La Conférence de Wannsee, Peter Longerich (par Jean-Jacques Bretou)
La Conférence de Wannsee, Peter Longerich, octobre 2019, trad. allemand, Raymond Clarinard, 233 pages, 20 €
Edition: Héloïse D'OrmessonLe 20 janvier 1942, quinze hommes, presque tous des personnalités de haut rang de l’État national-socialiste, du parti et de la SS, parmi lesquels quatre secrétaires d’État, deux hauts fonctionnaires de poste équivalent et un sous-secrétaire d’État se réunissent à l’invitation de Reinhard Heydrich, chef de la direction générale de la sécurité du Reich, dans la luxueuse villa Marlier sur le lac de Wannsee, transformée en pension pour la SS, et située en périphérie occidentale de Berlin.
On peut voir autour de la table : Josef Bühler, gouverneur-adjoint de Pologne, Roland Freisler, du ministère de la Justice, Otto Hoffmann, chef du RSHA, Gerhard Klopfer et Friedrich Wilhelm Kritzinger, secrétaires à la chancellerie du parti nazi et à la chancellerie du Reich, Rudolf Lange et Karl Eberhard Schöngarth, de la SiPo et du SD, Georg Leibbrandt et Alfred Meyer, du ministère des territoires occupés de l’Est, Martin Luther, du ministère des Affaires étrangères, Heinrich Müller, chef de la Gestapo, Erich Neumann, représentant les ministères de l’Économie, du Travail, des Transports et de l’Armement, Wilhelm Stuckart, représentant du ministère de l’Intérieur qui fut à l’origine des Lois de Nuremberg et jadis en charge de la politique juive.
Et enfin Adolf Eichmann, chef du bureau des Affaires Juives de la Gestapo, chargé de rédiger les notes de la conférence. Une trentaine de copies du compte-rendu de cette réunion seront édités à l’époque, dont une seule parviendra jusqu’à nous, découverte en 1947 par Robert Kempner dans les archives de Martin Luther.
« Le protocole de la conférence de Wannsee est aujourd’hui considéré comme le symbole même de l’organisation calculée, froide et bureaucratique du génocide des Juifs d’Europe ». Wannsee, c’est le crime à l’échelle industrielle, le basculement de la « solution territoriale » à la « solution finale ».
Peter Longerich a voulu nous « montre[r] qu’on ne peut parvenir à déduire le sens et l’objectif de cette conférence qu’en se livrant à une interprétation et une contextualisation méticuleuse du protocole ». Il met en avant deux théories qui s’opposent, celle de Himmler qui a l’oreille d’Hitler et celle de Heydrich que Goering a chargé de l’organisation de cette conférence « en vue de la préparation de la solution finale de la question juive en Europe ». Des oppositions existent notamment sur le sort de Mischlinge – les métis. Et, démonstration de Longerich, il s’agit de savoir si la « Solution finale » doit avoir lieu à un moment choisi, idée d’Heydrich, ou si comme le préconise Himmler, elle doit être « au service » de la guerre. La manière dont les troupes allemandes ont avancé à l’Est et l’assassinat d’Heydrich en 1942 à Prague donneront raison à Himmler.
Merci aux Édition Héloïse d’Ormesson d’avoir publié cet ouvrage un peu difficile paru en 2017 à Munich.
Jean-Jacques Bretou
Né en 1955 à Krefeld, Peter Longerich a été directeur du Centre de recherche sur l’holocauste et l’histoire du XXe siècle à l’université de Londres. Ses travaux sur la république de Weimar et le IIIe Reich font autorité. Il enseigne désormais à l’Universität der Bundeswehr de Munich.
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