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Manifeste vagabond, Blanche de Richemont

Ecrit par Lionel Bedin 01.08.12 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, Plon

Manifeste vagabond, 2012, 126 pages, 12,90 €

Ecrivain(s): Blanche de Richemont Edition: Plon

Manifeste vagabond, Blanche de Richemont

 

Ce Manifeste vagabond est un témoignage, un journal intime, un bilan, un manifeste, celui de Blanche de Richemont, une jeune femme qui s’interroge : « cela fait des années que tu cours sur les routes après un sens ; existe-t-il ? » Lorsque le retour devient difficile, lorsque « le voyage est devenu un esclavage », il faut s’arrêter, réfléchir. Écrire.

Pourquoi partir ? Parce que « les horizons ont leur mot à dire ». Parce que « notre âme n’est pas faite pour ces vies sédentaires figées dans le béton ». On part aussi, comme Blanche de Richemont, pour guérir des blessures ». Le décès d’un petit frère. Et « si la route ne nous libère pas de nos maux » mais au contraire « les met en lumière », un voyage difficile comme celui au Sinaï – « l’épreuve du feu » – permet de comprendre certaines choses sur le fonctionnement du corps et de l’âme. Partager le chemin et le bivouac met du plomb dans l’aile de quelques règles trop bien ancrées de notre société. « J’avais réalisé dans le désert que notre vie servait un autre but que la réussite ». Et lire Les clochards célestes inculque quelques idées nouvelles : « les clochards célestes savent s’emparer de leur destin, ignorant le regard de la société ». Avec tout ça, comment revenir dans « le monde des hommes » ?

Au cours d’un autre voyage – l’Azalaï, sept cent kilomètres sur la route du sel entre Tombouctou et Taoudenni – Blanche de Richemont découvre comment certains hommes considèrent la femme, vit l’enfer d’une caravane, sa geste répétitive dans un environnement hostile – « dans ce paysage immobile, seule la date changeait tous les jours » – et apprend à « ne plus enfermer l’avenir dans des prédictions pour se rassurer » et « à ne plus espérer, mais à accueillir chaque journée comme une offrande ». Le voyage, surtout le voyage un peu rude, ouvre de nouveaux horizons, c’est évident.

Le voyage ouvre peut-être aussi à une autre vie. Mais « le plus dur n’est pas de partir, mais de revenir ». Le voyage isole du monde des sédentaires. Il est souvent impossible de partager ce que l’on a vécu. Que faire ? Le vagabondage, le voyage permanent, la fuite ? Mais quelle fuite ? Dans l’amour ? dans la religion, au couvent ? le suicide ? la solitude dans la cabane (référence à l’isolement volontaire de Sylvain Tesson dans une cabane au bord du Baïkal) ? dans les livres ? dans la recherche de réponses aux questions comme « qu’est-ce qui justifie une vie ? » ou « suis-je libre ? ». Blanche de Richemont se pose des questions, vit avec son esprit en éveil. Ce qui est loin d’être le cas de tout le monde.

Certains pensent qu’il ne sert à rien de partir si c’est pour se (re)trouver soi-même. Mais si « le véritable vagabond ne serait pas celui qui prend la route, mais celui qui part chercher son âme », alors Blanche de Richemont est sur la bonne route. « La liberté du voyageur est vertigineuse », il n’a « pas peur du temps », il n’est pas « esclave du divertissement », chacun pourra s’en rendre compte. Mais plus grande encore est la liberté de celle qui arrive à la conclusion que « la nature porte en elle tous ces ailleurs qui nous hantent », que l’on part surtout « en posant un regard vierge sur le monde » et qui « cherche à illuminer un monde intérieur et non à calmer les tourments de mon esprit ».

Voici un petit livre intéressant, grave et léger à la fois, rempli de belles réflexions sur la vie, sur la mort, sur le voyage, sur l’autre, sur l’ailleurs, sur la liberté, et sur ce qu’on fait avec tout ça. Blanche de Richemont livre ses pensées, ses constats, ses analyses, ses réflexions, et les lectures qui l’aident à comprendre : des philosophes, des penseurs Indiens, des écrivains vagabonds comme Hesse, Jünger, Kerouac… Par là même elle aide dans leur propre démarche, dans leur propre questionnement, celles et ceux qui sont déjà ailleurs, celles et ceux qui sont encore là, celle et ceux qui, comme moi peut-être, ont un pied dedans et un pied dehors. Elle donne des pistes, elle ouvre les yeux, elle montre son chemin. A chacun d’y trouver de quoi enrichir sa propre réflexion. Un livre à conserver dans la bibliothèque voyageuse.

Les premières lignes :

« Je suis partie en voyage pour trouver une terre ou un regard qui justifient d’être en vie. Le jour où j’ai pénétré dans le désert du Sinaï pour la première fois, j’ai compris que les villes n’étaient pas humaines, que pour y survivre il fallait fuir. Des 4x4 nous ont déposés dans la nuit au creux d’un canyon. Des Bédouins nous attendaient au coin du feu. Les rayons de lune cognaient contre la roche. La puissance brute de cette nature mise à nu imposait le silence. J’étais née pour cet instant ».

 

Citations :

« Le confort retient. Les nuits à la belle étoile nous poussent sur la route. Elles en sont le prolongement ».

« Les vagabonds ne font que passer. Non pour fuir mais pour ne pas perdre leur intensité ».

« L’éphémère est un garant d’intensité ».

« Si le vagabond effleure la vraie liberté c’est parce qu’il n’a pas peur de perdre son temps ».

« On ne part pas en prenant l’avion, ni la route, mais en posant un regard vierge sur le monde ».

« Les vagabonds ont une lueur dans les yeux qui excite la jalousie et le désir. Ceux-là même qui fabriquent leurs chaînes du matin au soir crachent sur ces êtres libres voués à la solitude ».

« Partir demande parfois plus de courage que rester ».

« Revenir résonne toujours un peu comme une sanction ».

 

Lionel Bedin


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A propos de l'écrivain

Blanche de Richemont

Blanche de Richemont est née à Paris en 1978. Elle a fait des études de philosophie et du théâtre, avant de découvrir l’écriture et le voyage. Elle évoque ses voyages dans Éloge du désert (Presses de la Renaissance, 2004), puis Éloge du désir (Presses de la Renaissance, 2007). Elle publie un roman en 2008 : Pourquoi pas le silence (Robert Laffont), l’histoire d’un adolescent qui décide de quitter la vie après avoir tout fait pour l’aimer. Puis en 2009, Les passions interdites (Éditions du Rocher), un portrait d’êtres incandescents dans l’art, la foi, l’amour, le sexe, l’aventure, la science.

 

Site :

http://blanchederichemont.skyrock.com/

et

https://www.facebook.com/pages/Blanche-de-Richemont/94629685125

 

A propos du rédacteur

Lionel Bedin

 

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Lionel Bedin réside à Annecy (Haute-Savoie). Il est président de l’association La Route bleue (www.laroutebleue.net) pour la promotion de la littérature de voyage, il a créé les éditions Livres du Monde (www.livresdumonde.fr) et il est l’auteur d’une Brève histoire de la littérature de voyage.