Apollinaire, le regard du poète
Apollinaire, le regard du poète, édition publiée sous la direction de Claire Bernardi, Laurence Des Cars, Cécile Girardot, coédition Gallimard / Musées d’Orsay et de l’Orangerie, mars 2016, 320 pages, 45 €
Edition: Gallimard
Il est des catalogues qui nous proposent un souvenir – plus ou moins pâli, suivant la qualité des reproductions – d’une exposition, ouvrages à feuilleter d’une main rêveuse. D’autres, comme celui-ci, offrent de véritables – et coûteuses – sommes qui prolongent de façon savante l’exposition, voire la sous-tendent, en étayent l’accrochage, qui peut paraître alors comme la partie émergée d’un iceberg scientifique.
Si le thème de l’exposition « Apollinaire, le regard du poète » appelle d’emblée un public et un regard lettrés, le catalogue fournit aux esprits les plus exigeants les analyses des meilleurs spécialistes d’Apollinaire. Dans un renversement qui n’est pas sans exemple pour les grandes expositions, l’exposition paraît illustrer le catalogue, pièce principale de l’entreprise muséale.
Que le lecteur simplement curieux ou esthète ne soit cependant pas rebuté. Le volume frappe aussi par la qualité des reproductions et l’abondance des documents iconographiques. Certains articles sur les rapports d’Apollinaire avec le fauvisme, le cubisme ou le futurisme n’intéresseront peut-être que des spécialistes – qui y trouveront des mises au point précises et érudites. La biographie d’Apollinaire pourra, au contraire, séduire un large public : rédigée d’une plume enlevée par Laurence Campa, auteur d’une biographie de référence du poète (Guillaume Apollinaire, Gallimard, 2013), elle est distillée en épisodes tout au long de l’ouvrage, en une manière de feuilleton qui change agréablement des lourds préliminaires biographiques ou des sèches chronologies – une chronologie détaillée étant toutefois donnée en sus à la fin de l’ouvrage. Selon les goûts de chacun, on pourra aussi s’attarder sur les relations d’Apollinaire et de Picasso, développées dans plusieurs textes – à tout seigneur, tout honneur – ou sur celles entretenues avec Chagall, dans un bref article d’Étienne-Alain Hubert qui donne tout son sens au beau mais difficile poème À travers l’Europe :
« Rotsoge
Ton visage écarlate ton biplan transformable en hydroplan
Ta maison ronde où il nage un hareng saur […] »
Livre savant et beau livre, ce catalogue met pleinement en valeur le rôle de découvreur et d’animateur tenu par Apollinaire, en montrant l’importance de la peinture dans son œuvre et, réciproquement, de son regard pour la peinture de son époque. On pourra regretter que son écriture ne soit un peu isolée des autres plumes critiques de son temps, convoquées essentiellement pour lui servir de faire-valoir. Réserve de spécialiste, qu’on invite à négliger.
Ivanne Rialland
Laurence Des Cars (directrice du musée de l’Orangerie), Claire Bernardi et Cécile Girardot, toutes trois conservatrices du patrimoine, sont commissaires de l’exposition Apollinaire, le regard du poète qui se tient jusqu’au 18 juillet 2016 au musée de l’Orangerie.
- Vu : 4904