, cependant, pourra ignorer qu’elle vient de complimenter son conjoint, lequel, au moins, ne manque pas de tête.

Le tête-à-tête ne manque pas d’ambiguïté : s’il a lieu sur un oreiller, il peut être délicieux ; s’il se déroule dans une salle de négociation, il peut y avoir du cabossage de têtes. Le fait de jeter quelque choseà la tête de quelqu’un peut aussi bien être la soupière bouillante, au propre, ce qui produira un méchant effet, soit son indignité à ce quelqu’un, reproche qui ne laissera aucune trace visible. Être une tête dira l’admiration pour ce qu’elle contient d’intelligence, faire la tête peut manifester ce qu’elle contient d’obstination dans la bêtise. Tomber cul par-dessus tête, est une chose plus grave qu’il n’y paraît : c’est renverser l’ordre naturel des choses de ce monde, entrer en conflit avec Galilée, Newton et, qui sait ? Aristote… Donc, évitons les chutes ! Donner sa tête à couper verrait se dresser à nouveau des milliers de guillotines si l’on ne parlait pas pour ne rien dire la plupart du temps. Laver la tête à quelqu’un n’empêchera pas qu’elle reste pleine de poux. Bref, ce peut être un vrai casse-tête que de se monter la tête pour en étudier toutes les facettes. Il y faudrait une tête de fer, voire une tête de Turc… (Voir Le Littré, art. tête, 28° entrée).

Les têtes, quand elles sont bien faites, sont pourvues d’un front, qui est mal considéré s’il est bas. On se le frappe de moins en moins car il est de moins en moins d’occasions de dire « Eureka ! ». S’il rougit, c’est généralement de honte, encore que les découvertes de l’amour puissent modifier ses couleurs. Faire front sera soit preuve de courage, soit de stupidité. Monter au front fut souvent risquer sa peau et l’est encore. Le nez doit être long chez la femme (Cléopâtre), mais aussi chez l’homme, suggérant alors des capacités d’un autre ordre… Retroussé chez les jeunes américaines blondes, il plaira ou déplaira… Fleuri ouenluminé, il suggèrera qu’on lève le coude… N’en voir que le bout indique qu’il fait nuit noire ou qu’on ne sait pas voir assez loin. Le mettre partout, c’est risquer de le mettre là où il ne faut pas. Un nez est soit un grand sommelier, soit un créateur de parfums. Se mettre le doigt dans l’œil est vraiment fort risqué si l’on est borgne… Comme on voit, les mots servent à tout et à dire tout et n’importe quoi : cela oscille entre deux arts : l’art synonymique et l’art polysémique. Lesyeuxfigurent aussi dans les paysages de la tête, ainsi que les oreilles et la bouche. Arrêtons-nous y un instant : l’œil de lynx, pauvre bête ! ne lui appartient pas entièrement ; celui du maître voit tout, sauf ce que ses valets lui volent ; son clin équivaut de nos jours à faire de l’œil, soit à tenter de séduire par de ridicules grimaces ; de perdrix, il est à nos pieds ; avoir bon pied bon œil est une concomitance rare qui évoque l’éternelle jeunesse ;noir, s’il vous regarde, vous suggère de fuir au plus vite ; au beurre noir, il reste loin de l’art culinaire pour se rapprocher de l’art de la boxe. Au pluriel, les yeux sont tout autres : ils ont des couleurs diverses. Bleus ils sont appréciés, ou tenus pour maléfiques selon les lieux et les croyances ; noirs ils ont donné une magnifique chanson aux Russes et à Louis Armstrong ; les faire doux (faire des yeux de merlan frit, en langage familier), c’est se rendre ridicule aux yeux d’une dame ; avoir des yeux pour ne pas voir, si l’on n’est pas aveugle, est le comble de l’aveuglement ;les fermer, c’est parfois être indulgent ; se les arracher indique que deux personnes au moins viennent de perdre l’usage de la raison ; manger des yeux, c’est dire que l’on n’est pas prêt de manger à sa faim ; fermer les yeux de quelqu’un est une obligation qui laisse mal augurer de l’avenir de cette personne. Être pris entre quat'zyeux n’est pas du plus confortable, il va falloir s’expliquer, trouver des alibis…

Quant à la bouche, elle peut servir à en boucher un coin à quelque impertinent. Fendue jusqu’aux oreilles, elle suppose un rire peu retenu, voire inélégant. La faire petite, marque que l’on fait des manières ou le difficile ; la faire « en cœur », c’est minauder ; ne pas l’ouvrir, c’est ne pas prendre part à la conversation ; l’ouvrir à tout propos, c’est empêcher autrui de parler ; la fermer aux médisants, tâche impossible et vaine ; n’avoir qu’un mot, une parole à la bouche équivaut à n’avoir rien à dire ; être fort en bouche (familièrement : fort en gueule) c’est être faible en actions ; le bouche à oreilletransmet vérités, fables et calomnies, on ne peut trop savoir ; celle du volcan crache plus qu’elle n’avale… Pour les oreilles, retenons seulement qu’en avoir par-dessus elles suppose l’extrême lassitude, mais qu’avoir celle du roi serait toujours utile si l’on n’avait coupé la tête des rois. Se les boucher signifie que le tapage est insupportable ou bien que l’on ne veut rien entendre. Les avoir qui nous cornent, c’est apprendre non pas qu’on médit de nous, mais seulement que l’on parle de nous. De chastes oreilles sont assez hypocrites pour écouter avec plaisir les plaisanteries les plus salaces ; « tenir un loup par les oreilles » c’est ne plus pouvoir le lâcher, entreprise risquée par conséquent ; dormir sur ses deux oreilles est l’illustration même du principe alternatif ; si l’on tire l’oreille à un enfant, on le punit, si on la lui pinceon le félicite gentiment. Brisons là. Je crains que mes lecteurs en aient par-dessus les oreilles.

 

Michel Host

 


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A propos du rédacteur

Michel Host

 

(photo Martine Simon)


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Rédacteur. Président d'honneur du magazine.


Michel Host, agrégé d’espagnol, professeur heureux dans une autre vie, poète, nouvelliste, romancier et traducteur à ses heures.

Enfance difficile, voire complexe, mais n’en a fait ni tout un plat littéraire, ni n’a encore assassiné personne.

Aime les dames, la vitesse, le rugby, les araignées, les chats. A fondé l’Ordre du Mistigri, présidé la revue La Sœur de l’Ange.

Derniers ouvrages parus :

La Ville aux hommes, Poèmes, Éd. Encres vives, 2015

Les Jardins d’Atalante, Poème, Éd. Rhubarbe, 2014

Figuration de l’Amante, Poème, Éd. de l’Atlantique, 2010

L’êtrécrivain (préface, Jean Claude Bologne), Méditations et vagabondages sur la condition de l’écrivain, Éd. Rhubarbe, 2020

L’Arbre et le Béton (avec Margo Ohayon), Dialogue, éd. Rhubarbe, 2016

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Mémoires du Serpent (roman), Éd. Hermann, 2010

Une vraie jeune fille (nouvelles), Éd. Weyrich, 2015

Carnets d’un fou. La Styx Croisières Cie, Chroniques mensuelles (années 2000-2020)

Publication numérique, Les Editions de Londres & La Cause Littéraire

 

Traductions :

Luis de Góngora, La Femme chez Góngora, petite anthologie bilingue, Éd. Alcyone, 2018

Aristophane, Lysistrata ou la grève du sexe (2e éd. 2010),

Aristophane, Ploutos (éd. Les Mille & Une nuits)

Trente poèmes d’amour de la tradition mozarabe andalouse (XIIe & XIIIe siècles), 1ère traduction en français, à L’Escampette (2010)

Jorge Manrique, Stances pour le mort de son père (bilingue) Éd. De l’Atlantique (2011)

Federico García Lorca, Romances gitanes (Romancero gitano), Éd. Alcyone, bilingue, 2e éd. 2016

Luis de Góngora, Les 167 Sonnets authentifiés, bilingue, Éd. B. Dumerchez, 2002

Luis de Góngora, La Fable de Polyphème et Galatée, Éditions de l’Escampette, 2005