Le charme des sirènes, Gianni Biondillo
Le charme des sirènes, octobre 2017, trad. de l'italien par Serge Quadruppani, 341 pages, 21 €
Ecrivain(s): Gianni Biondillo Edition: Métailié
Nous sommes à Milan, l’intrigue tourne autour du meurtre d’un top-modèle à un grand défilé de mode. L’inspecteur Ferraro chargé de l’enquête est lui plutôt issu du milieu populaire et a gardé des amis « peu recommandables » comme Mimmo. « Du calme mon cul, gronda Mimmo à l’adresse du costaud. Déjà, qu’il fait une putain de chaleur et vous avec tout c’te bordel, vous m’avez réveillé ! Même les gamins dans la cour de l’immeuble savaient qu’à certaines heures, il valait mieux éviter de réveiller l’Animal ». Leur relation repose sur un mutuel respect et sur beaucoup de faux-semblants. « Depuis des années, Ferraro faisait semblant de ne pas savoir comment Mimmo gagnait sa vie, lequel Mimmo de son côté, faisait semblant d’être un informateur de Ferraro. Ils étaient clou et L’Animal ».
En même temps, dans le sud de l’Italie nous assistons à une rencontre improbable entre Moustache, un clochard, et Aïcha, une enfant immigrée esseulée, à la recherche d’un frère disparu soudainement. Aïcha qui découvre le monde moderne, technique et opulent de l’occident : « Si elle n’avait pas été inquiète pour son frère, il lui aurait semblé se trouver dans une fable où se passent des choses très curieuses : sèche-main d’air, vieux sages immortels, escaliers qui bougent, trains dans le ventre de la terre ».
Ferraro pénètre malgré lui dans ce monde de la mode qui fascine tant sa fille, et retrouve une ancienne maîtresse encore pleine de charme. « Plus il s’approchait et plus le spectacle faunistique devenait extraterrestre : femmes vêtues en divinités shintoïstes, jeunes filles en péplum de soie et broderies d’or, vieillards lanugineux aux moustaches victoriennes, nymphes dévêtues avec soin et malice ». Il est souvent très mal à l’aise et empreint de préjugés qu’il essaie vaguement de combattre. « Le marché du jeudi était la seule boutique qu’il eût fréquentée de sa vie, le reste appartenait au monde des fables. Et maintenant, lui, il était là, dans un lieu fabuleux. Francesca aurait apprécié. Guilia aussi. Elena aussi (…) si seulement il s’était débarrassé de cette attitude pleine de préventions… au fond c’était comme de visiter un musée, il fallait se fier au guide ».
Le livre nous emmène dans différents quartiers de Milan, avec chacun un charme différent. On sent l’amour de l’auteur pour cette ville. « Ils prirent le via dei Giardini et Milan lui parut belle comme il ne s’en souvenait plus depuis des années. Peut-être avait-il traîné toute sa vie dans les mauvais quartiers. S’il avait toujours vécu ici, il n’aurait pas eu de doute quant au fait d’être prédestiné au salut immortel. Quelques remarques sociologiques voire politiques parcourent le texte : « Lui, les expulsions, il en a rien à cirer. Lui, il est là pour pisser dans les coins. Il est en train de faire l’habituel parcours, il y en a qui font un mois au Chiapas avec les zapatistes, d’autres qui organisent des festivals de musique tzigane, d’autres encore qui prévoient quelques jours au trou ». Ce livre est donc une belle balade dans les différents quartiers et milieux de Milan avec des personnages attachants.
Zoé Tisset
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