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Le Ruisseau, l’éclair, Laurent Albarracin

Ecrit par Didier Ayres 05.12.13 dans La Une CED, Etudes, Les Dossiers

Le Ruisseau, l’éclair, Laurent Albarracin

Le poème, le poète


Je sors à l’instant de la lecture du recueil des 56 poèmes que publie Laurent Albarracin chez L’éditeur Rougerie, livre qui garde la sobriété et l’élégance que l’on connaît de la maison de Mortemart. Nonobstant, j’ai éprouvé très vite le charme de la locution courte de l’éclat soudain et resserré et aussi la tendance à la raréfaction. Voilà un livre entier construit sur le peu, le juste ce qu’il faut de mots pour faire exister le poème et qui, cependant, permet d’entendre le poète, lequel n’est pas incolore dans sa poésie. Je connais un peu Laurent, et j’ai vu dans ce ruisseau et cet éclair certains traits qui font miroir de son âme profonde, peut-être. Je pense à ce poème :

L’éclair m’a planté

un brin d’osier dans le cœur

Depuis je le tresse

pour cueillir l’écume des rivières

ou encore :

 

Dériver est quelquefois atteindre.

Quand c’est de ruisseau et d’éclair

que l’on vit.

 

Le projet de ce livre se dévoile à chaque instant dans l’ouvrage, livre d’eau et de feu, de grand éclair et de torrent, de ce moment de kaïros, moment sublime que le ruisseau et la foudre énoncent chacun à leur manière. L’éclair est au sens propre la saisie grecque du sublime, saisie brutale de tous les sens, de toute la sensibilité par la fulgurance d’une image ou d’une phrase. Le ruisseau aussi, par sa nature purement aléatoire est aussi sublime, parce qu’à la fois continu et discontinu. Pour ce qui me concerne ce sont des problèmes qui m’intéressent beaucoup.

 

Au ruisseau les pierres étincelantes

comme des enclumes posées

dans la forge défaite de l’eau

et sous son clair marteau


Mais cela ne serait pas faire justice au livre si je n’évoquais pas Héraclite et ses formules fragmentées – surtout pour moi qui suis préoccupé en ce moment par la question de l’épars. Préciser aussi que le milieu sylvestre est toujours une chose très touchante et très belle – et d’ailleurs saisir sa beauté demande une habileté de sculpteur de lumière. C’est en ce sens que le recueil de Laurent Albarracin permet de trouver le poète dans le poème.

 

Didier Ayres

Le Ruisseau, l’éclair, Laurent Albarracin, éditions Rougerie, octobre 2013, 62 pages, 12€


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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.