Les lointains, Jean-Christophe Bellevaux (par Didier Ayres)
Les lointains, Jean-Christophe Bellevaux, éditions Faï Fioc, 2023, 89 pages, 11 €
Proximité
J’ai de la joie et de la surprise en rédigeant cette chronique sur ce poète important qui vit dans la région Centre-Val de Loire, région mienne depuis maintenant un an. Parce que je me sens proche à la fois du style et de ce que contiennent ces poèmes. Une sorte d’écoute de soi, d’images qui hantent, de lieux de proximité, de confessionalisme, d’associationnisme. Avec en ligne de mire, guettant la liberté, une langue qui exprime cette disponibilité à la chose toujours nouvelle qu’est la vie. Peut-être est-ce pour moi un miroir, miroir tendu par la main du poète où je reconnais mes années 80 à Paris, la déroute brutale des années punk et la faillite sociale.
Cette poésie est bel et bien une double focale entre celle de l’auteur et celle des pages de l’écrivain, mitoyenneté du langage et de la chose vécue ou revécue.
une mouche de printemps
sur la table basse du salon
stationne
dans son mépris des heures
je porte en moi
un épuisement d’instants qui voudraient éclore
là où je me borne à écrire
oh le trop-plein
et la leçon
apprise et sue
Le style de Jean-Christophe Bellevaux n’est pas porté par une langue neutre, une langue blanche, cependant ne poétise pas – dans le sens où l’entend Meschonnic, c’est-à-dire, sans ornementation excessive toujours proche du sujet plutôt qu’effet d’image. Le poème ici précède et pense l’existence dans son équilibre intérieur, sa capture, flux vital, captation de son mystère.
De quoi devrions-nous être effrayés, quand, prenant prétexte de branches et de feuilles capturées par la danse du vent, l’ombre et la lumière elles-mêmes jouent sur les graviers, sautillent
Ce travail ressemble à ce que figurent les lumières d’un port vu de loin depuis la mer, lumières qui se confondent à des pierres précieuses ou des étoiles chavirées sur le bord de l’océan à qui sait les voir. En définitive cet ouvrage est un recueil de petits étincellements sobres et parfois excitants, ceux des feux du dedans qui s’affrontent au poème.
Je reviens un instant à que l’on pourrait nommer fraternité. Car j’ai l’impression d’être circonvoisin de cette expression, et cela dans une lecture au fil de la page, et avec cette délicate et difficile parenté.
M’arrivent des juillets vrombissants, le bec orange d’un merle perfore l’herbe et ma perplexité ; emporte-moi, mon existence ivre, sur la crête des pylônes, emporte-moi dans le triomphe des tourterelles.
Les lointains est un chant, celui d’un simple être humain, être qui transparaît à la fois devant et derrière l’ivresse de la vie, proche de l’existence transformée en essence, en quintessence. J’ai donc poursuivi un chemin de découverte sans lacunes – ce qui me permet encore de me découvrir dans mon âme écrite.
Didier Ayres
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