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Adieu le cirque !, Cheon Un-Yeong

Ecrit par Victoire NGuyen 13.07.13 dans La Une Livres, Les Livres, Asie, Recensions, Roman, Serge Safran éditeur

Adieu le cirque !, traduit du coréen par Seon Yeong-a et Carine Devillon, avril 2013, 267 pages, 18,50 €

Ecrivain(s): Cheon Un-Yeong Edition: Serge Safran éditeur

Adieu le cirque !, Cheon Un-Yeong

 

Ballade des âmes errantes

 

Le roman s’ouvre sur un spectacle de cirque en Chine. Deux frères assistent aux acrobaties qui se déroulent sur scène. Le lecteur ne connaît que la pensée de l’un des frères, Yunho, qui contemple le spectacle.

« Je regardais la scène, les bras croisés, bien résolu à rester de glace, quelque dangereux que fût le numéro réalisé devant mes yeux. La virtuosité de cette troupe d’acrobates chinois, qui arrachait des exclamations au public par une contorsion ou un pliement grotesque du corps, ne m’inspirait que pitié. Le cirque implique une prise de risque. Le cirque, c’est l’affranchissement des limites physiques par un entraînement infernal. C’est donc de la pitié, et non de l’émotion, que l’on éprouve au cirque ».

En réalité, ce spectacle de cirque est offert aux hommes dans la salle par une agence matrimoniale spécialisée dans la recherche de candidates pour un mariage avec un homme coréen. Yunho accompagne dans ce périple son frère aîné, Inho, handicapé de la voix suite à un accident. Il va auditionner les femmes présentes pour trouver une épouse digne de son frère : « Nous allions rencontrer six ou sept filles durant les quatre jours de notre séjour ». Cependant, Yunho n’est pas dupe. Nourri d’une intense ambivalence envers ce frère faible et fragile, Yunho ne cache pas son dégoût pour ces hommes coréens venant chercher la femme-objet pour en faire des esclaves de l’autre côté de la frontière :

« Je m’efforçais de ne pas les regarder. Si je croisais le regard de l’homme à la tache rouge, l’envie me prenait de lui frotter le visage avec du papier de verre ; si je regardais l’homme à la porcherie, la scène du coït des cochons me venait à l’esprit. Devant mes yeux tournoyaient des images de nains grimpés sur des femmes nues… »

Adieu le cirque ! est avant tout un récit qui dénonce avec virulence le commerce des femmes livrées à la violence des hommes coréens, forts de leur bon droit. L’auteur se penche avec compassion sur le sort de ces « épouses » exilées loin de chez elles et qui subissent les mauvais traitements de leur belle-famille et de l’époux indifférent. Ainsi Haehwa subit-elle jour après jour la tyrannie de Inho, l’homme-enfant devenu progressivement fou.

Mais Cheon Un-yeong chante aussi l’amour impossible entre deux êtres que tout sépare. Yunho et Haehwa ne cessent de se répondre d’un chapitre à l’autre. La structure narrative imite celle d’un chant dans lequel deux voix se répondent bien que distancées l’une de l’autre par delà les océans. Yunho et Haehwa bravent vent et tempête. Ils errent d’une terre à l’autre, traînant avec eux une vie devenue un fardeau. Chacun est hanté par ses manquements et ses échecs. Cependant, tous deux convergent vers le port de Sokcho qui peut être considéré comme le lieu du rendez-vous de leur destinée :

« Le soleil se lève. Sur la mer, il ne reste que du bleu foncé et un rayon argenté de soleil. On arrivera bientôt au port de Sokcho. J’aperçois la digue, au loin. Une fois à terre, j’irai me promener le long de cette digue. J’irai écouter les vagues, allongé sur le sol tiède. Je vais regarder la mer qui ne meurt jamais. Je vais attraper cette fleur de mer qui s’épanouit à chaque brisement de vague. Je vais rester allongé longtemps, en serrant cette fleur blanche dans mes bras. Cette fleur blanche qui s’épanouit sur la mer ».

Adieu le cirque ! est indéniablement un roman qui raconte les désillusions, les rêves perdus dont il ne reste que l’écume effleurant la surface de l’eau noire. Le titre est parlant car la vie n’est qu’un cirque à défaut d’un beau songe, le songe d’une nuit d’amour, porteur de promesses.

Cheon Un-yeong touche le lecteur car son écriture est poétique, elliptique telle la toile d’un maître impressionniste. La vérité des êtres n’est jamais révélée mais seulement suggérée.

 

Victoire Nguyen

 


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A propos de l'écrivain

Cheon Un-Yeong

 

Cheon Un-yeong est née à Séoul en 1971. Elle s’est imposée dès 2000 dans le domaine des lettres avec un succès immédiat. Grâce à son écriture, elle est considérée comme une voix exceptionnelle, représentante de la nouvelle génération de la littérature coréenne. Adieu le cirque ! est son premier roman. C’est aussi son premier titre publié en France.

 

A propos du rédacteur

Victoire NGuyen

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Un peu de moi…

Je suis née au Viêtnam en 1972 (le 08 Mars). Je suis arrivée en France en 1982.

Ma formation

J’ai obtenu un Doctorat es Lettres et Sciences Humaines en 2004. J’ai participé à des séminaires, colloques et conférences. J’ai déjà produit des articles et ai été de 1998 – 2002 responsable de recherche  en littérature vietnamienne dans mon université.

Mon parcours professionnel

Depuis 2001 : Je suis formatrice consultante en communication dans le secteur privé. Je suis aussi enseignante à l’IUT de Limoges. J’enseigne aussi à l’étranger.

J'ai une passion pour la littérature asiatique, celle de mon pays mais particulièrement celle du Japon d’avant guerre. Je suis très admirative du travail de Kawabata. J’ai eu l’occasion de le lire dans la traduction vietnamienne. Aujourd’hui je suis assez familière avec ses œuvres. J’ai déjà publié des chroniques sur une de ses œuvres Le maître ou le tournoi de go. J’ai aussi écrit une critique à l’endroit de sa correspondance (Correspondance 1945-1970) avec Mishima, auteur pour lequel j’ai aussi de la sympathie.