Soleil double, Le lisible, L’illisible, Jean-Luc Parant (par Jean-Paul Gavard-Perret)
Soleil double, Le lisible, L’illisible, Jean-Luc Parant, juin 2020, 128 pages, 21 €
Edition: Fata MorganaLa Matrice selon Jean-Luc Parant.
Parant ne cesse de décoder son corps et sa tête pour décoder à la fois la matière et la pensée du monde (qui lui-même ne cesse d’éclater en s’éboulant) et d’autre part la pensée et le corps de l’auteur qui le montre et le dit dans sa mécanique mentale et charnelle. Dans ce but, l’auteur fabrique boules et textes sur les yeux dans et, plus particulièrement ici, une réflexion et une création sur l’opposition touchable-invisible et intouchable-visible. Et ce, qu’il s’agisse de la matière ou de la pensée.
Ce double texte – dont le second est le miroir du premier et dont les deux parties comprennent le même nombre de mots – devient la reproduction singulière et fidèle du « moi » et de son image. Existe dès lors dans ce texte un déroulement de la propre « matière » de l’auteur et de sa pensée par effet miroir. D’autant que faisant une fois de plus le « tour » de ses yeux (qu’il ne peut voir), Parant se parcourt de l’intérieur comme de l’intérieur à travers les deux pans du livre qui forme un môle virtuel : le dernier paragraphe du premier texte devient le premier du second dans ce qui devient un sommet et un point de bascule. Tout d’abord y monte qui en glisse.
L’auteur, par cette structure, reconstitue métaphoriquement dans son corps et sa tête ce qui devient la matière et la pensée du monde en un mariage spectaculaire comme s’il n’y avait pas de véritable coupure entre le visible et l’invisible, le dehors et le dedans.
Jean-Luc Parant propose en conséquence une « biolographie » plutôt qu’une dystopie – même si la réalité échappe – comme s’il n’y avait eu qu’une seule matière et qu’une seule pensée du monde depuis toujours. La projection du corps et de la tête en ce dédoublement présent ici donne la juste place de l’être dans l’espace et le temps du monde.
Ceux de l’auteur et de son image en miroir finissent donc par rejoindre l’espace et le temps du monde au sein de ce « double soleil » qui possède – comme la lune – une face sinon noire du moins invisible. Le tout en une matrice universelle qui se voit sans se voir. Elle est le monde. Comme les yeux le sont. Ceux-ci nous enchaînent à nos limites. Mais nous alimentent tout autant.
Jean-Paul Gavard-Perret
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