Les Bûcherons, Roy Jacobsen (par Yann Suty)
Les Bûcherons, Gallimard, 194 pages, 16,90 €
Ecrivain(s): Roy Jacobsen Edition: GallimardFinlande, Hiver 1939. Alors que les forces soviétiques envahissent le pays, la petite ville de Suomussalmi est évacuée. Ses habitants incendient leurs maisons pour qu’elles ne tombent pas aux mains de l’Armée Rouge. Seul Timmo Vatanen, considéré comme l’idiot du village, refuse de partir. « La plupart des gens de la région ont pitié de moi, quand ils ne sont pas agacés par mon apparence ».
Rapidement, il découvre qu’il n’est pas tout seul.
« Et puis, j’ai fait deux découvertes : premièrement, tous les êtres vivants n’avaient pas déserté la ville, il restait les chats, j’en ai vu certains de mes yeux, quant aux autres, j’ai vu seulement leurs traces, il y en avait toujours plus qui zébraient la neige, telle une farine d’un blanc étincelant saupoudrée sur toute cette noirceur ».
Bientôt, les Soviétiques arrivent et bouleversent la ville. « Une foule d’hommes qui courent, marchent, en camion, à cheval, des étrangers, des silhouettes en noir et leurs machines qui ont brisé le silence et rempli la ville d’odeurs et de bruits qui n’y ont jamais existé, des milliers de silhouettes étrangères qui ont toutes quelque chose de bizarre et d’incertain, comme si elles avaient émergé du sol et ne supportaient pas la lumière du jour ».
Les envahisseurs sont quelque peu déconcertés de se retrouver face à cet homme qui a décidé de rester. Timmo les convainc de ne pas le tuer en leur expliquant comme il peut les servir. Il est bûcheron. Les troupes vont bientôt avoir besoin de bois, de beaucoup de bois pour se chauffer, car l’hiver finlandais est d’une rigueur extrême. Il leur promet un véritable « enfer blanc ».
Alors, Timmo se retrouve toute la journée à couper du bois, mais pas tout à fait comme il l’entendait. C’est « l’esclavage le plus étourdissant que j’ai jamais connu, nuit et jour, c’était en outre extrêmement dangereux ».
« Tant que le fait de mourir ou de rester en vie ne me devenait pas complètement indifférent, je ne distinguais plus l’un de l’autre, et tant que je parvenais à survivre à ces premiers jours de labeur sans sommeil, je m’en sortais, et cela m’a donné une forme nouvelle de sérénité ».
Car Timmo va se révéler. Il n’est pas le seul asservi à l’Armée Rouge qui se retrouve à couper des arbres. Il y a des Finlandais mais aussi des prisonniers russes, en tout sept hommes qui ont pour mission de ravitailler « une ville entière, une ville calcinée et nue sous un ciel polaire et plombé ». Timmo va prendre tout ce petit monde en charge, il va veiller sur eux pour les aider à tenir. Il devient « l’Ange », « l’Espoir », « le Dernier espoir », mais aussi « le Courage » ou « la Liberté ». Cet homme qui était considéré comme l’idiot du village va changer de stature avec la guerre. Il va révéler son courage et sa force de caractère. Contrairement aux autres, il n’a peur de rien. Pas peur des ennemis, pas peur des balles, pas peur de la mort. Il va aussi (se) révéler son humanité en prenant en charge les hommes qui lui sont confiés et en faisant tout ce qu’il peut pour qu’ils survivent à cette guerre.
Timmo n’a pas l’impression d’être un héros et il ne veut surtout pas qu’on lui tresse des lauriers. Il n’attend que la guerre se termine pour retourner à son anonymat, à sa vie solitaire de bûcheron, comme il l’entend, tranquillement, en faisant ses tournées pour trouver des clients. Mais alors, il devra affronter ses compatriotes finlandais revenus au village, qui l’accuseront de collaboration avec l’ennemi soviétique.
Yann Suty
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