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Rousse, Les Beaux habitants de l’univers, Denis Infante (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera 11.03.24 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Tristram

Rousse, Les Beaux habitants de l’univers, Denis Infante, éditions Tristram, janvier 2024, 133 pages, 16,50 €

Edition: Tristram

Rousse, Les Beaux habitants de l’univers, Denis Infante (par Gilles Cervera)

 

Littérousse

Disons-le d’entrée. S’il n’y avait eu ce magnifique entretien dans Libération un samedi, nous n’eussions pas rencontré Rousse !

L’entretien entre Denis Infante et Frédérique Roussel (on a dit… Roussel !), sorti le 2/02/24, présente un nouvel auteur que Tristram va trouver parmi tous les livres qu’il a jusqu’à présent, dans le plus grand silence de la plus grande solitude, auto-édités. L’auteur est beau sur la photo qui illustre l’article, fort et rude, un tronc d’arbre ! Plutôt un bûcheron sorti des proto-forêts et c’est ainsi, le lundi 4/02, qu’on va chercher ce roman en librairie. La pile est haute et nous sommes heureux de cette mention tellement rêvée qui est écrite au dos du pli intérieur de quatrième de couverture : Rousse, Les Beaux habitants de l’univers, a été envoyé aux Éditions Tristram par la Poste.

La belle mention ! Le rêve éditorial de qui écrit plutôt poste restante !

Puis nous lisons Rousse.

Nous entrons dans cette écriture qui n’a rien de péréquienne tout en se passant d’une belle partie de langue. Notre langue sans les articles !

Écrit sans articles ! Garanti sans !

Garanti sans airbag, sans l’amorce ! Directement au signifiant. Directement au lexème pour le dire encore plus chic si lexème fait encore sens ! Donc, ici, dans la phrase de Denis Infante, pas d’amortisseurs ! Le coup de hache ne fait aucun copeau, il est net. Il coupe, tranche. Il s’agit ici de rendre conte d’un monde rude, contraint, bien après Grand Incendie et Famine Extrême !

Rousse est une fable.

L’étrangeté linguistique saute aux yeux tout en nous rendant cette aussi forte impression de pouvoir lire quand même. De réussir à nous frayer le chemin sans articles dans le texte comme on traverse une forêt sans boussole. C’est d’abord, nous le redisons, étrange. Cela nous permet d’entrer dans cet univers que Denis Infante fonde sans doute ailleurs, plus tard, loin derrière les cauchemars téléologiques ou collapsologiques ou, bien avant, dans ces proto-temps où les seuls vivants avaient des pattes, des griffes ou des ailes, des becs ou des crocs et se crochaient pour becqueter.

Les Beaux habitants de l’univers du sous-titre avaient déjà, ou ils auront toujours, un esprit, des langues, des sentiments. Ah bon, on dirait nous ! Ah oui, c’est une fable ! Donc les bêtes ont des âmes et, disons-le, pourraient nous ressembler assez bêtement !

Rousse était jeune renarde à robe flamboyante, dont beauté et finesse d’esprit attiraient de nombreux soupirants.

Voilà notre héroïne. Sans article mais vive et vivante, rousse et de flammes !

Ses copines vont s’avérer Brune, ourse dans force d’âge et Noirciel, le sage venu d’en haut, dit Maître Noirciel vivait sur rive de Grand Fleuve depuis toujours.

Voilà, nous y sommes.

Et nous ne nous en sortirons pas sans remarquer que ce monde pur et sans tache est impur et taché. Qu’il y a des guerres, des jalousies, des tricheries et des prédations, mince, le structurel revient au galop.

Le roman finit, car nous irons jusqu’au bout de ce monde, entre les listes abondantes de belle forêt, hêtres, ormes, chênes, pins mêlés où, au final, l’absence d’articles nous ramènerait à une lecture infantile de Yakari parlant indien comme d’autres, dans des époques heureusement révolues, parlaient petit-nègre.

Denis Infante est à lire. Son patronyme déjà, force est de le dire, une entrée littéraire ! À lire plus que sûrement. Pas que de manière rousse, pas que dans la systématicité stylistique. Il y a des absences dont Pérec est l’honneur. Et d’autres qui finissent en système, dommage.

Nous partions en confiance. En avons perdu en chemin quoiqu’il fût long et périlleux, pavé d’épreuves et marqué d’espérance. Répétons-le que lorsqu’un auteur nouveau nous apparaît, le signe en soi émerveille.

Sauf que cette nature sèche, celle qui brûle et qui affame, nous était attendue, presque familière hélas. La dystopie est à nos portes et ne fait pas encore Littérature.

 

Gilles Cervera



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A propos du rédacteur

Gilles Cervera

 

Gilles Cervera vit entre Bretagne et Languedoc.

Instituteur, psychanalyste, auteur entre autres de

L’enfant du monde et Deux frères aux éd Vagamundo à Pont Aven.