Le Mont Macaron – Itinéraire, Roger Aïm (par Philippe Chauché)
Le Mont Macaron – Itinéraire - Roger Aïm – Editions Infimes – 65 p. – 8 euros – 07/10/25.
« Ici, le paysage ne se livre pas. C’est la garrigue distante, indifférente. D’une beauté sévère, sèche, épineuse, immarcessible, piquetée de quelque pins, elle retient le temps. La garrigue a la force des sites ignorés des hommes. »
Le Mont Macaron est un cheminement littéraire que l’auteur trace pas à pas sur les sentiers pierreux qui le conduisent sur les hauteurs de Nice, en compagnie de celle qui la première lui a ouvert cette brèche lumineuse vers le Mont Macaron. L’amour, s’il déplace parfois les montagnes, les dévoile souvent. Cheminer ainsi, rend l’auteur heureux, il voit, et écrit. La nature mérite cet attachement du regard et du mouvement, ce territoire arpenté est devenu un pays, son pays. Les couleurs, les pierres – que des hommes oubliés ont transporté là -, la lumière, les bruits minuscules qui réhaussent la profondeur du silence peuplent ce petit livre inspiré.
Comment ne pas penser alors à Jean Giono grand écrivain en marche sur d’autres sentiers d’un sud éblouissant d’arbres en devenir : Les premiers rayons de soleil entrent dans un air vide ; à peine envolés ils sont déjà sur les lointaines collines entre les genévriers et sur le thym. On dirait que ces terres se sont avancées depuis hier. (1). Henri Bosco n’est pas très éloigné non plus, le défricheur littéraire du Luberon, où veillent des ombres, des terres et des maisons oubliées où l’on a beaucoup prié : J’avais reconnu sous ces terres l’étendue d’un site moral. Le roc, l’argile, l’eau, l’arbre, l’homme et la bête ne suffisent pas à le créer. Il y faut de mystérieuses rencontres, un accord inconnu mais sensible entre ces éléments et je ne sais quel sous-sol magnétique. On dit que là souffle l’esprit. (2). Lorsque l’on marche, la nature est d’une troublante présence et la littérature s’invite, comme un souffle, reste à l’auteur à s’en emparer, comme son œil d’empare d’une colline, d’un arbre ou du Mont Macaron qui se profile, c’est ce que réussit lumineusement Roger Aïm.
« Un tel lieu au ravissement muet possède une sorte d’ivresse. Cette promenade au plus près de la nature est le double de leur âme. Elle parle la même langue. La langue des sens. »
« Ils ne se lassent pas, entourés du silence des lieux, d’embrasser du regard cette étrangeté invincible qui unit en seul endroit tant de beauté. »
Roger Aïm dans ce minuscule livre s’adonne au plaisir des sens, et donc à celui de l’écrire et de le décrire, je vois, mon œil s’illumine et ma main fidèle en est le prolongement. Tout est naturel dans ces descriptions et ce ressenti. La marche déclenche ces plaisirs, elle offre au randonneur-écrivain un concentré d’odeurs, de couleurs, de sensations physiques, elle chasse les lourdeurs. Le style doit être aussi léger que la marche, et Roger Aïm dans les courts chapitres de son livre, le prouve. La lumière cette fidèle compagne de cette promenade irrigue ce Mont Macaron, comme elle irrigue l’écriture de Roger Aïm, écrivain attentif, précieux, fidèle à l’heureux principe de muscler son style pour le rendre plus souple et plus imagé.
Philippe Chauché
(1) Jean Giono – Colline – Un roi sans divertissement et autres romans -Bibliothèque de la Pléiade – Gallimard – 2020.
(1) Henri Bosco – Hyacinthe – Gallimard - 1941/1977
Roger Aïm est l’auteur de biographies : Pierre Reverdy – Écrire, pour survivre (La Simarre), de Poésies : Dans mes carnets (Domens), d’Essais littéraires : Histoire d’un refus – Julien Gracq, prix Goncourt 1951 (La Simarre) et Julien Gracq – Nora une passion surréaliste (Editions Infimes) https://www.lacauselitteraire.fr/julien-gracq-nora-une-passion-surrealiste-roger-aim-par-philippe-chauche
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