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Le chant des marées, Watson Charles (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres le 29.10.18 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Le chant des marées, Watson Charles, éd. Unicité, mai 2018, 90 pages, 13 €

Le chant des marées, Watson Charles (par Didier Ayres)

 

 

J’ai pris le petit recueil de Watson Charles (petit en volume) comme une traversée, un voyage au milieu d’un monde animé par des oppositions. Oui, j’ai lu là une certaine poésie double, double par le mouvement vers les choses réelles, vers l’extérieur, vers la ville, vers le monde, vers autrui, et le retour de ces éléments dans l’intériorité poétique de l’ouvrage. D’ailleurs, je ne rechigne pas à préciser que j’observe souvent dans mes lectures de poésie ce qui est de l’ordre de la coupure, de la blessure intérieure et du caractère inaliénable de ce que provoque en soi cette schize. Ainsi, grâce à cette observation, j’ai décelé dans ces poèmes de Watson Charles une sorte d’apologie de la métamorphose, par exemple quand la ville se transforme en île, ou quand le monde se confond en un bateau naufragé, quand le lointain devient proche, quand l’exil devient une richesse. Et cela avec l’étude presque directe de la fonction du poète dans le monde.

Je cherche

Dans la perplexité du verbe

Le froid de ton corps inachevé

C’est cette approche duelle, celle de la relation physique, du corps poétique comme topographie notamment, de la complexité du rapport à l’autre, à l’Autre, à l’Aimée, au prochain, qui permet de parcourir le livre et son intelligence. Le poème est lien, est côtoiement.

 

La nuit tombe sur tes bras

Comme de vieilles maisons

Et ton corps me rappelle

Que nous avons traversé l’aube

À grands coups de balai

Et je marche dangereusement

À la cueillette des étoiles

Nous

Qui avons fait la route

Que nous reste-t-il

La nuit marâtre

Nos cœurs blessés

La mer qui rêve d’odeur

Que nous reste-t-il

Nous

Déchus

 

Le poète est ainsi désirant, en tension, et sans doute la fameuse citation d’Hölderlin qui a tant compté de dissertations, à savoir qu’il faut vivre le monde en poète, s’applique tout à fait au sujet de ce chant des marées.

 

N’oublie pas que le cœur du poète

Est à la traversée des chemins

Et chaque refrain est un silence

Pour un grand jubilé

Et les sources les plus secrètes

Sont comme des ressacs

Où les nuits passeront comme le vent

Avec leurs écharpes en bandoulières

 

Il faut encore préciser un dernier point, en mettant en lumière la relation matérielle que le poète ne néglige pas et même encourage, dire combien le feu et l’embrasement des corps physiques sont importants. Et de là, comment le poète est lui-même, dans ce miroir presque narcissique, grandit comme homme, en son vêtement littéraire qui procure au lecteur sa définition et sa raison d’être.

Et nous voici à ta porte, et nous voici avec le chant à nos gorges comme un homme qui a aussi longtemps marché. Alors je partirai laissant derrière moi ce monde comme un bateau qui ruisselle au creux des vallées.

 

Didier Ayres

 


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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.